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Douce plume acariâtre

       Texte présenté à un concours, je ne sais plus  lequel;

       Il devait suivre un long insipit vraiment insipide et vous le reconnaitrez ...je ne suis point tant poêtal bien que sentimentique. Il va sans dire que le jury ne m'a pas trop apprécié. De toute façon , des bêtes à concours existent. Je leur laisse volontiers une place que mes capacités refusent. Chacun son gâteau et Noël en décembre

 

                     MONSIEUR LE MAIRE A DISPARU

 


                Les jours sont des abricots, tièdes, lumineux. Il est tombé des trombes d’eau en octobre. Maintenant c’est l’été indien. Je tourne un peu autour de la maison et d’un coup ça me prend. Je glisse mon Laguiole dans la poche avec un sac plastique et je file vers la colline.
Une petite route monte entre deux vergers de cerisiers. À droite ils sont pourpres, en face orangés. Ces deux couleurs suffisent à mon bonheur. La route se transforme sans explication en un petit chemin de terre qui grimpe raide sous des chênes blancs. Les pluies l’ont défoncé. Je fais un bon kilomètre et le village apparaît en bas. J’aperçois les trois peupliers d’or derrière la maison. Mon cœur se serre, c’est mon père qui les a plantés. Dès que j’atteins la crête je m’enfonce dans le sous-bois. Le buis et les cistes griffent ma veste de treillis. J’adore cette odeur d’humidité et de bois pourri.
Tout de suite je tombe sur une famille de safranés qui soulèvent prudemment les feuilles pour voir l’automne. Il n’y a pas eu de gel la nuit, ils sont sains comme l’œil. Je vais d’un pin à l’autre, déniche quelques sanguins. Avec mon Laguiole je les coupe le plus bas possible. Ils ne sont pas véreux, légèrement marbrés de vert, magnifiques. Avec de l’ail et du persil je vais me régaler.
Je descends dans une combe pour atteindre un bosquet de pins que je vois dépasser. C’est raide, très épais. Personne ne doit s’aventurer par ici pour trois champignons. Je m’accroche aux branches de chênes verts. Tout d’un coup mon pied glisse sur un morceau de bois visqueux et je pars comme une savonnette. J’ai l’impression que je tombe pendant mille ans. Quand je m’arrête…. Quand la broussaille m’arrête, je suis au fond d’un petit ravin. Je n’ai pas eu le temps d’avoir peur. Je n’ai pas celui de me relever. Une mallette en cuir noir, flambant neuve, est là, à trente centimètres de ma main. Et mes tripes savent déjà que cette mallette va changer ma vie…

 

xxxxxxxxxxxxxfin de l'incipitxxxxxxxxxx il fallait oser ! ! !xxxxxxxxxxxxxxxen plus...un sac en plastique....un vertable crime de "laise-champignoneurs"; à quoi donc servent les beaux paniers d'osier?A mon tour!

 

 

        Si parfois j'ai ressenti la peur au cours des nombreuses années écoulées depuis ma glorieuse naissance,  jamais ce sentiment pourtant intrinsèque à tout l'homme n'est arrivé à la cheville de ma curiosité. Immédiatement j'oublie les innombrables  écorchures  que les ronces ont dessinées sur ma peau, zébrures où déjà perlent de nombreuses gouttelettes d'écarlate. En une fraction de seconde, mon romanticisme, mon amour à la nature si belle, si haute en couleurs automnales, ma passion pour ce coin de terroir que je connais comme ma poche et où je me baigne en un vagabondage hors du temps, tout cela laisse place au pragmatisme. Mon esprit cartésien de la logique, aux antipodes de celui qui m'habitait il y a quelques instants, reprend le dessus.

         Kézako?

         Où est celui ou celle qui a laissé cette mallette…laissé? Jeté? Oublié? Perdu? Déjà quatre points d'interrogation. Une inspection des alentours va-t-elle pouvoir  y répondre? Je me lève, fort heureusement pour moi rien de cassé, et simultanément questionne dans une langue qui pour ne pas être un Français très châtié reste compréhensible de tous:

                    -Ya quelqu'un?

    Pas étonné de recevoir le seul silence comme réponse, je réitère beaucoup plus fort.

         -Hou hou! Ya quelqu'un?

Rien. Avant de voir plus en détail cet objet hors cadre en ce sous-bois, je commence une minutieuse observation du ravin. A part le tracé de ma chute sur son versant, aucune empreinte, aucun signe de passage d'un quelconque individu. Je sais reconnaître   les feuilles soulevées par le bout de bâton d'un "champignoneur"  comme j'aime à dire. La situation brusquement me parait non seulement burlesque  mais proche du tragique. Pour accentuer ce sentiment et peut-être à cause de mes cris, un silence inaccoutumé se fait entendre.

Pour celui qui se déplace en respectant Dame Nature, cette dernière le lui rend allégrement et de bien des façons. Les piaillements,  les gazouillis des innombrables oiseaux s'égosillant à qui mieux-mieux dans les hauteurs. Les frottements de branchages que le léger vent agite sans les brusquer, sans les plier en force. Ces craquements de bois  que les sécheresses et les pluies alternées font travailler, se tordre et enfin de briser en se décomposant. Ce bois que l'on dit mort mais qui n'en finit pas de mourir est bruyant pour qui sait l'écouter. Parfois des animaux qui n'hésitent pas à s'exprimer malgré le passage de l'intrus, cet homme pas toujours bienvenu. Je peux aujourd'hui reconnaitre sans équivoque la marmotte qui siffle, le merle enchanteur qui babille, le goupil qui glapit ou jappe, jusqu'aux rats  qui chicotent. Sans oublier le vrombissement des abeilles dont il faut se méfier à une certaine époque de l'an. Et bien d'autres encore…

Les odeurs accompagnent. La terre, l'humus, les nombreuses plantes, fougères et arbustes que mon nez jour après jour a appris à reconnaître et différencier. L'air lui-même me parle différemment. S'il souffle du nord, il m'apporte la lointaine senteur des moutons sur le plateau. Du sud, un relent de lavande du beau Diois vient chatouiller mes narines. De l'est, l'odeur des hautes cimes froides de l'Oisans. Hélas viennent parfois de l'ouest des pestes de je ne sais quel enfer pétrochimique de la vallée du Rhône.

D'un seul coup, plus rien.

Ceci n'est pas normal.

Un éclat de soleil couchant frappe mon œil et je retrouve mon couteau favori. Tiens, je ne pensais plus à lui!  Et hop, dans la poche. Merci là-haut, divine providence!

 Que dois-je faire?

 Si j'avais trouvé une lampe de cuivre, je poserais mes fesses sur une  grosse pierre plate, sans me préoccuper  de salir mon fond de pantalon, et je la frotterais doucement  avec une manche de ma veste  en imaginant la fortune qu'un magicien tout puissant pourrait m'apporter. Et si la mallette n'était qu'une forme moderne emprisonnant un génie? Je crois que je le mettrais à la disposition de mes concitoyens. Je pourrais en faire des belles choses dans ma petite ville! Perdue, isolée par la géographie qui l'a recluse, les politiciens ne lui accordent que peu de subventions… mais ils n'oublient jamais taxes et impôts en tout genre!

Mes yeux transpercent le cuir noir de l'objet incongru et comptent les liasses soigneusement rangées. Je suppose la couleur des billets. Violet? Non c'est trop! Vert? Pas assez. Je me les peins en jaune avec un 2 suivi de deux beaux 0 délicieusement imprimés comme chiffres fétiches. L'argent n'est pas un aimant pour moi et je ne serais jamais son amant, pourtant la mallette (ou son trésor?) m'attire. Laissant dans les limbes d'un oubli provisionnel ce bout de ravin où le hasard -s'il existe-  m'a conduit, doucement je m'accroupi et observe enfin attentivement, de très près.

Belle bête, grand luxe à n'en pas douter. Tombée du ciel, elle ne serait pas ainsi. Pas la moindre rayure, aucune souillure, poussière néant, l'insolite objet paraît neuf, récent sorti d'un magasin de renom. Mon bras droit se déplie prudemment. Il revient vite. Devant tel mystère, un peu de respect s'impose. C'est donc à deux mains que délicatement je m'empare de ce joyau de la maroquinerie.

Mon souffle  se suspend aux côtés du temps. Il me semble que mon cœur n'est plus à sa place, palpitant avec joie comme il en a l'habitude dans ma poitrine. Rien n'existe. Je ne suis plus un vieil homme aimant à se promener  dans les quatre saisons des bois. Un ex écorché-vif par les ingratitudes inhumaines de la vie, non pour moi mais pour de si nombreux individus que j'ai connus, aimés ou haïs, Un ex rebelle devenu tranquille et apaisé avec les années. Si calme  et reposé que ses concitoyens lui ont dernièrement renouvelé leur confiance. Celui qui a parcouru la terre entière à la recherche  d'une étincelle de divinité, celui qui pensait n'avoir plus rien à découvrir, redevient au moment où il s'y attendait le moins, la Curiosité agenouillée en extase  aux pieds de l'Inconnu. Déjà cet exceptionnel moment qui me projette hors de moi-même change ma vie. Il y aura désormais, avant et après La Malette.

Elle ne pèse guère, trois kilos peut-être. Soixante sept kilos d'interrogation face à trois kilos de mystère.

Impossible à ouvrir sans connaître deux codes. Une combinaison de chaque côté de la poignée enrobée de cuir noir sans couture apparente. Série de chiffres sur deux petites roulettes dentelées de métal chromé. J'imagine un ou une propriétaire composant sa date de naissance, celle de son mariage ou des quelconques numéros fétiches. Simples marques lui rappelant des tranches de vie Je visualise des événements pour mémoriser un code…. Esprit inventif et surréaliste, où vas-tu vagabonder?

Bon. Pas de grand Boum pour avoir toucher le mystère. Je suis encore du gentil monde des vivants, c'est déjà beau! Que ne peut-on penser en semblable circonstance. Bombe? Fioles de produits toxiques ou pipettes de virus? Peste? Choléra? Là, je divague et raconte des imbécillités…à n'en pas douter! De nouveau la peur frappe à la porte.

            -Hé hooo, ya quelqu'un ?

Comme réponse, il me semble percevoir un bruit de moteur s'approchant, un touktouktouk caractéristique qui croit rapidement pour devenir bientôt assourdissant.  Un hélicoptère! Il va me survoler à très faible altitude, quelques mètres à peine au dessus du faîte des arbres. Alors que je me redresse mallette en main, le gigantesque appareil se stabilise juste à ma verticale. Vacarme tel qu'il efface  ma capacité de réflexion. Le vent soulevé par les pales de l'appareil, fait tourbillonner feuilles et brindilles  qui se plaquent sur moi, m'aveuglent, m'affolent.

 Je m'aperçois enfin que la nuit est tombée car un puissant projecteur m'illumine de son faisceau blanc et cru. Sans les branches je serais probablement ébloui. Pourquoi ai-je pris mes vielles jambes à mon cou? Sans pouvoir me raisonner, sans vouloir comprendre, je m'enfuis à travers bois. L'enfer me poursuit sur mon zénith et sa lumière ne m'abandonne pas. Je ne suis plus moi-même. Je ne sais pas où je courre et cent mètres plus loin une combe abyssale coupe ma trajectoire. Si profond ravin vertical que certains intrépides, bravant les interdictions y sautent parfois en parachute.

 

Trois jours ont passés. 

 

Les recherches menées pour retrouver monsieur le maire du village de  Jussieu en Vercors ont enfin permis de retrouver son corps au pied d'une grande barre rocheuse. Il semblerait que….

 

 Un hélicoptère?  Nul n'en a vu un survoler la région depuis fort longtemps. La mallette? Quelle mallette?

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