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Douce plume acariâtre

                  

                    LA SOURIS MENTALO

 

           Comme tous les matins, moi Chloé me prélassais assise au sommet de mon glaçon-iceberg en prenant grande précaution  lorsque celui-ci touchait la demi-rondelle de citron vert fichée sur le bord du verre. Les agrumes me révulsent davantage que la plus nocive bombe d'insecticide. Question de gout probablement. Quant au collier de Mentalo sensé me repousser, je l'aurais volontiers bouffé, mais ces matières plastiques  vaguement gommeuses…beurk!

         Mentalo était  ma meilleure copine depuis toujours, elle le restera toute ma vie d'ailleurs. Une amie? Non, beaucoup plus! Un unique amour bien que parfois trahit en un saut sur Perché, le Garfield du coin. Un chat tellement pansu et fainéant qu'il se  refuse à chasser les congénères de Mentalo non adoptées par Julia notre maitresse de maison. Cette dernière ayant un beau jour fait une bourde colossale, ma vie toute simple et réglée au millimètre était devenue ubuesque, pleine d'imprévus (pas toujours cocasses) et pour dire franchement délirante.

      Tout ca à cause des lunettes de la voisine, de la même marque et couleur que celles de Julia. Lors de sa précédente visite papotagère, la pipelette d'à côté est repartie les yeux mal chaussés. De ce jour, ma Julia unique et préférée s'est mise à voir le monde d'une manière fort différente.

      Elle venait d'acheter un nouveau collier antipuce pour son chat dégénéré et obèse. Moi qui connais Julia pour l'avoir elle aussi fréquentée intimement (j'aime beaucoup la couleur rougeoyante des poils de sa chatte teintée au henné), je peux vous affirmer qu'elle a du en discuter le prix et essayer de l'allonger pour qu'il serve plusieurs fois. Quand on mesure le tour de cou de Perché, il aurait fallu une grande élasticité au collier et surtout…les bonnes lunettes.

       La Julia a choppé Mentalo, sa souris fétiche par la peau, là, juste derrière la tête, et lui a posé le fameux collier. Toute contente qu'il y eu tant d'excédent satisfaisant sa pingrerie! Moi Chloé la puce, je me reposais tranquillement dans un pli de la patte avant-droite, celle que je préfère. Bizarrement,  j'eu soudainement mal à la tête. Ce n'est que par hasard que j'ai découvert le truc du glaçon et cela m'a sauvé la vie. Voilà ce que c'est d'avoir choisi comme amour ambulant une souris vivant dans la maison d'une femme hypermétrope, ayant sur le nez des lunettes de myope!

       J'ai découvert l'antidote du collier un jour que, curieuse, j'ai fait un saut dans le frigo de Julia. Passé de sa chatte souvent en fusion à un bac à glaçon m'a provoqué un chaud et froid assez piquant. Chaglattente, pardon glaglatente, con gelé, pardon congelée j'ai juste eu la force de sauter sur Mentalo une heure plus tard quand elle est venue piquer discrètement une portion de fromage. Miracle, je me suis alors aperçue que le collier maudit ne me faisait plus aucun effet!

        J'ai donc décidé de profiter du triple whisky matinal de Julia pour ma désintoxication. Mais diantre, quelle idée que d'y foutre du citron?  Hors, ce matin-là un événement inattendu se produisit. Encore Julia la coupable de tous mes maux! Bon, si l'on considère qu'un éternuement reste difficilement contrôlable, il n'y a pas faute en la matière. Penchée à sa fenêtre pour prendre l'air matinal, au moment précis où ma chère propriétaire au pubis hénnéien a voulu siroter son whisky trois semaines d'âge avec la courte paille réglementaire, la voila qui respire par saccades et lâche en fermant les yeux un atchiiiii retentissant dans un jet de postillons capable d'inonder la ville. Le chien Popol, celui de la fameuse pipelette d'à côté, qui passait sous la fenêtre ouverte en a levé la tête. Il se demanda qui avait osé lui faire peur en le  douchant alors qu'il levait aussi la patte pour un petit besoin naturel.

    Le glaçon sur lequel je me prélassais a valdingué sur ce dingue de chien jaune chinois. Pire, la moitie de rondelle de citron vert chut sur mon crâne, m'obligeant à fuir précipitamment le lieu du sinistre. Et là mes zamis, les sifflets fusèrent. Les "tu viens ma belle" sur un ton in équivoque sortaient  des quatre coins cardinaux et des bissectrices. L'innocente que j'étais n'avait jamais connu le moindre congénère sauteur et piqueur ni de mon sexe ni de l'autre.

        Pauvre de moi, j'étais piégée, encerclée; derrière chaque poil, une puce mâle se cachait…et pas que des puceaux j'en eu rapidement la preuve!

        Pour vous dire qu'aujourd'hui j'ignore totalement l'identité du papa de mes premiers nombreux enfants! Je vais devoir déménager. Pas assez de place chez Mentalo. Je ne pourrai pas les présenter à ce goinfre de chat Perché, il a décampé ventre à terre quand Julia l'a choppé par la queue, peint en vert et voulu le tremper dans l'eau chaude en chantant:

                    "Une souris verte

                     Qui courrait dans l'herbe………

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