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Douce plume acariâtre

SEXE ET ALCOOL

Intermède amusant.

 

Cette petite affaire allait m’occuper alors que j’étais plutôt enclin à prendre des vacances. Je l’ai acceptée par jeu ; sur le chemin des écoliers je fuyais la capitale avec la Louve et un peu d’argent de poche n’est jamais à dédaigner. Direction le soleil made in Méditerranée ! Dans l’arrière-pays il reste encore hors saison des petits coins peinards que les touristes n’envahissent pas trop. De belles plages à portée de voiture en une demie heure et s’il est possible qu’un casino traîne ses bottes dans les environs mon bonheur devient total.

J’aime le jeu. Les jeux. Tous les jeux. Y compris celui du chat et de la souris que je partage avec les flics.

Pourquoi me suis-je rabaissé en un minable marchandage ? Je devais être probablement d’une très bonne humeur ; normalement à cent mille euros par tête de pipe, le prix d’un simple quidam, trois font trois cent mille ! Et j’ai baissé les bras, ai dit banco topant une main pour deux cent cinquante plaques. En plus cette bonne ville de Lyon où la bouffe titille toujours mon palais délicat se trouve précisément sur ma route.

Trois jours d’arrêt chez Guignol et Gnafron. Un coup d’œil sur Mon site, sur Ma banque en ligne et mon sourire carnassier s’élargit : le fric vient d’alimenter Mon compte. Il n’en restera bientôt qu’une faible partie après un subtil exercice de vases communicants.

Muni de quatre photos et d’une seule adresse, mon travail de recherche étant réduit à néant, je n’avais plus qu’à savoir quand la bande devait entrer en action. Ici ma fidèle et inséparable collaboratrice fit une fois de plus remarquablement bien son job. Bof, glisser un grain de riz dans une poche sans que le quidam ne s’en rende compte c’est fastoche . Mais des fois pas tant que cela !

Petit certes, voir minuscule. Pourtant un micro hyper précis et d’une portée suffisante qui va nous conter la belle histoire.

Cette fois-ci le métro a été choisi.

La dernière folie avait défrayé la chronique, enchanté les amateurs de saloperies sexuelles sur internet et les flics pédalaient allégrement dans la semoule en cherchant le quatuor. Comment ce dernier avait-il été repéré par mon commendataire ? Aucune idée, je m’en foutais hier comme aujourd’hui, je ne m’en préoccuperai pas demain non plus.

Quatre. Deux gars et une meuf, une nana gironde et pas mal foutue du tout, en un seul mot salope comme peu de ses congénères. Deux carrés balaises, avec du muscle résultat d’une nature généreuse additionnée de pas mal d’heures d’entraînement, deux types donc que personne n’avait osé interrompre pendant leurs exploits. Un troisième mec, toujours le même et un chouïa moins costaud, chouïa seulement, qui cherche le meilleur angle avec son portable pour filmer la scène et les réactions des spectateurs forcés.

Trois prénoms masculins sur ma liste. Pourquoi pas les quatre ensemble ? Ça aussi je m’en contrebalance !

De la baise en public.

Les vidéos ne cessent de tourner et les cris que pousse la demoiselle en fin de cession ne ressemblent en rien à du chiquet. Plusieurs déjà ont été prises dans des trains de proximité, sur des places où des badauds déambulent, des terrasses de bars, de restaurants. Le dernier dans un autobus.

Chauffeur menacé d’un couteau en cas d’intervention ou de déclenchement d’une quelconque alarme, le deuxième gars se nique en toute beauté une nana troussée , cul en l’air, jambes bien écartées et arrive à ses fins en deux trois minutes sous les yeux ahuris des passagers. Le troisième mec filme.

Une petite ado, guère plus de treize ans, se délecte alors que sa mère vainement essaye de lui ôter cet intéressant spectacle inattendu. La vielle dame d’en face visiblement souffre de ne pas être l’élue de l’étreinte de l’étalon car il est vrai que le bougre peut remercier l’univers pour ses mensurations. Un couple assit dans le mauvais sens risque un torticolis à vie pour jouir de la scène, envisageant sans doute la semblable performance pour cette nuit prochaine. Un petit vieux essuie dix fois ses lunettes, les laisse tomber et souffre malaise de ne pouvoir les ramasser sans perdre une miette du spectacle.

Une pipe rapide, gorge profonde malgré le beau membre puis quelque aller retour dans un sexe bien lubrifié enfin une apothéose en un orifice théoriquement plus étroit mais que de les mains s’efforcent de rendre plus accueillant. Monsieur se vide et demoiselle , ou madame, gueule !

Terminé, tout le monde descend.

La police, toujours pleine de malice, arrive plus tard… trop tard.

Autre lieu ; les mêmes protagonistes recommencent leur exploit et la the nana baiseuse change de partenaire. Proposant parfois à un spectateur en âge une participation dans cette représentation très particulière. Là, curieusement, aucun n’a jamais accepté.

Je suis toujours à l’heure ! Depuis une éternité un quart !

La ligne de métro D, gare de Vaise, gare de Vénissieux doit avoir le privilège de servir comme plateau de tournage de la prochaine vidéo, le grain de riz nous a renseignés.

L’heure choisie voit des voyageurs parsemés dans les deux uniques wagons totalement automatisés et personne donc ne devra surveiller un conducteur inexistant. Mademoiselle se donnera ainsi à deux gars en même temps ; plus hard, un pied terrible, des cris plus fort.

A la station Mermoz-Pinel, la deuxième sur le trajet, la Louve montera avec le quatuor. Je monterai à la cinquième halte du convoi. Monplaisir-Lumière ; nom prédestiné ? Déguisé en contrôleur de cette gentille TCL.Transports en Communs Lyonnais.

Et c’est parti…

 

Comme prévu.

-Mesdames, messieurs votre attention. Nous vous invitons gratuitement ce soir à un spectacle hors-série. Laissez les quelques enfants présents en profiter, vous leur cachez trop de choses.

 

La petite nana a déjà levé sa jupe et s’appuie sur une barre verticale en haussant son postérieur. Jules, le monsieur Loyal invite son acolyte pour une immédiate pénétration et Blaise, ce dernier, s’active aussitôt. Pas de roulis, pas de tangage pas de vibration sur cette ligne, les roues sont chaussées de pneumatiques et mademoiselle reçoit dans la malle arrière sans risquer de déjanter, elle s’occupe aussi avec une bouche avide d’un autre sexe dressé. Celui de Hassan.

-Si quelqu’un veut participer, qu’il ne se gène pas, plus on est de fous plus on s’amuse.

La Louve s’avance et propose gentiment une petite pipe en faveur de Jules, présentateur cameramen. Sans refus of couse.

Tout le monde fait silence. Vu le gabarit des gaziers personne ne se risque vers le signal d’alarme. Quand je monte à bord bien des lâches évacuent les lieux. D’autres restent. Le climat devient lourd.

-Bonsoir messieurs mesdames, contrôle inopiné des vos titres de transport. Veuillez me les présenter s’il vous plaît.

Le trio en action, le cameramen et ma collaboratrice qui s’étaient un instant mis en veilleuse reprennent leur besogne, la bande a prévu le prochain arrêt pour évacuer. Ils rient sans retenue aucune, sauf la nana qui ne sait plus trop où elle en est et qui va prendre ce qui semble plus formidable pied de sa vie.

Je réitère auprès du gars qui lime en rigolant.

-Votre billet s’il vous plaît !

 

Il se retire un instant de la gente demoiselle et me dit en s’exhibant :

-Quand on possède un outil comme ça mon pote on paye pas !

Alors je sorts le mien.

-Avec celui-ci, on fait payer !

Le bout du canon d’un automatique 9 millimètres touchant son œil droit, Blaise, car encore une fois tel est son prénom, ne comprend pas. Puis il blêmît.

Son coéquipier dans mon dos laisse la bouche qui s’activait sur lui et balance un poing énorme vers ma tempe. J’esquive et mon flingue s’enfonce de 10 cm dans le cerveau de Blaise. Le coup part alors que ce dernier était déjà mort.

Hassan de son prénom débande aussi sec. Il veut me balancer une gauche maintenant mais j’esquive de nouveau, il se casse le poignet sur une barre d’appui et fracasse le timbre pour demander le prochain arrêt. Je ne sais pas quel voltage use la compagnie TCL ou p’têt ben que le gugusse a le guignolet fragile, en tout cas il trépasse en un tric en un trac.

Le Jules filme encore, ne voulant rien perdre, certain de faire le plus grand carton youtubeur de l’univers.

Un clin d’œil à la Louve et ses redoutables mâchoires se referment ! Jules s’évanouit et le sang qui pisse annonce sa fin immédiate.

Marie-Thérèse roule des yeux effarés puis tombe à son tour dans les pommes. Adieu veau, vache, cochon, couvée, grand pied. Il n’y a que trois hommes sur ma liste ; pour si peu de pognon, je ne rajoute personne.

 

Le commissaire de police Hervé Bonnet est parti seul vers le lac d’Aiguebelette, il y a pêché l’an passé un brochet de plus de cinq kilo et demi. Cette fois le record va tomber ; certain ! Une semaine de congé dans un minuscule pavillon isolé, sans prévenir bobonne qui le croit en chasse d’un gros poisson. Hihihi ! Elle a raison !

Sauf que les plus gros, avec lui, crachent au bassinet. Un compte bancaire dans les îles Caïman gonfle, gonfle…

On a du me choisir pour ma ressemblance flagrante (au point que nous pourrions être frères jumeaux) avec ce commissaire. Déjà doué pour les imitations, j’ai longuement travaillé sur la voix assez particulière de ce policier et l’automatique que je laisse tomber en sortant de la rame tragique de métro est son arme de service.

Les gants, je vais les brûler.

 

 

 

 

Spectacle de rue.

 

 

Ce jour qui s’annonce, pour moi à partir de trois heure de l’après-midi comme tous les autres, sera-t-il une fois de plus celui de la marmotte ?

Vincent a amené MA bouteille. Une vieille Fine Napoléon de cent vingt ans d’âge. MA boutanche toute neuve qui ce soir sera marquée d’un trait indiquant le niveau de son précieux contenu.

Les brumes qui enveloppent mon cerveaux ne sont pas encore assez épaisses pour effacer tout souvenir de la veille, la précédente divine n’était pas aussi vieille mais complètement vidée et mon fils a casqué la douloureuse sans rien dire, pas un mot sympathique de reconnaissance pour celui qui entretient avec amour mon alcoolisme depuis une bonne dizaine d’années.

La rue Victor Hugo qui réunit piétonnalement , tiens il me semble que j’invente un mot de plus pour que de braves agagadémiciens séniles puissent le valider peut-être, la place Bellecour et la place Carnot, la rue donc ne m’est accessible qu’à jeun. Un certain nombre d’heures plus tard, en voiture seulement je peux la quitter. Mon banquier de rejeton, parfois son chauffeur particulier, vient au ramassage de l’épave. Rarement un taxi est frété pour mon rapatriement. Quelques centaines de mètres ne doivent pas exploser son compteur et fiston compense par un généreux pourboire. Monsieur le directeur de l’agence doit présenter des notes de frais colossales. Hé, ho, je connais mon fils !

 

-Bonne journée monsieur le Baron.

-Merci Vincent.

Toujours aimable le loufiat ; lui aussi se voit gratifié régulièrement d’un beau billet pour m’accompagner aux toilettes quand je ne tiens plus sur mes vieilles cannes. Un type qui se pisse dessus fait mauvais genre en terrasse. Surtout un noble ! Un vrai en plus. Toujours en costard trois pièces et montre à gousset. Alcoolo certes mais de qualité. Assis et carburant à la Fine Champagne accompagnée d’un jambon beurre cornichon (ma folie) du côté des cinq plombes de l’aprèm. Il me faut également un peu de solide dans les tripes voyons !

Je dévisage les passants qui déambulent et les qualifie selon mes critères.

Celui-ci cherche. On peut le deviner, un appart sans doute ; rien qu’à sa manière de lever la tête pour mater les pancartes « A VENDRE » ou « A LOUER ». Un autre se presse pour chopper son métro et partir au turbin, celui qui va voir une belle courre d’un autre rythme. Quant à ces deux-là, ils cherchent aussi : des pickpockets que je vois œuvrer depuis lulure. Chopés par la poulaille, ils reviennent au turbin trois jours après. Celui-là suit une bonne femme sans vouloir se faire repérer. Cet autre qui marche à grande enjambées un attaché-case de fin maroquin en main est un frimeur. C’est vers Pôle Emploi qu’il se dirige. Et pas pour y travailler !

 

Mais ce sont elles qui m’intéressent vraiment!

 

Les femmes furent ma passion et mon calvaire. Madame la Baronne ferma les yeux par amour avant de m’imiter par vengeance. Il m’arrive de tenir debout, mais Popaul quant à lui ne se met plus au garde-à-vous que très rarement. A mon propre étonnement d’ailleurs. Alors, dans ma pauvre tête, je me les déshabille toutes. Exception faîte des trop jeunes car ce pain-là m’a toujours révulsé, je ne vois que des nanas à poil qui défilent dans cette belle rue. Mes rétines les détaillent sans rien sur la peau et mon cerveau aguiché commente leurs respectifs monts de Vénus.

Vingt Dieux ! Vu sa coiffe, cela doit-être de la jungle drue, vrai piège à morpion ! Cette blonde c’est de la filasse transparente certainement. Ou encore, cette petite au regard si salace doit probablement s’épiler jusqu’au moindre recoin, au plus petit pli intime.

Toutes ! Grosses, maigres, jeunes ou vieilles, belles ou laides y passent et je m’en délecte.

 

Je suis un vieux cochon alcoolique.

Et j’aime beaucoup la nana qui arrive. Plusieurs fois le patron est sorti avec un billet de dix euros pour la chasser, pour qu’elle aille donner son spectacle un peu plus loin voir si j’y suis. Elle jongle avec des quilles et mon esprit plus que libidineux ne fait pas seulement voler ces belles pièces de bois. Mon dérangement mental les place en un espace particulier. Celui que justement j’imagine avec toutes les passantes.

La jeunette serait certes plus belle en étant plus propre, elle doit dormir dans la rue quand elle n’a pas levé un clampin(ou une). Ses petits seins valsent sous une fine chemise indienne pratiquement transparente et font mon bonheur. Quand elle vient, une ou deux fois par semaine, elle me fixe particulièrement, toujours.

 

Aujourd’hui elle jongle un peu trop près à mon goût.

Je découvre sa sorcellerie quand elle me parle pour la première fois. Avec l’aide de notre Église bien-aimée, ceux de mon rang, de mon sang, l’auraient brûlée vive en d’autres temps.

 

-Je sais ce que tu penses vieux cochon !

Je me lève maladroitement et MA bouteille tombe… se brise…

-Salope… cent vi… cent vingt d’âgeeee !

La belle aux petits seins dansants vient de se métamorphoser ; elle est maintenant décharnée et jongle avec une faux.

Mon dernier jour ne ressemble pas à celui de la marmotte. Quand fiston banquier vient me chercher avec une ambulance, je ne suis plus de ce monde.

 

 

 

La chinoise.

 

 

Chinoise est le nom qu’on lui donnait. Vietnamienne aurait été plus approprié mais pour nous dans le quartier, des yeux bridés ne pouvaient venir que de la Chine. J’avais seize ans et me démenais comme un vrai petit diable pour perdre mon pucelage.

On disait qu’ils étaient cinq cent millions et qu’une famille se soit installée au dernier étage du numéro 13 de la rue Sergent Blandan où vivaient les meilleurs amis de papa maman, deuxième quant à eux, était fabuleux. D’ailleurs tout était fabuleux. Surtout Le Gaston avec ses quatre ans de plus que moi et bien davantage encore les nanas qui tournaient dans ses environs. Elles me paraissaient toutes plus bandantes les unes que les autres. De quoi faire mon bonheur. J’en crevais de jalousie, surtout quand un couple parmi les invités, volontairement ou non , oubliait de fermer une porte pour dissimuler certains ébats. Pour quelques flirts, je m’étais contenté jusqu’à l’heure des restes du grand pote Gaston, mais forcement yen avait ben une qui allait tomber pour de bon !

 

Un jour de boume chez mon pote adoré, la Chinoise, dix-neuf ans, était présente. En petit macho avisé, j’ai de suite flairé une dévoreuse de bonhomme. Hélas mes narines délicates se sont emplis d’un autre parfum. Utilisé avec parcimonie le patchouli m’enchante. En surabondance il m’écœure. Le fait qu’elle soit légèrement enveloppée, voir carrément grosse ne m’aurait pas effrayé, quant à l’odeur…

N’empêche que je n’ai pas résisté quand elle m’a pris par la main et m’a fait gravir trois étages supplémentaires. Escalier étroit aux vieilles marches inégales, murs humides et rampe rouillée, au bonheur des déménageurs sans doute mais je ne pensais guère à cette particulière corporation, je bandais en la suivant. Les yeux rivés sur un formidable popotin qui paraissait monté sur roulement à billes, j’aurai volontiers poussé la nana vers un sommet convoité depuis trop longtemps.

Sa main tremblait et j’ai du tourner la clef dans la serrure pour ouvrir la porte.

L’odeur ! Encore mes narines ! La friture de la cuisine inondant le minuscule appartement, les baguettes d’encens et la tonne de patchouli qui immédiatement a envahi son alcôve insuffisamment aérée ont eu raison de mes forces. Sa bouche a voulu prendre la mienne, grasse, beurk à la puissance beurk pour cette dévoreuse de bonhommes. Confus, ne sachant que dire, je me suis enfui.

 

Sophie, petite sœur de Gaston, avec ses quinze ans promis pour la fin du mois, m’attendait en pleurant. Nous nous sommes aimés, tous deux pour la première fois et n’avons bien sûr pas compris pourquoi furent absents ces fameux pieds dont nous avions tellement entendu parler. Elle m’a avoué que la chinoise attendait elle aussi désespérément un gars qui lui ferait perdre son berlingot.

Ayant dans la tête un rapide retour, aux fins de recommencer une séance de galipettes avec Sophie, rhabillé je suis descendu dans la rue pour me dégourdir les guibolles.

Dans la cour, en bas des escaliers, un bruit rare et une masse a explosé. J’ai vomi mes tripes.

 

                                                          Quatre-vingt douze kilos d’un cinquième étage !

 

 

 

Petit Louis

 

 

Quand un gazier mesure presque un mètre soixante, que ses géniteurs ont eu la délicieuse idée de le prénommer Louis, son avenir reste assuré pour recevoir le sobriquet de Petit Louis. Les gens ont décidément bien peu d’imagination !

Ce type-là ne doit rien à Dame Nature qui puisse lui procurer un chouïa de joie. Sa taille mais aussi son visage où se manifestent encore à ses quarante trois berges des boutons semblables à ceux de l’acné juvénile, et pour couronner le tout, ou si vous préférez cerise sur le gâteau, des yeux trop rapprochés sous des sourcils broussailleux font de lui un véritable gnome. Des dents parfaites étonnent quand il sourit, elles font partie de son attirail professionnel, un dentier qui s’ôte donne des sensations inusitées, on en redemande !

Petit Louis s’habille, lui qui devrait filer au raz des pavés, d’une manière extravagante. Certainement pour que les flics ne le perdent jamais de vue.

Profession ?

Vous l’avez deviné : suceur dans les chiottes publiques !

Pas con le gars, il n’a pas trop besoin de se baisser pour satisfaire des clients qui reviennent régulièrement vers lui. En plus, et ne croyez pas que je le sais pour l’avoir essayé, il ne demande pas grand-chose, vingt balles pour un balancement de semoule rapidos est fort raisonnable.

Pourquoi Petit Louis sévit encore et toujours ? Because il officie aussi dans certaines réunions galantes, déguisé en petite fille. Sous les tables, il suce et suce encore. Les clients ne regardent même pas la grosseur du billet qui sort du portefeuille tellement ils sont satisfaits.

Les innombrables courts séjours à la cabane gav, (garde à vue pour les ignorants) ne l’ont jamais calmé. Ils étaient obligatoires pour sa parfaite couverture.

Les tannées qu’il a reçues ont durci sa misérable peau mais il est content. Dans la rue il marche bien droit, content et fier.

Normal quand on est le plus grand informateur de la police française, celui qui sait tout!

 

 

L’escalier en colimaçon.

 

Il ne montait que d’un seul étage. Ses marches de pierres trop hautes, inégales, polies et repolies par trois cents ans de passages étaient dangereuses et j’ai eu hélas plus tard l’occasion de m’en apercevoir. Non seulement le colimaçon était serré mais un adulte devait se baisser, dos voûté pour grimper comme pour descendre.

Comment avions nous atterri dans cette maison aux murs plus épais que ceux d’un fortin, certainement indestructible même en cas de tremblement de terre ? Mes chers parents n’en pouvaient plus dans le véritable taudis où vivait grand-mère. Cette vielle femme aveugle et tyrannique avait accueilli notre petite famille, papa maman et moi, à son arrivée en France. L’Espagne franquiste ne convenait pas à une homme ayant guerroyé trois années au sein des troupes républicaines. Un homme qui s’était élevé au grade de lieutenant pour sa seule valeur au combat, était considéré comme abominablement rouge et ne méritait que le mépris.

Mes gentils géniteurs s’étaient connus à Lyon en 1933, ils avaient tous deux dix-sept ans. Les deux frères de Maman vivaient dans la « Capitale des Gaules » entre Rhône et Saône dans le premier arrondissent. Tous deux étaient mieux logés, sans un luxe qu’ils ne cherchaient pas d’ailleurs. Sachant fort bien que ce dernier restait hors de leur portée.

Jusqu’en 1964, année où la glorieuse armée française eut le privilège de me recevoir, l’imposante bâtisse de grand-mère avait encore des WC collectifs sur les paliers entre chaque étage. Des plafonds culminants à quatre mètres permettent ce genre d’installations.

La honte d’aller déféquer en faisant profiter de bruits agréables tous ceux qui montaient ou descendaient, je l’ai vécue. Et les odeurs…

Quand nous somme arrivés au pied de l’escalier en colimaçon j’étais à la fois curieux et inquiet. J’avais six ans et venais d’en passer un et demi en enfer.

Les hautes marches m’ont plu. Il fallait que j’appuie sur mes genoux avec mes mains pour m’aider mais je fus immédiatement conquit. Et le seul étage m’enchanta.

A coté de l’atelier de bijoutier du tonton Claudius, frère de tatan Simone (épouse de tonton Jean frère de ma mère) une seule grande pièce avec tout au fond un escalier de bois montant au grenier. Trois fenêtres donnant sur la rue, un seul robinet d’eau sur un minuscule évier. Mais maman avait insisté pour payer un petit loyer et nous étions enfin chez nous.

Claudius était un alcoolique incurable et son épouse souffrait du même mal en usant beaucoup de mâles. Une fille de mon âge était leur unique fruit. Marie-Claude devint ma première expérience, ma première confidente, ma première petite chatte encore pubère à caresser, la première fille qui eut le droit de balader ses menottes dans mon pantalon pas encore long. Mon premier grand petit amour.

Et à six ans un p’tit gars ça bande facile.

Je devins sa première expérience, son premier confident, son premier zizi au prépuce encore soudé et bien sûr encore pubère à caresser, le premier garçon qui eut le droit de balader ses mains, ses doigts sous sa jupette et sa petite culotte. Son premier grand petit amour.

Mais à six ans une fillette ne mouille pas !

Je me rappelle avoir léché sa chattounette ; de lui avoir proposé de faire avec moi la même chose, de me prendre dans sa bouche, ce qu’elle effectua volontiers. Et je riais, je riais des incroyables chatouilles de Marie-Claude.

Après avoir tiré le loquet intérieur (il ne fallait pas se faire prendre), nous faisions tout, absolument tout. Jamais, je le crois du moins, nous n’avons eu l’idée d’une pénétration, je pense aujourd’hui que nous n’aurions pas pu d’ailleurs.

Un jour, bien plus tard car nous devions avoir près de dix ans, Marie-Claude est descendue acheter deux bouteilles de vin pour son père et si ce foutu escalier ne l’a pas tuée, c’est par miracle. Je l’accompagnais et lui ai probablement sauvé la vie en hurlant pour appeler les secours. Le sang giclait en force.  Son visage entaillé ne m’a pas fait peur, l’œil oui ! Elle ne l’a pas perdu car seule la paupière fut touchée mais une balafre conséquente a marqué sa vie, pour toujours.

Marie-Claude n’a jamais voulu rejouer à papa-maman !

Plus tard, alors que ma petite famille avait déménagé en un lieu plus spacieux, plus moderne mais au cinquième sans ascenseur (hélas avec une fois de plus des WC communs dans un sinistre corridor d’entrée) nous nous sommes revus pour nous remettre à jour. Rattraper un temps qui soi-disant s’était perdu.

Militaire professionnel quatre longues années, baratineurs sans pareil j’ai mal aimé d’autres femmes. Parmi elles, une autre Marie-Claude qui m’a donné un beau petit gars, Dominique, et trop souffert de ma vilenie. J’ai dédié bien des permissions à gravir penché en avant, mais avec joie, les marches difficiles de l’escalier en colimaçon ; pour couvrir de mille petits baisers une cicatrice ainsi que tout le corps d’une femme.

Claudius s’est éteint doucement en posant la tête sur l’épaule de sa fille. Ils regardaient tous deux la télé.

Bien des années ont passées avant que je ne me rende compte de la profondeur, de la sincérité, de la magnificence de cette relation si juvénile.

Marie-Claude s’est mariée avec un Espagnol, a été maman d’une petite fille dont j’ignore le nom. Mon grand petit amour de jeunesse est mort à Madrid des suites d’une longue maladie appelée alcoolisme. 57 ans !

L’autre Marie-Claude se refuse à me donner des nouvelles de Dominique ; ils doivent certainement dire tous deux que je suis un triste sire. Il me semble qu’ils ont tort. Je vis avec mon épouse et notre merveilleuse fille Alicia, à deux heures de notre home sweet home, pense à moi avec amour. J’ai trouvé au fond de mon cœur une étincelle de divinité qui, au fil des années, s’est transformée en une magnifique flamme.

                                                           Je pleure !

 

 

Les putes à l’abatage.

 

La rue Mercière, une des plus vieille de Lyon, courre parallèle à une Saône qui va bientôt se marier avec sa majesté le Rhône. Pas très large, pourtant un certain Louis XIV se serait extasié en constatant que deux carrosses pouvaient s’y croiser. Normal, les trottoirs n’avaient pas encore été inventés !

Aujourd’hui renommée pour ses bouchons1, ses boutiques à la mode, ses loyers exorbitants et le soin apporté par la police pour verbaliser tout ce qui dépasse d’un millimètre, il n’en était rien jusqu’aux années 70, 1900 bien sûr, quand tout le quartier fut assaini, remodelé.

Parties les putes et les importateurs de fruits.

 

Mal famée ! Justement, très justement mal famée !

Les demoiselles n’y déambulaient pas. Elles avaient plutôt tendance à s’appuyer sur les murs, de préférence ceux qui affichaient HÔTEL au dessus de leur porte.

Papa fréquentait cette rue, et pas qu’un peu. Il y gagnait sa croûte, à la sueur de son front. Onze heures par jour, du lundi au dimanche inclus. Seulement cinq heures d’esclavage le jour du seigneur, histoire de pouvoir passer quelque temps avec sa petite famille quand même.

Le Bernard n’a eu d’école que la buissonnière. Parti en Espagne pour refouler le général Franco sur une Afrique qu’il n’aurait jamais du quitter, mon vaillant géniteur à connu la défaite des armes. Prisonnier, déporté, au bord extrême de l’exécution pure et simple, il est redevenu civil seulement huit ans plus tard.

Toute un épopée pour rejoindre la France en passant par la montagne alors que maman et bibi, votre serviteur, papiers en règle, montèrent sur Lyon en train.

Expérience professionnelle zéro, économie en sous-sol, ma grand-mère maternelle a proposé une moitié de son taudis comme logement mais il a fallu bosser. Des bons bras et aucune question à se poser font le grand bonheur de certains patrons.

Profession : « murrisseur » de bananes !

Le jeu consistant à mettre en cagettes ces bons fruits qui arrivent de fort loin en régime. Puis de les amener au degré de maturité adéquate, selon la volonté des clients. Pour ce faire, de grandes chambres où le froid comme la chaleur peuvent se réguler.

Les esclaves déchargent les camions le plus vite possible car la rue est bloquée. Les épouvantables conditions de travail sont supportées avec l’apport d’un carburant très particulier. Le gros rouge coule à flot. Les chambres sont d’anciennes caves aménagées. Pour la chauffe on utilise le gaz de ville. Gaz, chambre…

Plus d’un gars a essayé de sortir de cet enfer en se pendant aux canalisations de cuivres.

Bernard qui travaillait plus que les autres est devenu chef. Mais le rythme infernal a continué . Généreux le grand patron qui gagnait des fortunes n’hésitait pas pour arrondir les heures sups.

 

Et j’allais parfois voir mon cher papa qui doucement devenait alcoolo.

 

Je les voyais bien les nanas dans la rue! Les clients, des michetons dans le langage des dames-putes, ne ressemblaient en rien à des Français. Plutôt genre nord’af ! Vous dires comment on (nous bons Français) les appelait : melons, biques ou bicots, bougnoules, harbis, crouilles, troncs ou encore ratons. Cette main-d’œuvre facile pour toutes les industries, à Lyon comme partout en France, venait du Maghreb. Et en Algérie la guerre sévissait encore, projetant en métropole des actes de terrorismes meurtriers. Ces salopards n’avaient pas le droit de vouloir être libres. Mort aux melons !

Pour satisfaire sexuellement tous ces bistres travailleurs, la lie de la prostitution affairait justement rue Mercière. Des demoiselles ? Non pardon, des dames, avec pas mal de carats sur le râble pour la plus part. Toutes maquillées à outrance ; qu’il fasse beau, neige ou vente le décolleté devait laisser voir certains appâts. Petites, grandes, grosses ou maigres les putes de la rue Mercière avaient en commun deux attributs. Leurs laideurs et leurs salacités.

Racolage soi-disant interdit par la loi, les mimiques étaient pourtant in équivoques. En été, le pli fendu de la courte jupe ayant fâcheuse tendance à être devant, quelques dames n’hésitaient pas en écartant les pans. Et les gars qui passaient perdaient la tête puis une partie de leurs économies. En hiver, certaines dames, nues , ouvraient brièvement ou laissaient faussement bailler leur rat-gandin ou leur vison synthétique.

 

Les règlements de comptes, tous dûment notifiés dans le Progrès2 dès le lendemain faisaient pour moi de merveilleux moments de lecture. Couteaux, pistolets parfois mitraillettes parlaient régulièrement rue Mercière. Un bordel gigantesque, à l’angle de la rue Petit David, s’élevait sur quatre étages. Les Algériens, Tunisiens et Marocains y pullulaient, on aurait pu imaginer une ruche tant l’activité était effrénée.

De fréquentes descentes de police semaient d’épouvantables pagailles dans l’édifice et les rats abandonnaient alors le navire en s’éparpillant dans tous les sens.

J’étais présent un jour de mai, en 1960 je crois, quand une 403 Peugeot a mitraillé la façade de l’hôtel, côté rue Mercière, avant d’accélérer et de disparaître en laissant, additionnée à l’odeur de la poudre, une infecte fumée noire. Soupapes mal réglées. J’avais entendu des commentaires parmi les ouvriers de la banane, à moins de deux cents mètres de la tragédie, commentaires sur ces putes qui travaillaient à l’abatage. Trois venaient de tomber à terre et une quatrième, blessée à l’épaule saignait abondement.

 

« Putes à l’abatage »; à quatorze ans un petit gars ne connaît pas encore la véritable définition de cette malheureuse expression. La curiosité était dans mes gènes et elle m’a énormément servi. Je me suis plongé dans les livres d’argot. Parmi d’autres, j’ ai découvert avec délectation Frédéric Dard et son inimitable commissaire San-Antonio.

                                                Et j’ai pleuré sur le sort des dames de la rue Mercière.

 

 

La pierre tombale.

 

Dire que mon expérience avec le genre féminin était grande serait un mensonge éhonté, mais quelques une déjà agrémentaient une collection que je me promettais conséquente. A trois mois de mes dix-huit ans, mon point de mire s’appelait permis de conduire. Muni de ce sésame, moult petites nanas allaient succomber à mes charmes ; beaucoup plus pratique pour aller s’isoler que ma Vespa rouge pétaradante, surtout les jours de pluie.

Mes études techniques m’ayant poursuivi avec difficulté au sein de l’EMIM, École des Métiers des Industries Métallurgiques de Lyon, boulevard des Tchécoslovaques pour préciser, le quartier de la Guillotière servait de terrain de jeu à une bande de jeunes, facilement traitée de voyous. Que des garçons car le mixité dans le secondaire tardait à s’imposer.

Il n’y avait qu’un pont enjambant la voie ferrée pour que cet inconvénient soit aplani. Un lycée de commerce destiné à des demoiselles offrait des appâts charmants à tous ces braves petits gars se déplaçant pour la plus part en mob (bylette bien sûr). Interdiction ou pas, les couples partaient vers le boulevard des États Unis où s’organisaient des courses sauvages.

Les Mobylette, Flandria, Peugeot, Gitane, Giulietta, Gnome & Rhône aux culasses rabotées, suspensions renforcées, guidons bracelets et mélanges spéciaux de carburant, ces deux-temps 49,9 bruyants et fumants devenaient des bolides et énervaient bien des gens ; plein de bonté, ils appelaient la police pour nous pourchasser.

Nous aimions un café fort connu de par sa position géographique.

Juste en face de la porte principale du Grand Cimetière de la Guillotière ( pas l’Ancien dit aussi Le petit), les amis et familles venues accompagner un défunt vers son dernier domicile le laissaient rarement désempli dans la journée. Le soir il devenait notre refuge, notre lieu de réunion. Particularité de ce bistrot : les vieux ne l’aimaient pas ! Peut-être y voyaient-ils un futur désagréable avec l’atelier du marbrier installé sur son arrière.

La cour du café communiquait en effet avec un champ de futures tombes. Pierres, stalles et sculptures funéraires en tout genre ne nous empêchaient pas de rire et de nous aimer.

 

J’ai su que c’était une fausse blonde quand elle a ôté sa petite culotte sur un marbre gravé d’une belle croix. J’ai compris pourquoi tous les gars riaient de se l’être tombée mais j’ai dit non quand, un soir, avec un grand sourire, elle m’a proposé de traverser le boulevard.

 

 

 

 

Karma

 

Il y a eu la dernière, un peu plus d’un ans déjà que cette histoire a connu sa fin normale, une chute écrite depuis la nuit des temps. Cette dernière, comment l’ai-je connue ? Et les autres ?

 

Différents concours de  circonstances, jamais du réellement voulu ; laissez couler la source infinie de l’univers, elle ne vous apportera que votre du, rien de moins rien de plus. Certains, surtout côté occidental, appellent cela le destin, il est un mot qui sonne plus agréablement à mes oreilles, un mot qui nous vient de l’orient : le karma ! Grace à lui tout, absolument tout, est « bien qui devait arriver ». Pourtant la version des bons blancs (dont je fais partie), par rapport à celle des yeux bridés devrait mieux coller à mon personnage ; phonétiquement parlant elle me conviendrait à merveille. Je m’appelle Marc, Marc Destain.

Magnifique nom !

 

Combien de fois ai-je médité pour comprendre ?Cette technique, qui permet peu à peu une totale introversion, élève l’âme et conduit à l’illumination, j’ai pensé l’avoir dominée. Et c’est ainsi que j’en ai conclu que la Shoah n’était qu’un ensemble de karmas où des vies se sont éteintes simultanément d’affreuse manière en quelques années.

Karma, ce beau mot qui définit la perfection du moment présent en précisant que tout était prévu, voir gravé dans un recoin bien caché de l’individu à partir du moment même de sa conception, ce beau mot donc s’applique aussi au pluriel. Si un groupe d’hommes, de par sa couleur de peau, de par sa race, sa religion ou tout autre facteur qui puisse le caractériser, est traité abominablement par d’autres hommes, le karma arrive et tel Zorro donne son petit air de justice, définit une normalité, celle du « ya plus rien à dire », celle de l’explication forcée de l’inexplicable.

 

Combien de fois ai-je médité pour comprendre ?

 

 

 

Une explication logique, rationnelle venant d’un dogme, voilà la vérité ! Et cela ne me satisfait plus ! Ce vouloir définir, cette permanente envie de savoir. D’où vient-on ? Où va-t-on ? Qui sommes nous ?

Masturbations mentales qui ont fini par fabriquer une réalité factice, applicable à tous ces maux, ces casse-têtes qui voient tourner en ébullition la plus part des crânes.

 

Pas le mien.

 

Bien dans ma peau ; mon âme, en marchant à mes côtés, m’accompagne mais nous avons fait un pacte de non-intervention. Elle ne s’occupe pas de mes actes et je ne vois ni l’éclat ni la noirceur qu’elle est capable de prendre.

 

J’ai laisser venir la première, Aline, en sachant fort bien que d’autres suivraient. Pas de rythme, aucune nécessité d’une périodicité, ce bon et sympathique karma me les a toutes procurées. Près une plage de La Napoule un camping a accueilli ma guitoune, une canadienne comme on disait à l’époque. Merveille de coïncidence, ma première planta ses piquets sur une minuscule parcelle jouxtant la mienne. A dix-sept ans le karma on s’en fout complètement, certaines glandes travaillent les hommes et les femmes tout aussi fort et, comme elle en avait dix-huit, nous étions donc complémentaires.

Timide j’ai peu parlé et ne me suis endormi longtemps après avoir vu une silhouette terriblement féminine se déshabiller. Je n’avais perdu mon pucelage que depuis un petit mois et je me suis amusé avec moi-même pour me calmer. Sans faire de bruit.

Le lendemain matin, avant de prendre la moindre nourriture, m’a vu filer vers les blocs douches avec ma petite savonnette, ma grande serviette et mon rasoir jetable. Elle est entrée dans la douche, une porte après le mienne. Cloisons métalliques ultrafines maintenues entre elles par des rivets. Beaucoup avaient sauté laissant place à de minuscules trous… sur lesquels des yeux se sont affairés, juste à la bonne hauteur.

Je l’ai vue nue, toison épaisse noire et frisée, pile en face de ma pupille gauche qui a du se dilater à l’infini, puis me suis rendu compte qu’elle faisait la même chose ! Nous sommes repartis tous deux vers nos guitounes en riant dans une excitation totale et réciproque. Son home swett home étant plus grand que le mien, nous nous y sommes aimés maintes fois, jusqu à ce que la faim nous sépare.

Trois jours ! Mes trois premiers jours de compétitions amoureuses pendant lesquels je pensais avoir accompli des exploits. Et au matin du quatrième jours elle m’a dit être fatiguée ; tout fier de cette nuit presque blanche et bombant le torse d’avoir laissé une nana sur les rotules, après un copieux petit dej, je suis parti seul sur la plage et m’y suis endormi.

Partie ! Volatilisée ! Emplacement libre pour la prochaine ? Je n’ai pas accepté ce que je ne connaissais pas encore comme un karma. Il fallait que je la retrouve. Et ma curiosité (malsaine?) m’a aidé.

Sur une carte elle avait noté sa prochaine étape et j’ai décidé que cela serait aussi sa dernière. Un autre camping quelques kilomètres plus à l’est en direction de Cannes.

Et j’ai bu, beaucoup, et pas de l’eau.

 

A Tenerife, quelques années plus tard elle était blonde. L’esprit d’aventure me poussait vers les Amériques, l’embarquement sur un voilier devait être un moyen peu conventionnel, bon marché et à priori facile. Pas tant que ça ! Je travaillais, au black of course, sur une barcasse équipée de lamparos et gagnais, si les sardines étaient au rendez-vous, jusqu’à mille pesetas en une seule nuit. Si les bogues envahissaient le filet, tout le boulot ne me rapportait que l’équivalent d’un paquet de cigarette. Nous rentrions vers les trois ou quatre heures du matin, la paye répartie par ce bon patron également bistrotier, dans son bar avec sa première tournée. Bien des matelots entraient chez eux moitié saouls et presque fauchés. Pas moi, qui voulais traverser l’Atlantique. Je l’aurais fait à la nage tant ma détermination était grande.

Maaike travaillait dans une hôtel, à vingt trois ans, elle ne parlait que Hollandais Anglais Allemand, Français et Espagnol ! Le gardien de nuit me laissa monter dans sa chambrette sous les combles avec deux billets de cent pesetas chaque soir. Et puis il y a eu le « non » et j’ai compris la nuit suivante, en voyant un de mes compagnon de misère, un Anglais se faufiler dans l’hôtel. Je hais les rosbifs ! Surtout que j’étais prêt au partage !

Et j’ai bu, beaucoup et pas de l’eau !

 

L’obstination paye. De Tenerife non, il m’a fallut attendre les magnifiques îles du Cap Vert pour embarquer. J’y travaillais, encore au black of course. Mais aussi à la vue de tous car n’ayant plus un sous vaillant, le Carvalho, une très vieille goélette munie d’un puissant moteur, assurant les navettes entre Mindelo et San Anton, m’a accepté comme marin. Non rémunéré mais nourri et logé. En Angola la guerre de libération contre les portugais faisait rage et quand des mitraillettes ont surgi de sacs de farine éventrés. Personne n’a vu que j’avais vu… A part Maria Fatima, la fille du mécanicien de bord. Belle métisse aimant la mer et les bateaux, profitant de sa parenté pour naviguer, elle ne m’a pas dénoncé. Il est vrai que nous nous aimions depuis plus d’une semaine déjà. Elle ne s’est pas fâchée avec moi mais était promise à l’un de ses lointains cousins. Adieu du jour au lendemain.

Et j’ai bu, beaucoup et pas de l’eau !

 

Au Venezuela j’ai bu et aimé sans compter. Chercher, trouver de l’or et des emmerdes. Mensonge en disant que je me rappelle le nom de celle qui là-bas m’a marqué. Elle était Italienne et voulait quitter son gentil mari pour voyager avec moi, avant de changé d’avis et de m’abandonner.

Et j’ai bu, beaucoup et pas de l’eau !

 

Je suis entré au Brésil avec encore un peu de sang dans mon alcool. Prêt à dévorer toutes les belles qui croiseraient mon chemin. Aucune ne s’étant montrée méchante envers ma modeste personne, mes envies cannibales se sont limitées à des frénésies au dessous de la ceinture.

 

En Argentine , sous un régime fasciste, il m’a fallut faire très attention à mes paroles Mais Lola ne faisait pas de politique, un de ses amis m’a procurer du boulot et j’ai connu les joies des amitiés argentines. Il semblerait que « las putadas » les véroleries faites dans le dos des gens, avec de grands sourires par devant soient légion. Les « copains » m’ont coulé et la belle Lola m’a laissé tomber comme une vieille chaussette quand par piston elle aussi a reçu son premier salaire. Cela ne faisait que trois ans qu’elle vivait à mes crochets et je lui avais payé un voyage à Lyon pour que mes gentils géniteurs connaissent enfin cette fameuse Lola qui m’avait retenu aussi longtemps dans ses filets.

J’ai pris le bateau du retour et j’ai bu, beaucoup et pas de l’eau.

 

 

Sophie était une belle petite nana, rencontrée dans le coin le plus isolé qui soit, près d’un minuscule rivière d’été se transformant en torrent tumultueux au moment de la fonte des neiges pyrénéennes. Son toutou, Sam, genre fox-terrier, l’a prévenue de mon arrivée et elle a eu juste le temps d’enfiler une petite culotte, je suis passé près d’elle en m’excusant, précisant que ce petit bout de paradis m’était également familier et que si cela ne la gênait pas je poserais ma grande serviette quelque mètres plus loin pour me faire aussi dorer la pilule puis me baigner en tenue d’Adam.

Se dénudant de nouveau, elle m’a dit -pas de problème . Jeune, beaucoup trop jeune pour moi. J’aurai certainement pu être son grand-père.

Et nous avons bavardé. Stupeur alors que nous avions entamé nôtre conversation en Espagnol, nous nous somme révélés Français tous les deux. Cela aide dans la création des lien entre les hommes, et les femmes bien évidemment. Une grenobloise et un gone se rencontrèrent donc en pays catalan espagnol. J’étais bien dans ma peau et craignais le ridicule d’un refus fort justifiable, je me comportais donc en gentlemen.

Côte à côte désormais, nous avons commencé à papoter, défini nos goûts. Nous nous sommes trouvés sur la même longueur d’ondes en aimant tous deux le sexe féminin ! Ouf ! J’ai fait très attention de ne pas la frôler quand nous nous sommes baigner dans une eau agréablement fraîche. Les pierres du fond étaient glissantes et j’ai du la retenir pour quelle ne s’étale pas sur les rochers. Elle a éclaté d’un rire clair, franc, venant du cœur. À peine quelque minutes plus tard, prétextant une vidéoconférence sur mon ordi à la maison, je lui ai signifié mon départ. Nous nous sommes habillés et avons marché un bon quart d’un en lisère du ruisseau. Elle m’a donné son numéro de portable pour que je puisse lui envoyer ma page web d’écrivain. Attention préférence aux anarchistes.

-Au fait, tu es marié ?

-Veuf, pourquoi ?

Il n’y a pas eu de réponse.

Le lendemain je suis arrivé avant elles. Deux copines qui venaient à l’aparté dans ce lieu vraiment isolé, pas seulement pour le soleil, mais pour boire et utiliser leurs bouteilles de bien étrange façon… Julia, petite brune un peu enveloppée sans paraître vraiment trop boulotte, devait avoir franchi le cap des quarante ans alors que Sophie, frêle mais bien proportionnée, guère plus grande que son amie, n’en avait pas encore vint-six ; châtain clair, ses poils pubiens de la même couleur prouvant qu’elle ne se teignait pas la tignasse.

Présentations délicates en tenue de naturiste mais j’avais l’habitude. Par contre j’ai presque tiqué quand ma récente amie de la veille m’a demandé si je ne serais pas gêné devant un spectacle osé, plutôt érotique, voir carrément pornographique.

-La curiosité est dans mes gènes. ai-je répondu.

 

Elles se sont longuement embrassées, caressées en finissant une bouteille de bière plus très fraîche, de un litre pour préciser; alors Julia s’est positionnée pendant que Sophie e tenait la bouteille debout sur la serviette de bain. Elle s’est empalée lentement en respirant profondément. Quel mensonge que de prétendre que ce spectacle m’a laissé indifférent. Mon triomphalisme devint évident et je ne cherchais pas à le dissimuler.

-Venga, acercate hombre, no te voy a dejar asi!¤ Viens, approche toi homme, je ne vais pas te laisser ainsi.

Je me suis avancé, le sexe dressé à la hauteur de sa bouche et Julia qui bougeait lentement son bas-ventre sur la bouteille m’a sucé jusqu’à la moelle osseuse. Pour ne pas la faire trop travailler, je me suis laissé aller, ne me suis pas retenu et la bienheureuse conclusion de la chose n’a pas tardé. Interrogeant Sophie du regard pour un éventuel futur développement en trio, sa réponse fut claire.

-Non, les hommes c’est du vraiment pas pour moi. Par contre, moi aussi, je peux me donner un formidable plaisir devant toi. Demain je ne pourrais pas venir, mais après demain je serai ici vers six heures du soir. Le soleil est déjà plus bas, il y a un peu d’ombre et je vais t’affoler.

-Banco, je viendrai.

Le fox-terrier est presque devenu fou ; quand Julia a pris son pied magistral, il s’est délecté d’un jus abondant.

Le surlendemain j’ai laissé ma voiture au village, stationnée à sa place habituelle, soit dix mètres de la porte d’un garage que je n’ai jamais utilisé en plus de quatre ans. La flemme d’ouvrir une énorme porte métallique. Ici pas de zone bleue, et pas de police municipale pour poser la moindre contredanse. Je suis parti à la rivière par un étroit GR qui serpente à travers bois. Personne sur les trois kilomètres avalés en à peine une demie-heure. Pour remonter il allait falloir plus de temps, le pente est raide.

Elle était en avance, nue, offerte allongée aux restes du soleil.

-Salut ! Tu es prêt ?

-Toujours prêt comme le bon boy scout que je fus entre mes douze et mes dix-sept ans. J’ai baissé mon short et mon ami Popaul s’est dressé. De son cabas elle a sorti une bouteille de Cava (Champagne catalan). Un Magnum d’un litre et demi ce n’est pas vraiment la plus petite des dimensions. Je n’osai supposer.

-On se la siffle ?

Le partage n’a pas été très équitable, elle a bu longuement et toussé quand les bulles lui sont montées aux narines. Puis, en me regardant d’une étrange manière, comme si elle voulait deviner mon aura.

-Tu me parais un gars peu ordinaire. Un vieux fort sage qui ne va pas me juger, j’ai déjà remarqué que tes pensées allaient bien au-delà du purement sexuel et que je pouvais avoir confiance en toi !

-Et si tu te trompais ?

-Tu me tiens la bouteille. Il faut que je fasse très attention, elle est mahousse, normalement je peux jusqu’à sa moitié.

Ses yeux se sont presque révulsés alors que le goulot disparaissait. Puis le col ; j’ai pris ses cheveux et ai plaqué mon sexe sur ses lèvres.

-Non, s’il te plaît, pas toi.

-C’est inhumain ton truc. Et si tu t’étais trompée ?

La moitié de la bouteille engloutie, elle tremblait maintenant, son toutou attaché à un arbuste quelques mètres plus loin tirait comme un fou sur sa laisse et bondissait. Il voulait faire partie du spectacle pardi !

Entre deux lentes respirations soigneusement contrôlée Sophie m’a demandé :

-Lâche-le, je vais prendre un de ces pieds !

Mais j’ai dit non.

Et j’ai bu, beaucoup et pas de l’eau !

 

Il y a une semaine que j’ai retrouvé Lyon, la Capitale des Gaules, belle ville de mon enfance heureuse. Y vit une cousine que j’adore mais que je visite si peu. Plusieurs années souvent3 sans que nous nous pétions une miaille4. Cette vielle célibataire m’a proposé de m’installer chez elle mais j’ai refusé et préféré un petit hôtel dans le centre. Par contre pas moyen de passer au travers de ses bonnes bouffes, il me semble que je vais prendre du poids. Bof, gras comme un rayon de vélo, j’en ai toujours eu besoin.

Dans un bar de la rue Victor Hugo, le gars qui vient de s’asseoir, en laissant un tabouret libre entre nous deux, fait semblant de ne pas s’intéresser à moi. Je le sens faussement décontracté et décide de le dérider.

- Excusez moi, nous nous sommes déjà vu il me semble ! Ouiiii, j’y suis, le mois passé dans un petits restau libanais de la cinquième rue à New York !

-Vous vous trompez monsieur je ne connais pas encore New York !

-Ha bon, mais en y réfléchissant, moi non plus je ne connais pas cette ville, cela devait être forcement deux autres personnes !

Effaré le bonhomme ! Complètement abasourdi, puis, décidant d’en rire pour ne pas paraître ridicule, il m’invite à une consommation et me dévisage maintenant sans retenue aucune.

-Una otra caña por favor5. Je sais que le gars derrière le rade vient d’outre Pyrénées son accent ne peut se confondre.

Alors que ce dernier s’affaire à tirer ma bière je balance une flèche sur mon nouveau voisin.

-Vous êtes soit écrivain soit flic !

Il ouvre des yeux comme des soucoupes.

-Co, comment ?

-Votre façon de regarder, de soupeser les gens, et une veste fermée par cette chaleur cache presque toujours un flingue !

-Banco monsieur, en effet je suis policier.

Tu parles mon pote, avec tes gros sabots cloutés je sais qui tu veux écraser.

-N’en ayez pas honte, il faut de tout pour faire un monde !

-Et vous, vous faites quoi dans la vie ?

-Je vieillis le plus lentement possible ; avec le montant pharamineux de ma retraite la vitesse reste hors de ma portée, par contre j’ écris réellement à mes heures perdues.

Il n’a pas eut la réaction adéquate, il savait. Et il se rend compte qu’il vient d’être piégé. Sans se démonter de la moindre manière il me répond presque en susurrant ses mots.

-Occasionnellement un assassin aussi. Un ignoble que je vais coincer et envoyer derrière de bons barreaux pour le reste de sa vie.

Je ris de bon cœur.

-Mais noooooon voyons ! Je vous ai effectivement vu, sans que vous le sachiez.Mais pas à New York mon ami. Vous avez cru passer inaperçu dans un village de trois cents âmes ? Une bagnole immatriculée en France avec le petit 38 sur le bord droit de ses plaques y fait parler jusqu’aux allongés du cimetière. Écoutez moi bien, avec mes bientôt soixante seize années éditionnées l’une après l’autre, je ne vais pas pourrir entre quatre murs avec vue agréable sur des barbelés et un mirador. D’ailleurs je suis innocent de tout ce vous pouvez penser ou supposer, ce depuis toujours. Si coupable il y a, vous devriez arrêter le karma. Finalement c’est lui le responsable de tout ce qui fait un homme, et un animal pourquoi pas ! De plus vous êtes un menteur ! Vous, policier ? Mon œil ! Détective oui. Un privé à qui je prédis ce qu’il a prévu pour moi. Une bonne quinzaine d’années sous le soleil carcéral français.

Il avale de travers en me lançant.

- Mindelo au Cap Vert  et les bords de l’Orénoque vous connaissez ? Il semblerait que l’eau attire vos proies.

-Vous racontez n’importe quoi ! Tenez, à mon tour de vous inviter, je file cet après-midi sur Corbas. Son aérodrome m’a accueilli pour mon premier saut en parachute il y a plus de cinquante cinq ans. J’ai dernièrement passer une visite médicale pour confirmer mon aptitude. Tout est ok ; mes vieux os tiennent le coup ; pour preuve j’ai ressauté deux fois ce dimanche dernier, avec un moniteur qui m’a donné son feu vert. Mes antécédents de plus de trois cents sauts et ma bonne conduite avec le monit, pas mal de blé aussi il faut l’avouer avec quatre beaux billets verts de cent euros, m’ont apporté l’autorisation d’une chute libre de dix secondes pour commencer. Trente j’espère bientôt.

-Je sais, j’étais à Corbas ce dimanche.

-Alors vous acceptez ?

-Banco mais j’irai avec ma propre voiture.

-La Duster noire garée sur le parking après la place ?

Des yeux désabusés me répondent.

-Soyez à quatre heures dans la salle de pliage, je vous attendrai devant l’entrée sinon vous ne pourriez pas y accéder. Lieu sécurisé vous comprenez ?

-Je comprends, à bientôt. Voulez vous que nous dînions ensemble ce soir ?

-Hélas, je crains que ce ne soit pas possible, encore un compromis avec une dame terriblement belle bien que plus très jeune. Celle là va me faire prisonnier pour de bon.

Blasé, le détective jette un billet sur le rade et s’en va sans attendre la monnaie. Forte carrure sportive qui semble cependant supporter le poids d’une incompréhensible fatalité.

-Le karma mon pote, le karma !

Je sais pourquoi il me suis et me revoit régulièrement depuis presque un an. Disparaissant, je ne sais où mais je m’en doute, il revient toujours à la charge, certain d’avoir accumuler des indices supplémentaires sur ma folie. Il paraît un peu branque mais doit connaître son job. Les parents de Sophie d’après ce que les flic espagnols m’ont raconté, sont des gens friqués à profusion ; terres agricoles où la bio a pris le dessus sur les saloperie chimiques et un conséquent patrimoine immobilier, jusqu’à Paris… Ce sont eux les mandataires !

......................

Dans une heure je file sur Corbas, je mange seul, un excellent restau afghan où j’ai eu mes habitudes il y a si longtemps a été remplacé par une pizzeria. J’ai eu l’envie de renoncer mais la faim me tenaillant et la vue d’un plat conséquent sur une table en terrasse m’ont vaincu. Pas trop de regrets. Ni pour la pasta ni pour la garniture, quant au vin, réellement divin.

Et je me remémore en me délectant...

Aline aimait à se baigner nue, nuitamment. On la retrouva coincer sur l’attache d’une bouée marquant la délimitation d’un chenal pour les petits bateaux partant de la plage. La quantité d’alcool qu’elle avait ingurgité ne pouvait faire présager rien de bon. Salopard de karma !

Pour Maaike, j’ avais téléphoné pour lui offrir mon cadeau d’adieu, j’embarquais quelques heures plus tard en direction du Sénégal sur un véritable transatlantique. Je tiens toujours mes promesses ; quand elle a ouvert la petite boîte son cri fut perçant. La morsure de l’araignée banane se décrit comme la plus douloureuse qui soit. Quelle idée que d’entrer dans une vielle battisse moitié en ruine près d’une bananeraie en pleine nuit ? Un dernier gros câlin aurait pu lui procurer beaucoup plus de plaisir.

La petite boîte a disparu et, quittant elle aussi Tenerife, la belle blonde a rejoint son plat pays dans une boîte légèrement plus grande. Putain de karma !

Le port de Mindelo sur l’île de San Vicente, une des perles de l’archipel du Cap Vert, voyait à l’époque d’anciens trois mats barques pourrir encrés en sa rade. Seules des puissantes pompes à eau leur évitaient un fatal glouglou. Quelle tristesse pour mes yeux amoureux de vieux gréements. Autre détail, les requins y pullulaient. Et pas que des petits ! La nuit décuplant une insatiable fringale, ils venaient jusqu’au bord du quai ; l’un d’entre eux, une magnifique bête de quatre ou cinq mètres a failli m’emporter. Quelle idée que de laisser ses pieds remuer en trempette. Je l’ai vu venir par ma gauche, son ventre blanc rasant les pierres carrées, avec seulement deux mètres de fond en cet endroit, sa mâchoire était grande ouverte pour happer puis ingurgiter l’inconscient palmipède pataugeant.

Comment ai-je fait pour cet exécuter cet incroyable bond en arrière qui m’a sauvé la vie ? Quarante huit ans après, je me pose encore la question. Invitée à un dernier baiser, Maria Fatima n’a pas eu le temps de comprendre. Elle a glissé sans bruit dans l’eau victime d’une foudroyante manchette sur la nuque. Ils sont arrivés à plusieurs alors que le m’éclipsais, des tigres je crois bien. Merde de karma !

Au Vénézuéla, le delta Amacuro étale sa myriade de bras de l’Orénoque qui tous se perdent en un véritable labyrinthe avant de se jeter dans l’océan. Sa faune animale n’envie rien en amabilité à celle des eaux du Cap Vert. Pire encore ! En plus des gentils piranhas, des crocodiles faisant bon poids, des anacondas kilométriques et même des dauphins blancs carnivores y abondent pour le plus grand plaisir de la baignade. Ne tremper un doigt dans l’eau que si un indigène vous signale que cela est possible, en cet instant  car ce peut être une toute autre histoire quelques heures plus tard! Mon Italienne, ça y est je me rappelle, une certaine Erica, n’a pas souffert. Elle fumait tellement, une mari si forte. De plus j’avais rajouté, dans l’un de ses nombreux punchs, une poudre très particulière. Après m’avoir offert une sympathique faveur buccale, elle s’est endormie à un mètre du bord de l’eau et ce karma maudit l’a dévorée. Parti sur la pointe des pieds aux fins de ne pas la réveiller, je ne me suis fait aucune idée sur la forme de ce dernier mais il est certain que l’on a rien retrouvé de la belle. Karma animal !

A Buenos Aires, billet d’embarquement en poche pour rejoindre ma douce Europe natale, Lola m’a rejoint dans mon hôtel, une envie de rembobiner ? D’accord pour lui procurer une dernière caresse, j’ai dit nièt pour revivre avec cette moins que rien. Il fallait que ce soit du définitif ! En ce beau temps un général tyrannosaure du nom de Videla, avait mis la main sur le pays un peu aidé par les yankees côté CIA ; préfigurant ce qui allait se passer juste un peu plus tard au Chili avec un certain Pinochet. Les disparitions de tout ce qui était gauchisant ont commencé. Cocos, socialos, syndicalos écrivains, intellectuels, poètes et penseurs trop en contre du général golpiste ont été rayés des cartes ! Un seul coup de téléphone a suffit. Je ne fus pas vraiment content, un karma militaire a règlé mon problème ; mais j’aurais préféré du Destain bien ficelé !

J’ai dit non à Sophie. Non pour les satisfaire, elle et son sale clébard de Sam. La nana n’a pas compris quand j’ai posé mes mains sur ses douces épaules. Et quand j’ai forcé vers le bas sa douleur a été si vive qu’en ouvrant démesurément la bouche elle n’a pas pu crier. Évanouie, le magnum avait disparu ; mes empreintes digitales aussi !

Je l’ai portée délicatement au milieu du ruisseau, dans guère plus de soixante centimètres d’eau, calé sa jambe droite entre deux blocs de pierres immergées et poussé légèrement. Crac ! J’ai violemment cogné sa tête et la tempe a porté sur le sommet du plus haut des blocs, hors de l’eau.

Il m’a fallut presque une heure pour rejoindre mon doux coin de bonheur, maison un peu à l’écart du village. Alors que j’ouvrais ma porte, ma voisine, une sympathique Ukrainienne est arrivée avec sa voiture toute neuve. Elle se gare à deux mètres et demi en face de chez moi.

Excellente occasion pour faire semblant de sortir.

-Salut Maria, je voulais aller faire un tour en profitant que ce maudit cagnard soit moins assassin, mais j’ai oublié mon téléphone. À mon âge un accident arrive facilement, la Bibi6 pleure mais restera ici, elle est en chaleur et pas question d’avoir une portée de chiots. A moins que tu les adopte tous !

-Ahhh non hein !

Je suis entré moins d’une minute avant de partir vers la lisière du bois..

-Bonne ballade Marc.

L’amie Julia, inquiète, a retrouvé Sophie au matin alors que Sam n’avait plus la force de hurler à la mort. Ils n’ont pas mis longtemps pour me trouver, ces messieurs de la police sont venus me visiter. Et j’ai expliqué ;

-Si vous saviez ce que ces deux m’ont donné en spectacle. Un truc abominable auquel j’ai participé par faiblesse.

J’ai raconté les premières caresses entre les deux femmes et, ici je crois que j’ai réussi à rougir, la bouteille « avalée ». Un inspecteur m’a précisé qu’ils connaissait l’histoire, à l’exception de ce sordide détail. Et quand j’ai ajouté avoir accepté l’invitation de Sophie par politesse, pour ne pas montrer ma répulsion, qu’à aucun moment je n’ai pensé revoir cette nana complètement tarée, que pour moi bouteilles de bière ne devaient que désaltérer et que je n’étais sorti de ma maison qu’au soleil déjà bien bas sur l’horizon, qu’à ce moment précis j’avais croisé ma sympathique voisine, les deux policiers m’ont cru.

-Comment est elle morte ?

-Elle s’est cassée une jambe dans le ruisseau et sa tête a porté sur énorme un bloc de pierre.

Ils ne m’ont pas parlé d’un magnum de cava. Par pudeur ?

 

Je me remémore Trêves en Allemagne, Trier oder Mosel pour les puristes. Elle s’appelait Olga. Puis la jeune gazelle du Sénégal, Fey de l’ethnie Sérère. Yvette du côté d’Aix en Provence puis Chloé sur l’île de Port Cros ; Juliana au Zimbabwe. Comment puis-je me rappeler de tous leurs prénoms ? Car il y en a eu d’autres. Trente et une en cinquante neuf ans, ce n’est finalement pas beaucoup. Grace à moi leur karma leur a procuré une originalité peu commune pour le grand départ.

 

J’ai passé toutes les années de ma belle vie pour comprendre. Les merveilleux engrenages qui régissent mon corps et les milliards d’impulsions électriques commandant chaque geste, chaque pensée ; j’ai trimé comme un beau diable pour gérer, en principe, mes émotions, laissé mon ego abominable prendre le dessus chaque fois que je n’ai pas accepté mon karma et que j’ai fabriqué celui des autres, surtout au féminin !

Je comprends enfin ce dogme imbécile.

Bon, je prétends comprendre ; mais en réalité un p’tit quelque chose me dit que cette histoire de karma fut fabriqué par les religions, plus particulièrement par le bouddhisme. Un colossal mensonge supplémentaire pour faire passer une pilule impossible à avaler. Pour justifier l’inadmissible, expliquer le présent en référence aux actuations du passé, pas même de nos vies actuelles.

Questions :

Nous qui sommes des petits morceaux d’Univers, comment imaginer que nous devons payer des actions de vies antérieures si nous ne pouvons pas y accéder ?

L’Univers serait-il rancunier ? L’Univers serait-il le juge des âmes humaines ?

Il me paraît que le piège fut et reste machiavéliquement bien orchestré.

« -Souffre mon ami, tu payes tes péchés antérieurs !

Et ainsi, non seulement nous supportons, sinon qu’en surcroît, nous culpabilisons !

                                    A LA MERDE !

Aujourd’hui, un crabe me ronge, m’élimine à petit feu, ce salopard serait fort douloureux sans la flopée de pilules qui me maintient. Le toubib des paras n’a rien vu. Un grand chapeau pour celui va me permettre de partir comme je l’ai prévu. En toute beauté et me foutant d’un destin occidental ou oriental. J’ai lu un jour que le suicide était un acte de non acceptation. Le karma selon cette pensée serait pris à son piège, son dogme. Un beau mensonge, où tout est inscrit mais bizarrement pas la volonté propre de se soustraire à la vie,  révèle sa réelle foutaise en cette occasion!

Balivernes imbéciles, hypocrisies à la puissance infinie une fois de plus. Toutes ces fumeuses créations métaphysiques ne sont qu’une farce, une face cachée de la peur. Pire, celle que l’on se refuse à accepter en se déclarant rois des perfections. Soumis à nos croyances, nous nous noyons dans nos inepties, nos contradictions.

Peu avant de commencer mes voyages où le toujours plus loin allait préciser mes idées de séparation entre mon église et mon état, à mes dix-sept ans avec ma première j’avais déjà compris.

Sophie fut la dernière, promis juré n’y en aura pas d’autre car je vais partir en jubilant de mes magnificences  « karmatiques ». Je prépare mon dernier cadeau à un détective privé. Le gugusse aura du pain sur la planche pour l’acceptation de sa destinée.

 

Robert tel est le prénom du détective , arrive pile à l’heure. Sur la table mon parachute est déjà plié et sa fiche de contrôle remplie et signée.

-Venez, je vais vous montrer ! Vous voyez ces aiguilles ? Touchez les, elles ne mordent pas. Et ces cônes traversés par elles qui libéreront hors de la house toute la toile savamment pliée. Voyez comme c’est à la fois doux et fort, un mélange de soie artificielle et de téflon. Robert, c’est tactile, d’un toucher pratiquement jouissif, vous ne trouvez pas ?

L’homme touche et caresse, je lui montre comment positionner la poignée qui tout à l’heure fera ouvrir mon parachute.

-Il est temps, le Cessna 208 Caravan va m’embarquer. On se revoit dans moins de dix minutes, je serai le premier à sauter.

-Ok, heu… comment savez-vous mon prénom ?

-Bigre, si vous n’avez pas encore remarqué que je suis un homme rare, vous avez du soucis à vous faire.

Tout va très vite, au largeur7 quelques secondes avant de m’élancer dans le vide, je lance en rigolant.

-J’espère que mon pote Robert n’a pas trop tripoté mon pépin8 quand j’ai fait mon dernier pipi.

Avant de m’écraser je ne revois personne, ni Aline, ni Maaike, ni Maria Fatima, ni Erica, ni Sophie ni aucune des vingt-six autres que j’ai eu le grand plaisir d’expédier dans un monde meilleur, because celui où elles vivaient : beurk, beurk et encore beurk !

Je ne pense qu’aux explications que Robert devra fournir à la police pour deux aiguilles montées à l’envers. Ses empreintes digitales vont parler. Ma brève chute est filmée du sol, y compris mon effarement de pantin désemparé, bientôt désarticulé, quand rien ne s’ouvre comme prévu. Le bon geste pour tirer la poignée je le fais, parfaitement. La vidéo sera décortiquée et mon hurlement doit s’entendre au-delà des frontières de la vie.

Mon inexpérience pour tout larguer et utiliser ma deuxième toile, beaucoup trop bas, s’appelle putain de saloperie de karma.

 

 

 

 

Nouveaux horizons

 

 

Nous sommes heureux au beau milieu des pins. Avec, il faut l’avouer, une certaine gêne alors que l’été pointe chaleureusement le bout de son nez. Ici, sous ce climat méditerranéen, près de Tarragone, peu au sud de la belle mégapole qu’est Barcelone, le feu peut rapidement se montrer redoutable et dévastateur. En vingt ans, seule une poubelle brûlée a fait image d’un possible départ alarmant. Fort heureusement, pas de grand arbre à proximité immédiate et les pompiers ont rapidement maîtrise le sinistre. J’ai maudit et copieusement insulté les triples crétins au cube, qu’ils soient enfants inconscients ou adultes trop imbibés, les responsables qui bien sûr ont pris la poudre d’escampette.

Une autre crainte, celle de voir s’installer des voisins… Et pourtant ils sont arrivés.

Cela n’aura duré que deux ans. Seuls, sans aucun vis-à-vis et vivant sur l’unique parcelle en cette rue où une maison était construite, il nous est arrivé de ne pas entendre une seule voiture passée devant chez nous de toute une nuit. Parfois de jour, un ou une perdue, un couple en mal de galipettes cherchant le coin enchanteur propice à leur pressant dessein. Nous vivions tranquilles donc.

Sur notre flanc droit, une zone verte décrétée inconstructible par la municipalité ; bien qu’un soi-disant propriétaire se ruine encore en avocat pour faire connaître ses droits et pouvoir diviser puis vendre. Les vingt cinq mille mètres carrés en litiges sont hélas en triste état et les broussailles qui y abondent s’enflammeraient trop vite si… Mais il existe d’autres feux, réellement imprévisibles.

Sur le sommet de la colline, une immense propriété, chasse gardée, est quant à elle fort bien entretenue. Débroussaillée, zone de sécurité avec les arbres abattus à distance réglementaire de notre urbanisation et bon entretien des chemins si les courageux soldats du feu avaient à intervenir un jour. En face, de l’autre coté de la rue, deux parcelles semblables à la notre mais qui voient leurs respectives maisons habitées seulement le week-end ou pendant les vacances. Il restait la gauche.

Quand parpaing après parpaing puis brique après brique la maison s’est levée, nous avons fourni l’électricité qui manquait jusqu’au moment où notre voisin à peine entrevu a eu enfin l’autorisation de faire poser son propre compteur. Jamais je n’ai accepté le moindre kopeck pour faire fonctionner une simple bétonnière. Les bonnes bouteilles offertes en compensation se sont révélées exceptionnelles lors de nos repas entre amis. A peine le gros œuvre fini, celle qui de peu nous cachait notre vue sur la mer, changea de propriétaire…Eux aussi sont venus les fins de semaine et en vacances. Ils ont contracté plusieurs ouvriers de différents corps de métiers, au black comme la coutume le veut sous nos latitudes, et ont finalement décidé un beau jour d’emménager…

Nous avons invités Pilar et Roberto pour, avec le prétexte d’un café, prendre connaissance…savoir sur quel pied nous allions danser et si notre voisinage immédiat n’allait pas constituer le début d’une forme d’amertume. Il vit de par ici des bestiaux d’humains peu aimables, voir désagréables au possible. Du genre d’individus qui semblent assis sur des cactus en permanence, qui passent en outre leur temps à médire de tout un chacun. Ma tendre moitié et moi-même haïssons les commérages. Finalement, lassés des propos souvent malsains des rares qui nous entourent, nous les avons laissés pour compte. Nous contentant d’un simple petit salut de la main, et de trois mots pour la bonne année. Certains que le Français, serviteur, et son épouse passent pour des gens-foutres associables, sans le moindre intérêt.

Mais comme dit Myriam :

-On s’en foute.

Son Français laisse encore un peu à désirer, tout comme mon Espagnol qui fait parfois bien rire la famille.

Moment très agréable devant une tasse d’excellent Costa Rica, torréfié à la perfection, où nous avons ouvert un paragraphe nouveau dans notre vie. Nous n’allions plus restés renfrognés dans notre coin. Attention, si nous aimons les contacts intéressants, pas question pour autant de s’immiscer de l’autre côté d’un mur mitoyen que nous avons construit ensemble avec le premier proprio. Le simple grillage que j’avais posé dés la construction de notre propre maison faisait vraiment trop riquiqui.

Après que la bise s’en soit allue, l’été comme d’habitude s’en est revenu.

La piscine…

Pas moyen de monter le fameux mur assez haut pour que notre intimité reste parfaite. Avant l’emménagement des Garcia nous étions souvent, pardon toujours, nus pour nous baigner puis profiter des rayons du père Durant et de la belle bronzette qu’il nous prodiguait gratuitement. Je n’ai pas fait attention la première fois et comme à mon habitude exécuté mon premier plouf matinal vers les onze heures…Pilar était sur son balcon et n’a jamais détourné son regard.

Du coup c’est moi qui me suis senti un peu gêné ! Mimi m’a reproché pour la X millionième fois de ne pas penser à ma tenue, de déambuler souvent à poil sur le terrain et que je devrais prendre le temps d’enfiler ne serais-ce qu’un short. Et que patati et que patata…

-M’enfin, toi aussi ainsi que Cristina, vous vous baignez toujours nues ! Non ?

-Nues seulement à la piscine ou dans la maison. Il nous faudra désormais faire gaffe et mettre des maillots de bain.

-J’en ai point.

-Tu n’as qu’à utiliser celui de ton père !

-Beurk ! Quelle horreur ! Je vais de toute façon m’excuser auprès de la voisine.

-T’es con, pourquoi faire ?

-On ne connaît pas bien ces gens et il vaut mieux qu’ils ne se fassent pas des idées biscornues.

-Bof, peut-être que tu as raison. Habille-toi pour y aller. Hi hi hi ! Mais je ne t’accompagne pas.

C’est avec un grand sourire que Pilar étonnée m’a ouvert sa porte. Elle m’a invité à rentrer mais j’ai refusé.

-Alberto est parti faire quelques courses au village. Que me vaut le plaisir de ta visite ?9

-Je tenais à m’excuser de m’être monté nu. Naturistes, oui nous le sommes, ma fille ma femme et moi-même, mais exhibitionnistes en aucune manière. J’espère ne pas t’avoir choquée et ferais désormais attention de ne pas recommencer, du moins quand mes voisins sont là.

Plus de sourire. Plutôt un rire franc sur un visage illuminé et une réponse sans équivoque.

-Mais on s’en balance de ça ! Nous aussi nous sommes naturistes et de voir des gens nus ne nous choque absolument pas. Au fait. Tu connais une plage par ici où il ne soit pas nécessaire de porter un maillot ?

-Bien sûr, et non seulement elle est naturiste, mais c’est la plus belle de la côte. Entre les rochers, dix quinze minutes de marche à pieds pour y parvenir et pas un seul immeuble en vue. Que du bonheur. Un joli nom en plus, elle s’appelle la Waikiki.

-Wahoooo ! Venez lundi prendre un café tous les deux, vers trois heures ça vous va ? Vous nous expliquerez où est cette merveille !

- Je ne connais pas toujours son emploi du temps mais si Myriam est présente, pas de problème pour moi.

Le lendemain samedi, j’ai malgré tout dissimulé mon intimité sous le « beurk » de feu mon père. Un jour seulement. Le dimanche m’a retrouvé avec une intégrale nudité, les marques de maillot sont par trop disgracieuses sur mon corps splendide, oléééé. Mimi a partagé la poire en deux se baignant en topless.

J’étais resté fidèle depuis notre rencontre et pensais continuer sur ce chemin sans la moindre petite pierre qui puisse se glisser dans mes chaussures coutumières et confortables…Trop bien avec ma Mimi pour chercher de nouveau à papillonner, pour me prouver que j’étais encore capable de séduire une femme. Je ne regardais plus celles qui passaient à ma portée comme des proies potentielles, ne les déshabillais pas d’un regard acerbe et groumant, imaginant des positions alambiquées de contorsionniste, supputant le plaisir que j’aurais pu en tirer.

Non. Bien des beautés croisaient mon petit bonhomme de chemin et si je les trouvais belles, cela n’allait jamais plus loin qu’un bienfait sur mes rétines. En réfléchissant aujourd’hui, je pense sincèrement qu’un premier point d’interrogation a du passer fugitivement dans mon esprit ce vendredi devant la porte de mon voisin absent, avec ma voisine présente. C’est qu’elle est vraiment mignonne la petite Pilar.

Mimi doit lui rendre entre cinq et dix centimètres côté hauteur. Pour ce qui est du poids, ce genre de considérations fâche si souvent la gente féminine que je préfère éviter le sujet…Moi j’aime ce que Mimi s’évertue sans succès à ôter du niveau de sa ceinture et de ses hauts de cuisses. Ses poignées d’amour ne sont pas comme elle le prétend comparables à celles d’une malle. Et de loin! Depuis toujours cette partie de son anatomie ne lui plaît pas, et les notes d’électricité reflètent allègrement le fréquent ronronnement d’un appareil « dit » anti cellulitique. Bon, ca c’est moi qui le rabâche quand je vois ma dulcinée passer vainement son inefficace gomme à effacer. Le seul qui diminue à force d’être usé, est le grand miroir de notre chambre.

Autant Mimi est brune, autant Pilar est blonde. Du naturel, cela se voit. Aucun cheveu foncé qui trahi près de la racine et des sourcils presque translucides. Une peau qui doit avoir beaucoup de mal pour bronzer. La « vraie blonde » et mon péché du vendredi a été d’imaginer l’intérieur de sa petite culotte, côté face. Son pile de petite femme frêle contredit ce proverbe qu’avec grivoiserie j’aime parfois à placer ;

« Une bonne jument doit avoir un bon cul »

Menue mais bien proportionnée, svelte et délicate à la fois, ma voisine est ce que tout homme aux goûts classiques qualifierait de désirable. J’ajoute une expression tout aussi utilisée, réellement bandante. En plus, et en apparence du moins, elle parait toujours de bonne humeur le rire facile. Cerise sur son joli gâteau de minois, sa conversation la classe dans les pas connes du tout ! Normal, il faut en avoir dans la caboche pour travailler en temps que documentaliste dans un grand quotidien catalan. Peu féru d’info je ne lis aucune feuille de choux mais le journaliste d’investigation que Pilar épaule est renommé. Il fouille dans les profondeurs nauséabondes politiciennes à la recherche de malversations, pots de vins et autres gentillesses habituelles dans ce milieu. Celui-là et ses assistants ne pointeront jamais au chômage…ils ont tellement de pain sur la planche !

 

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Il y a eu des discutions, Mimi se plaint souvent de ne pas avoir d’amitié dans notre entourage immédiat mais se refuse à connaître un peu plus ses nouveaux charmants voisins. Vaincue, elle m’a dit oui pour le lundi.

Ce jour là nous vit trois heures du rang dans cette bâtisse grise d’un revêtement que le budget limité des Garcia n’a toujours pas pu peindre. Fort bien conçue on y circule aisément bien qu’à mon avis des pièces trop grandes refroidissent un peu l’ambiance. Une décoration en voie d’achèvement va sans doute améliorer cette impression. Le café m’a un peu déçu mais nos hôtes et nous même avons parlé de tout et de rien, constatant une certaine similitude de vie. Chez eux comme chez nous, c’est madame qui part pour le gagne pain et monsieur reste à la maison. Et oui ! Attention, d’un côté comme de l’autre, cela ne signifie pas se rouler les pouces. Les deux propriétés sont grandes et, oh mama mia, l’entretient accapare un temps fou. Alberto plus encore, lui qui peu à peu modèle le jardin, plante, construit murets et escaliers, ratisse en permanence les aiguilles envahissantes des pins etc.etc. Beaucoup d’etc. Attends mon ami d’avoir une piscine qu’il faut garder belle…

Pour moi, en plus et gratuitement, je me paye la comptabilité de la petite entreprise de Myriam. Cinq, quelques fois six ou sept femmes de ménage qu’elle place chez des particuliers, parfois dans des hôtels dont le personnel attitré est malade. Mimi met rarement la main à la pâte mais cela lui arrive. Elle négocie en ce moment l’excellente possibilité de travailler sur des bateaux de plaisance amarrés dans un petit port. A seulement quatre kilomètres de notre maison.

De temps en temps Alberto peint. Dire que nous aimons ses toiles serait pur mensonge mais il est difficile de vivre en harmonie avec tout le monde sans une part plus ou moins grande d’hypocrisie ! Apparemment, et selon ses propres confidences, la notoriété et la valeur de son point tardent injustement toutes deux à se manifester. L’espoir reste. Avec, j’ai cru cependant le déceler, un soupçon d’amertume…enfin il me semble.

 

 

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L’été est pour nous une période chargée. Beaucoup de travail avec les maisons et appartements en location saisonnière. Il faut très vite nettoyer et remettre en condition pour les suivants. Là aussi j’excelle en réparant l’électricité, les carreaux cassés et colmatant les petites ou grandes fuites d’eau. Peu de temps donc pour des civilités avec notre voisinage mais toujours un contact chaleureux et nos bains dans la piscine dans le plus simple des appareils ont continué comme autrefois. Pour les filles et pour le garçon.

Septembre est arrivé. Un lot de tranquillité nous a envahis et nous avons cette fois-ci invité un vendredi, cette fois au soir, les Gracia à dîner, plutôt à un lunch tardif. Certainement suivi d’un agréable petit plouf. Fifille à Barcelone, nous n’étions pas obligés de jouer notre rôle de chauffeur de taxi pour elle à chaque moment. Quand on habite une urbanisation, il vaut mieux avoir un véhicule. Cristina a déjà par deux fois, et fort brillement, loupé son permis…

Les délicieux canapés sont partis accompagnés d’un Cava bien frais et nous nous sommes baignés. Le plus naturellement du monde Alberto et Pilou, je l’avais déjà ainsi surnommée, se mirent tout comme nous. Nus. La confirmation de la blondeur de ma voisine fut impossible, elle comme lui apparurent exempts du plus petit poil. Totale épilation à laquelle nous ne sommes pas habitués.

Je me suis rappelé les prostituées algériennes que j’ai fréquentées dans un bordel de Mostaganem lors d’un long déplacement. Sauf que Pilar ne leur parait en rien. Son sexe semblant celui d’une enfant encore impubère a voulu accaparé mon regard mais je me suis dominé.

-Il reste une bouteille de Cava ! On se la siffle ?

Trois oui enthousiastes m’ont poussé vers la cuisine. Alors que j’ouvrais le frigo s’est plaqué une femme dans mon dos. Des petits seins durs encore ruisselants qui n’étaient pas ceux de Myriam. Impossible à confondre. Le temps a suspendu son vol…très brièvement. Deux mains se sont posées fermement sur ma taille avec un mouvement d’invite pour me retourner…Et bon garçon, j’ai obéi !

Elle est tombée à genoux et exquisément, lentement, a absorbé mon sexe. Jusqu’à ce que sa lèvre supérieur touche le bas de mon ventre et son inférieur la peau de mes testicules ! Gorge profonde, apnée soigneusement contrôlée, plusieurs allers et retours en accentuant une forte succion. Je suis parti à dame plus vite que jamais je ne l’avais fait. Et pourtant l’éjaculation précoce n’est pas dans mes cordes pour les performances sexuelles. Beaucoup s’en faut car j’ai toujours réussi à me contrôler et à faire passer le plaisir de la dame en priorité.

Combien de temps ? Et que ce passait-il dans la piscine ? En regardant par la fenêtre, j’ai cru voir qu’un couple de baigneurs paraissait bien près l’un de l’autre !

La nuit allait bientôt faire une tentative de percée pour éclipser ce jour où la chaleur avait dominée. La clarté se rendait difficilement comme pour imposé un couché tardif aux humains, faisant grogner d’impatience les bestioles nocturnes.

-Porte la boutanche et les coupes, tu m’excuses si je vais un instant réparer les dégâts.

-J’y vais ! Une précision pour tu me connaisses davantage…mon mari dit que ma chatte à un goût de framboise !

Je ne sais plus ce que j’ai bredouillé en réponse tant j’ai filé rapidement dans la salle de bain. Il fallait ne pas apparaître avec une bandaison encore manifeste. La honte ! J’allais d’ici peu me moquer éperdument de cette façon de voir les choses du sexe. Nous avons bu debout dans l’eau, des bulles autant dans nos yeux que dans nos coupes !

Quelques temps plus tard Mimi m’a avoué qu’elle s’était douté d’un fait insolite dans la cuisine. Sur le coup, elle ne m’a rien demandé. Elle a reconnu également que des mains, ce soir-là sous l’eau, s’égarèrent.

Un petit chemin de nouveaux horizons s’ouvrait devant nous. Qui allait se transformer en une large autoroute de félicités insoupçonnables peu auparavant.

L’impatience me rongea. Je réitérai mes devoirs conjugaux plus qu’à l’accoutumé et certainement avec une vigueur et une fraîcheur nouvelle. Vendredi soir…elle ne vint pas. Trop de boulot. Elle resta ce soir-là à Barcelone dans le petit studio que le couple louait depuis bien des années. A un loyer d’autrefois que des lois incompréhensibles pour les propriétaires, mais sublimes pour les locataires, maintenaient au plus bas. Nos voisins avaient pu ainsi économiser pour leur nouvelle maison… par madame Hypothèque interposée.

C’est Mimi qui eut la géniale idée. Nous cherchions un petit pied-à-terre pour notre étudiante de progéniture. Débattu, entendu, arrangement financier solutionné, l’exécution allait se faire immédiatement ! La vie nous apportait les solutions à nos problèmes avant que ceux-ci ne se fassent vraiment pressants. Il restait une fameuse fièvre du samedi soir à assouvir. Et Cristina qui pour une fois voulait rester chez nous ! Nous sommes donc partis. Nos deux voisins excités par l’aventure nous ont rejoints à moins de cinq cent mètres puis sont montés dans notre voiture. Direction el pueblo. Coïncidence, à quelques kilomètres de Mora d’Ebro, il s’appelle… Garcia ! Trois quarts d’heures de route nous menèrent sur le lieu de nos exploits.

Exploits. Bataille. Passions. Et bien que cela puisse paraître impossible, une colossale émotion.

Nous avons joint trois lits de 90cm ! Et travaillé toute la nuit, jusqu’à plus soif.

Il a été un moment où n’importait plus le sexe qui se présentait devant la bouche. Où l’orifice devant mon érection vigoureuse n’eut plus de nom. Qu’il soit masculin ou féminin ne m’a pas choqué. Où une Pilar élastique ramena ses genoux sur les côtés à la hauteur de ses épaules pour permettre à son mari et à moi-même de la posséder pleinement, d’abord doucement puis fougueusement alors que Myriam ouvrait son sexe en une offrande que Pilou gourmande dégusta longuement. Elle m’embrassait alors que l’un de ses nombreux orgasmes la fit trembler.

Où nous avons si souvent changé de partenaire et de position que nos corps ont paru faire parfois de compliqués nœuds de marin. Où je me suis rendu compte que j’adorais toujours la framboise. Mais où une partie de mon anatomie s’est montré réfractaire cependant. Les suppositoires ne m’ont jamais convaincu comme médication… je préférerais plutôt les avaler !

Il y a déjà un an que tout à commencé. Cristina vit avec son nouvel ami sur les hauts de Barcelone. Avec le couple Garcia nous nous réunissons de temps en temps et répétons nos prouesses le plus souvent possible sans encore nous lasser. Un léger changement pourtant dans notre vie à tous…

Myriam vit en la très agréable compagnie de Pilar dans le petit studio que notre fille a libéré et les deux maisons d’ici voient un nouveau couple prendre soin d’elles.

Alberto est le plus merveilleux des compagnons !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1Restaurants où coule principalement le Beaujolais.

2Principal quotidien de la région lyonnaise

3

4Se faire la bise en patois Lyonnais.

5Une autre pression s’il vous plaît.

6Ma gentille chienne

7Celui qui tape sur l’épaule pour donner le feu vert au saut. Et qui s’élance le dernier.

8 Parachute.

9 En Espagne le tutoiement est de rigueur sauf quand on s’adresse à des gens assez âgés…et encore !

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