Dans la « provincia » de Valencia, il est une langue ayant forte similitude avec le Catalan, une belle langue où la figue se conjugue. A tous les temps, toutes les personnes, en toutes les occasions et par toutes catégories d’individus. A toutes les sauces verbales et souvent en haussant le ton. Depuis le plus jeune Valencien (que l’on réprimande timidement pour ca) jusqu’au plus vieux, ce fruit délicieux ne cesse d’intervenir dans maintes conversations. Pas question de faire une distinction entre les deux variétés existantes, qu’elles soient noires ou blanches, là-bas pas de racisme figuier. Ces fruits servent également dans toute conversation entre personnes bien nées, entre gentes de soi-disant bonne condition comme entre gens du commun du mortel.
Deux variétés de figues ? Il en existe pourtant une troisième dite de barbarie, mais cette dernière ne peut prendre place en ce texte magnifique ; ses redoutables et minuscules piquants la rendre impropre à la curieuse conjugaison de cette province espagnole.
Le plus souvent, allez donc savoir pourquoi, la figue est attribuée à une tante. Non, pas à un homo ! Une femme normale, sœur du papa ou épouse de l’oncle, une femme qui dans cent pour cent des cas n’a strictement rien à voir dans la conversation où intervient la figue. Mais, toujours sans raison apparente, c’est également à la sœur, à la mère, très rarement à la fille que le fameux fruit est mis en référence. Généralement employée pour montrer une forme de mécontentement, souvent pour envoyer balader un antagoniste, la vulgarité que l’on prétend donner à ce fruit s’atténue par son emploi si répétitif. Un peu comme le « merde » national qui émaille constamment nos propos. Servant à une comparaison surprenante, la figue se montre sèche, ou molle ; elle est toujours suave, comme velouté. Trop verte elle est incomestible mais mure à point, c’est un véritable nectar délicieusement sucré qui s’ouvre puis s’écarte sous la pression des doigts et où l’on plonge la langue avec une ferveur quasi religieuse. Pour moi au moins !
La figue intelligente, sait se placer haut sur l’arbre pour que ne la cueille que le (ou la) plus habile, le plus dégourdi. De peur qu’elle ne paraisse figue trop facile sans doute ! Quant au faux fruit figure de style, il sait également se faire désirer, pour que le plus dégourdi, ou la dégourdie, se la mange avec encore plus de plaisir.. Cette figue-là possède le grand avantage de pouvoir se consommer plusieurs fois à la suite, ou en action simultanée de plusieurs bouffeurs de figues réunis. Ou encore en de multiples échanges de bons procédés. Apparemment, si comme le fruit elle se ratatine avec le temps, elle ne tombe jamais parterre et reste toujours comestible…heu, question de gout !
Pardon pour ma mémoire qui flanche, mais ne dit-on pas ? : « C’est dans les vieilles figues qu’on fait les meilleures soupes ? » Non, vous avez raison !
Pour en revenir à la conjugaison des figues en pays valencien, il nous faut préciser que l’aspect littéraire de cette apparente ineptie est souvent associé au verbe caguer. Y compris un inculte ignorant la langue du sieur Cervantès connait sa signification. Dans les environs de Valencia comme dans toute l’Espagne on chie donc sur tout et bien sûr, de bon cœur sur la figue, sans aucun complexe pas plus qu’avec une vulgarité par trop flagrante. “Me cago en la figa de tu tia” reste l’expression la plus utilisée du mécontentement valencien. Nous traduisons pour l’ignare précédemment cité : « Je chie sur le con de ta tante ».
Mais nous l’avons déjà vu, tout y passe ! Non seulement la tante, la mère participe à la fête : « la figa de tu madre », la sœur : ‘la figa de tu hermana’, et toutes les femmes de la famille sans distinction ont droit à l’hommage ! Afin de corser ces joyeuses paroles, quand on veut accentuer le mécontentement, la cagade s’additionne souvent de la pute :
-Me cago en la figa de tu puta tia. Et de toutes les autres pour ne pas faire de jalouses !
Vraiment, ces Valenciens sont de drôles de gents !
Il m’est pourtant impossible de savoir si ce sont eux qui inventèrent la figue farcie. Hummm ! Avec une amende ou une noisette… un nectar ! Avec un peu de chocolat… un délice. Essayez avec de la banane… à en tomber à la renverse ! Il existe donc maintes manières de farcir ou de fourrer (au choix) la figue. Quant au faux fruit figure de style, pourquoi pas avec la langue d’un gentil cochon ! Fort heureusement que cette figue-là aime à se faire mettre, farcir ou fourrer. Il y a lulure que l’humanité aurait disparue en cas contraire.
Personnellement, c’est la Catalogne espagnole qui a le privilège de m’accueillir en ce moment. Ici tous les sens de la figue sont aussi fort bien compris. Mais pour cette chose là du moins, les Catalans restent en harmonie avec les Espagnols en préférant el coño (le con) à la figa dans leurs exactions verbales. Ce fruit là ne se trouve pas dans les arbres, à moins qu’une belle n’y soit grimpée. Idem, je m’efforcerai le plus longtemps possible pour le consommer.
La figa de tu madre !
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