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Douce plume acariâtre

   

Texte enregistré en registre de propriété intellectuelle

 

                                             LA BONNE PLANQUE

 

        Un peu de patience ami Franky, il ne te reste que trente cinq ans à tirer pour que les portes de ce trou à rats ne s'ouvrent et qu'avec un grand sourire goguenard les gardiens ne te souhaitent une bonne chance….et à la prochaine. Peut-être que tu aurais du plaider non coupable, pas d'arrangement avec le procureur général et direction le couloir de la mort, avec la chambre à gaz tout au fond.

        Mais, qui donc aurait profité de ton magot? Encore une autre possibilité, en indiquant la planque, monsieur ce salopard de juge, en plus un blanc comme toi, ne t'aurait condamné qu' à vingt ou vingt-cinq ans maxi. Avec les trois cadavres derrière et un gamin de quinze ans encore dans le coma  depuis trois ans et demi, impossible de négocier pour une peine plus courte. Non, gros malin, les quatre millions et demi de Dollars qui t'attendent seront bien pour toi.

                 -D'accord, mais je ne veux pas devenir un nabab quand j'aurai soixante douze balais!

        Le Franky a toujours un bon plan qui mijote sous le couvercle de sa cafetière et dans cet enfer carcéral un type avec autant de fric en attente de ramassage dans un coin tranquille et sûr, devient plutôt chouchouté. Alors il se la coule douce. D'ici peu il sera dehors.

        Et pourtant tout commença fort bien. . Le directeur de la banque avait tout organisé et les assurances allaient rembourser les soi-disant onze millions trois cent mille déposés dans le coffre. Pas n'importe quelle quincaillerie, un bidule hypersophistiqué sortant de la fameuse maison Fichet-Bauche et en plus…incrusté dans une chambre-forte mise au point par ce même fabriquant. In Viol Able.  Résistant aux explosif, avec des aciers que nul fraise n'oserait prétendre entailler, nul chalumeau à plasma ne saurait percer puis découper, des systèmes d'alarme parmi les plus complexes et pourtant…Des otages!  Quand un homme a peur pour sa vie et celles de tous les membres de sa petite famille, le saint des saint devient accessible. Ce minus de directeur de banque avait bien mijoté son coup en faisant appel à Franky mais il n'aurait jamais du essayer de le doubler.

         Inutile de décrire tous les détails qui ont conduit au fiasco, mais Bob le Large dit aussi Snack Face,  complice dans bien des bons coups (et des plus foireux aussi) y a laissé sa misérable peau. Que ce salopard de directeur ait également avalé son bulletin de naissance n'était pas grave; mais sa femme…Mama mia, une poupée comme celle-ci méritait de donner encore beaucoup de plaisir  à une flopée de bonhommes. Bof, elle s'était fort probablement mariée par intérêt, vu ses vingt-cinq balais de moins, la tronche et la carrure du mec.

          C'est  pour le gamin que Franky fut un moment désolé et pour lui-même bien sûr. Trente huit ans de réclusion ne passent pas du jour au lendemain. Cela laisse du temps pour apprendre le tricot. Avec un magot juteux qui attend dans une bonne planque…il faut se faire la belle. Avec plus de deux mille huit cent détenus, c'est en véritable petite ville que le centre carcéral est organisé. Et le plan que son imagination a mis au point est imparable. Certes il faudra payer  des complices, seulement deux. Un gardien et un gars qui bosse au funérarium de la ville. D'autant plus facile qu'en ancien menuisier il  travaille à la morgue de la prison. Pas de petites éconocroques, quand un type passe l'arme à gauche, le costard en sapin se fabrique à la maison. Le Franky va se faire la malle déguisé en macchabé !

       On peut dire que l'architecte qui a pondu la morgue était prévoyant. Quatre tiroirs réfrigérés en acier inox, disposés en carré. De mémoire du lieu, jamais ils n'avaient été remplis de viande froide tous ensembles. Détail fort intéressant, sous les deux tiroirs du bas; entre la partie coulissante et le sol de carrelage blanc, un espace suffisant pour y flanquer un type normal. Fatty Scratch, le black de cent quatre-vingts kilos ne pourrait pas s'y coller, mais ce méchant là ne sera pas dans le coup. Si c'est lui le premier mort du centre, il faudra s'armer de patience et attendre le deuxième.

               Vous voyez venir?

          Deux complices. Un à l'intérieur,  et un autre au dépôt mortuaire de la ville pour  faire sauter les scellées de plomb et dévisser le couvercle de la boîte. Deux gars qui seront grassement payés, dés le magot récupéré. La réputation de Franky dans le milieu n'est pas surfaite. Ce gus a toujours tenu parole.

       Le premier mort n'est pas Fatty Scratch. Le gros râpeux ne quittera pas l'enceinte électrifiée  aujourd'hui, condamné à perpette, il lui faudra attendre son tour pour sortir…les pieds devant. Benjamin Mersing, un minus dealer au sida avancé, s'est taillé les veines avec une lame improvisée dans une branche de lunette aiguisée avec force patience. Emmené à la morgue, il est placé dans un joli tiroir le temps de lui préparer une belle boîte. Tout est beau ici…qu'on se le dise!

        Le gugusse est juste un peu plus petit que Franky. Ce dernier s'applique pour lui laisser ses aises dans son dernier voyage. Le respect des morts!  Les planches sont prédécoupées, le matelassage se fait avec de vieux vêtements en charpie recouverts d'une simple toile blanche. Une agrafeuse et le tour est joué. Pas besoin de poignée, trop chères et de toute façon la boîte est à hauteur, sur des rouleaux cylindriques. Quand le fourgon arrive, on pousse avec le petit doigt en pensant tout fort… by by !

          Le Franky s'active avec sa raboteuse  dans la pièce à côté quand monsieur le directeur du centre en personne vient tout superviser. Un mort lui-même doit être contrôlé pour s'en aller. Après une toute dernière vue du toubib, en présence donc du Big Boss, le couvercle est posé, vissé puis trois gros plombs marqués d'un cachet avec une forte pince prouvent l'inviolabilité de la sépulture, au moins sans que cela ne soit immédiatement détectable. Dans une demi-heure le fourgon sera  présent.

       Plus de temps qu'il n'en faut à Franky pour prendre la place du mort après avoir dissimulé le Benjamin….Et les plombs de nouveau sont posés.

       Curieuse sensation.

       Ménage ton souffle mon gars, les trous que tu as percés sont vraiment minuscules et le joint volontairement déformé  laisse passer un filet d'air à peine suffisant.

        L'alerte sonne. Un détenu a disparu. Le dernier endroit où il était est fouillé mais il n'y a rien qu'un cercueil et les scellés sont intacts.

        Combien de temps faudra-t-il au mort vivant pour ré ingurgiter un grand bol d'air de liberté dans les poumons. Pas plus de quatre heures selon les prévisions. Monsieur le directeur signe enfin l'autorisation de sortie du corps. Curieusement et sans vouloir l'expliquer à voix forte, il se propose à l'accompagner lui-même jusqu'au dépôt, en ville.

         Franky jubile, il imagine les multiples portes s'ouvrant sur son passage et peut-être les signes de croix de certains fervents, les crachas de ceux qui n'aimaient pas vraiment le défunt Benjamin.  Le trajet en voiture comme prévu ne dure guère plus de vingt minutes. Encore quelques manipulations puis le silence se fait…..

                    -Mais qu'est ce qu'il attend ce mec ?...

       Franky dans sa boîte ne peut lire l'heure, sa vue a baissé dernièrement et les aiguilles de sa montre ne sont pas lumineuses…enfin les petits coups attendus frappent le bois. Mais, mais qu'est ce que c'est?

         Une perceuse fait un trou juste devant son visage et une voix, déformée par la mauvaise acoustique due à cette particulière situation lui parvient.

                    -Franky?

        Le oui est hurlé suivit d'un:

                   -Mais tu dévisses bordel?

                  -Seulement quand tu m'auras donné ta planque l'ami !

                 -Fumier! Ordure!

                 -Tss tss…J'ai tout mon temps mais dans une heure je pars avec toi…pour t'enterrer

       La volée d'injures ne peut ici s'écrire.

                 -Voilà mon marché et tu n'as aucune possibilité de le refuser. Un. Tu me dis où ton fric est planqué, je sais qu'il est dans cet État. Je t'enterre et reviens te délivrer demain…Deux. Tu ne me révèles rien et je te laisse au fond de ta fosse avec une bonne couche de terre par-dessus.

                C'est à prendre ou à laisser.

                -Ca va, je vais t'expliquer écoute….

                -Ok, quelques soient les bruits que tu entends désormais, ais confiance et surtout,    surtout ne te manifeste pas ! Sinon je ne pourrais plus rien faire pour toi.

       Le trou est bouché d'une cheville de bois qui ne dépasse pas; bof cela fait un peu rustique, mais qui va s'en plaindre?

 

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          Il est rare qu'un directeur de prison veuille se recueillir au près du corps d'un ex détenu. Encore plus rare qu'il demande à voix basse que les dernières volontés du défunt soient exécutées. Mais comme il paye de sa poche et largement...

           -Vous comprenez, depuis son entrée au pénitencier, il a été le meilleur de mes informateurs…je l'ai  finalement beaucoup apprécié. Et les gens sont si méchants que personne de sa famille ne va se déplacer pour lui, encore moins dépenser quelque argent! Ah, s'il vous plait, lassez-lui son cercueil! Celui-ci, vous ne pourrez pas l'utiliser plusieurs fois!

    Incroyable,  pas plus de quatre heures de voiture pour quatre millions et demi de Dollars. Monsieur le directeur roule à plus d'un million de l'heure!

     Est-ce seulement une impression mais Franky a soudainement très chaud. La dernière vision de son esprit avant de perdre conscience est un V très particulier à la crête d'une haute colline. Au pied et très près de trois énormes roches un fin tunnel débouchant sur une cavité où un ours en hibernation devait autrefois se cacher. Pas plus d'une petite heure d'efforts pour en  dégager l'entrée. La dent que Franky porte à son cou avec un simple cordon de coton vient de là- bas

        Les deux lances à plasmas de l'incinérateur pulvérisent le beau bois de pin d'Oregon qu'il a  minutieusement ajusté et poli…

 

        Il y a trop longtemps que la route devait  contourner cette colline en bien des lacets pour relier deux proches localités. Les travaux  ont commencé depuis plusieurs semaines. Au moment précis où Franky s'envole en volutes, un énorme tractopelle donne le premier coup d'attaque près de trois gros blocs de pierre.  La colline va être coupée d'une franche saignée.

 

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