DUBOUILLON DANS LE COUSCOUS
Chapitre 1 La baleine à deux bosses.
L’éternuement du commissaire Dubouillon fit, comme à l’accoutumée, sursauter tous ceux qui pourtant étaient habitués à cette exagération incontrôlable du policier. Un homme mythique, on ne peut plus excentrique, avec qui ils collaboraient depuis des années pour certains d’entre eux.
Une œuvre première de l’art musical venait de retentir. Cet atchiiiii fort et trompétant, émis sans aucune autre retenue qu’une main hâtivement portée devant la bouche, cette brusque libération violente, conséquente premièrement d’un courant d’air puis d’un fourmillement démangeant les narines d’un nez broussailleux, cette compression de la masse d’air pulmonaire provoquée par plusieurs fortes inspirations, cette presque explosion donc, fit trembler le vieux lustre de cristal déglingué qui pendait lamentablement non loin du cadavre, celui de Madame veuve Rose Violette Bisemusse
Les hommes et femmes de la scientifique continuèrent leur tâche méticuleuse en se regardant l’un l’autre avec des mines réjouies; tout en attendant avec une délectation voluptueuse et malicieuse, le deuxième, puis troisième coup de trompette du commissaire. On en avait compté jusqu’à quatorze ! Ce qui ajoutait au charme de la situation, c’était une autre série : celle des abominables jurons postillonnents gueulés par « le tonneau », surnom qu’il était fort convenable de ne pas utiliser en présence du chef en question….
Enorme et frustrante déception : rien ne vint. Le traditionnel mouchoir à carreaux, de la taille d’un drap de lit pour bébé, fît seulement son apparition, et le vieux Léon, puisque tel était son prénom, mouchât délicatement et presque sans bruit un tarin rougissant à l’écume débordante.
-Celle-là, à mon avis, elle ne s’est pas suicidée !
Le corps avait été trouvé par une voisine de juste en bas au-dessus qui venait récupérer un chapelet en cacahuète qu’elle avait prêté à la victime trois ans auparavant. Madame Machin, de noir vêtue et collet de corsage blanc, une vieille pie jacassante impossible à museler, dictait maintenant sur le pas de la porte sa première déposition à l’adjoint du commissaire, l’inimitable inspecteur Valentin Ulysse Labulle.
Le tandem hétéroclite formé par ces deux là, décrié par ses supérieurs, sans cesse mis en boîte par toute la gentes policière de la ville qui se moquait de son aspect divertissant, n’en avait pourtant bouclé pas mal d’enquêtes criminelles. Plus d’un « client » ricanant au début, s’était retrouvé derrière de solides barreaux car la paire Dubouillon Labulle était tenace, imaginative, parfois agressive et ne rechignait pas à utiliser les moyens les plus biscornus, voir hors la loi, pour arriver à ses fins. Il est fort probable que ce jour là, les deux compères enquêteurs se trouvaient face à une première mondiale.
Jamais de mémoire d’homme l’on avait trouvé une femme tuée de cette étrange façon. Nue, suspendue par un pied, mains liées dans le dos, la tête enfoncée dans un bocal à poisson, la femme faisait penser à une sorte de pantin désarticulé curieusement éclairé par un projecteur programmé pour changer de couleurs progressivement, en passant par toutes les nuances de l’arc-en-ciel. Inconnue des services de police, l’identité suggérée par la plaque de bronze visée sur la porte d’entrée R. V.BISEMUSSE, immédiatement introduite dans tous les ordinateurs ne donna strictement rien. Cette dame n’existait donc pas. En des temps où tout le monde était fiché, contrôlé, étiqueté, géographiquement repérable en permanence, qu’un individu puisse seulement vivre sans être connu des Services de Surveillances de la Population paraissait inconcevable.
Sur le sol, le peu d’eau éparpillée ne s’était pas encore évaporé mais aucune trace d’une quelconque mini baleine rouge, ce minuscule cétacé très à la mode ces derniers temps, né du génie inventif des savants généticiens en folie et dont certains exemplaires valaient une véritable petite fortune. Serait-ce là le mobile du crime ?
-Labulle !
Par la porte entrebâillée une tête pratiquement chauve bien qu’encore jeune, osseuse et élargie par de grandes oreilles décollées, apparut, la ligne des sourcils froncée au subjonctif de l’interrogatif.
-Oui chef ?
-Demandez donc à madame si, par hasard, elle n’aurait pas récupéré un baleinain, et vérifiez chez elle au cas où, prenez donc un homme et fouillez tout. !
-Illico presto, chef !
Au centre de la pièce une caméra sur trépied fut installée et elle balaya la scène du crime du sol au plancher puis sur trois cent soixante degrés autour d’elle. Les hommes en blanc qui étaient silencieusement sortis revinrent et reprirent leurs respectifs travaux de recherche d’indices, l’œil aux aguets et parfois à quatre pattes. Mais la mémoire visuelle du commissaire Léon Dubouillon valait bien le plus sophistiqué des bidules digitaux. Il décida de s’en aller, pressant comme toujours le médecin légiste d’établir son rapport au plus vite.
-Vous l’aurez hier, commissaire
-Très drôle….Labulle, quand vous aurez fini vous me rejoindrez au bar tabac du coin ! C’est l’heure de mon blanc cassé moutarde forte.
Le tonneau méditatif s’en alla tranquillement déguster sa boisson préférée.
Tout ceci s’était passé il y a maintenant une semaine et l’enquête n’avait pas progressé d’un millimètre. Enfin presque : grâce aux empreintes digitales et à la photo on avait désormais un véritable nom, communiqué par la Police de Thulé. Pétunia Fistofèlaisse exerçait autrefois, au début des années 3130, le plus vieux métier du monde. C’était du temps où elle était encore belle et donnait aux clients d’autres services que ceux proposés par les prostituées androgènes remboursées par la sécurité sociale. Pétunia s’était volatilisée depuis le 43 mars 3141. Aujourd’hui où toute personne à l’obligation de se faire injecter une puce d’identification, c’est un exploit que de ne pas avoir été détectée et arrêtée en six ans. Si l’insolite pendue par un pied avait été autrefois mariée puis veuve, aucune trace du défunt mari n’apparaissait dans les archives. Mystère et boule de gomme.
Il résultait de l’autopsie que, malgré les apparences, la victime avait succombé à la suite d’un empoisonnement au venin de ver de terre tigré et que tout le reste ne paraissait qu’une macabre mise en scène. Détail, le mortel produit avait été ingéré avec de l’harissa, piquant complément de tout couscous qui se respecte, pourtant pas la moindre trace de blé dur dans l’estomac.
Indépendamment de la victime, un hic subsistait : l’analyse de l’eau du bocal prouvait que celui-ci avait effectivement contenu un baleinain rouge et, chose inouïe, de la variété la plus rare, celle issue de la fameuse baleine à deux bosses, on nageait en plein délire…….
-Chef un nouveau corps vient d’être découvert, étrange ressemblance avec le cas de Madame Fistofèlaisse allias Bisemusse.
-Quoi encore ?
-La tête dans un bocal à poisson.
-Où ?
-En plein milieu de la cuisine d’un restau, devinez lequel…. le fameux « Le Bon Couscous », quatre fourchettes sur le Guide Pneumatique, à quelques pâtés de maisons du crime de la semaine passée !
-Hum, hum…. Harissa ? Couscous ? Dites-moi Labulle, met-on des cacahuètes dans le couscous ?
- Certains cuisiniers le font, chef. !
-Tiens, tiens ! Comme c’est étrange, allons voir de ce pas si un chapelet ne traînerait pas chez des maghrébins probablement musulmans. J’espère que, comme en 2019 personne ne va recommencer une guerre de religions, et en plus sur notre territoire. Il y a déjà assez des cons qui se disputent, voir se battent, sur le territoire de notre religion.
-Mais, vous n’êtes pas croyant chef
-C’est vrai, tous les mots terminant en isme m’emmerdent.
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Les Laurel et Hardy de la police criminelle, au contraire de la logique qui voudrait de prime abord une inspection de la cuisine du Bon Coucous, rendent visite au gardien de nuit faisant aussi office de portier et de voiturier dans le célèbre établissement, un certain Mahatma Gharbi. Ce dernier, en pleurs, les coudes sur la table et la tête appuyée sur ses mains, peine à retenir ses larmes pour répondre aux premières questions.
-J’y suis pour rien messieurs. J’ai juste découvert le macchabée pendant ma dernière ronde, il était quatre heures du matin, Cette trouille que j’ai eu, vous pouvez pas savoir. Vous prendriez un petit caoua ?
-Allez, volontiers, dites-moi, votre nom me paraît bizarre.
-Mon père était Algérien et ma mère Indienne, Indoue si vous préférez.
-A quelle heure vous avez fait la précédente ronde ?
-Une heure pile, vous pouvez vérifier sur la pointeuse.
L’apparente bonne humeur des deux policiers, leurs aspects physiques détendent les nerfs, mettent en confiance et Monsieur Gharbi ne peut s’empêcher de regarder les enquêteurs ; petit à petit un sourire apparaît sur son visage et bientôt l’on voit qu’il a du mal à retenir une franche rigolade. Ce n’est pas tous les jours que l’on peut se faire interroger par deux semblables branquignoles. Un tonneau d’à peine un mètre soixante, affublé d’un nez tirant sur le vermeil et dont les poils s’échappent longuement, accompagné d’un double mètre gras comme un rayon de vélo, chauve avec de grandes oreilles soucoupes telles celles d’un boxeur après mille combats. La phrase lâchée par le gardien de nuit portier voiturier, visiblement sans malice ni intention blessante, décrispe deux flics qui commencent à s’empourprer.
-Excusez-moi Messieurs, mais vous êtes vraiment drôles et je devine derrière vos physiques disons…un peu particuliers deux gars qui sont certainement des braves gens et qui connaissent leur boulot à fond.
Le commissaire pense que, décidément c’est bien la première fois qu’un interrogatoire commence sur ce ton, mais il se détend lui aussi. De son côté, l’inspecteur se dit que son tonneau de chef va bouffer tout cru celui qu’il suspecte déjà, mais la bonne odeur d’un café rapidement réchauffé chatouille ses narines, or ces effluves divines désignent un grand cru arabica. Miracle, c’est là son petit noir préféré.
-Nous le prenons tous les deux sans sucre. Dîtes-moi, j’ai remarqué sur une étagère quelque livre sur la pêche, et un moulinet démonté sur la petite table.
-Il m’arrive parfois d’aller taquiner le chevesne voir la carpe dans l’étang d’un ami, le barbeau ou la truite en rivière. Pendant mes vacances je pêche aussi en mer.
-Jamais la baleine à deux bosses ?
Mahatma laisse tomber sa tasse qui se brise et la bonne moitié restante du précieux liquide brûlant se répand sur la toile cirée. Il se tétanise puis, les yeux tout ronds et bégayant presque…
-Vous…vous… aussi, mais qu’est ce que c’est que cette histoire de de de de fous ?
-Nous aussi quoi ?
-Il y a un peu plus d’une semaine une vieille morue est venue m’emm… pardon m’enquiquiner avec une mini baleine rouge, je n’ai rien compris à ce qu’elle racontait et l’ai traitée comme une folle, elle me houspillait agrippée au battant de la porte du restau et je l’ai foutue à la rue.
Sortant une photo de sa poche le commissaire la montre…
-Vous la reconnaissez ?
- Ah, bien sûr ! Vous pensez avec le ramdam qu’elle a fait ici ! Si vous lui parlez, demandez lui donc ce qu’elle veut cette vielle dingue et, surtout qu’elle ne revienne pas, hein !
-A mon avis, vous n’êtes pas prêt de la revoir ; au fait vous pêchez parfois au ver de terre tigré ?
-Vous m’en bouchez un coin monsieur le commissaire.
-Inspecteur, c’est lui mon chef.
-La bonne femme en question m’a demandé la même chose !
-Vous vendez de l’harissa ?
-Excusez moi, vous êtes dans un restaurant, pas dans une épicerie. Ici à part de la bonne bouffe on ne vend rien. Et moi je rappelle que je ne suis qu’un employé.
-Vous n’avez pas répondu juste avant, vous pêchez avec des vers de terre tigrés?
-Ha non alors, je me suis fais mordre il y a longtemps et n’ai survécu qu’en me faisant une vilaine entaille à la main. Le sang perdu à évacué ce sale venin. Regardez, huit points de suture en croix. Sur mes harpons, j’utilise surtout la limace congolaise, bien noire, très résistante, elle se débat comme une diablesse et attire la gente nageuse mieux que tout autre appât. Pour être plus attractives, certains dompteurs leurs enseignent aussi la danse du ventre.
-Monsieur Gharbi, je me fous éperdument de la limace congolaise. Pour le moment il est interdit à quiconque de se rendre en cuisine, bien sûr il va falloir fermer l’établissement qui sera mis sous scellées, j’ai bien peur de ne savoir pour combien de temps. Quant à vous, interdiction de sortit de Tataouine les Bains sans notre consentement, vous restez à la disposition de la justice.
Alors que le serviteur multifonction s’effondre à nouveau sur son triste sort, les deux représentants de la loi juste et implacable visitent l’antre des chefs en toques. La pièce est suffisamment grande pour que la ribambelle de marmitons, de sauciers et de pâtissiers puisse s’activer autour des fourneaux, magnifiques assemblages de fonte et d’acier inoxydable d’une propreté parfaite.
-On pourrait certainement manger parterre ; je viens de joindre le toubib, il arrive d’un moment à l’autre pour les premières constatations. Enfin, rien qu’au toucher et à vue de pif, ce mort là devait être vivant tôt ce matin. Il n’est pas encore froid.
Bouche grande ouverte, la tête enfoncée dans le bocal à poisson, l’individu vêtu d’une gandoura verte à pois rouges, les pieds nus dans des babouches en peau de zébu aux délicats filigranes d’or est recroquevillé sur une table de découpage. Dans la poche du vêtement un objet rectangulaire et bombé se dessine. La main curieuse de Léon n’hésite pas un instant et s’empare d’un portefeuille bien rempli. Le premier bristol qui apparaît révèle à la fois l’identité et la profession d’un tout prochain locataire non payant de l’Institut médico-légal.
-Écoutez moi ça Labulle, incroyable mais vrai :
BONNACIEUX LAFUTTE, détective privé.
Collaborateur appointé de la CIA, des SASS Sud-africains, de la DGSE française, du CNI espagnol, du TC2 vietnamien, de l’AISE italienne, du BDN allemand, des SVR et GRU russes, du CSIS chinois, de la gendarmerie belge et du MOSSAD israélien. Officine de travail : 1615 rue du Grand Canal à Tamanrasset.
Bon dieu, il bouffait à tous les râteliers le gugusse. Je ne me vois pas demander à tous les services secrets du monde sur quelle affaire il enquêtait.
Une deuxième carte de visite ainsi libellée vient complémenter l’information sur le défunt embabouché.
BONACIEUX LAFUTTE
Import Export de cacahuète
1615 rue du Grand Canal
Tamanrasset Tamtam 00 #44373109710433 #6566
- Un N de moins au prénom et encore des cacahuètes !
En plus d’une importante quantité de caramel mou, un passeport Lamazonien montre que le privé est un citoyen d’Amérique de l’Est ; le nombre impressionnant de visas et de tampons dont il est constellé, prouve qu’il a pas mal voyagé ces derniers temps.
- Mais que diantre faisait-il en gandoura ? Ce n’est pas la tenue traditionnelle des ressortissant lamazonniens que je sache. Et, sacre bleu, pourquoi la tête dans le bocal, c’est absurde, avec ou sans mini baleine à deux bosses.
-Chef, la Lamazonie, ne serait- elle pas le plus grand producteur mondial de vers de terre tigrés? Il me semble avoir vu ça dans Thalassa un vendredi soir !
-Labulle je vous aime, vous me recontactez Interpol, voir si ce Futefute a fait parler de lui dans les pays qu’il a traversés. Puis vous retournez cuisiner Madame Machin mais ce coup-ci sans douceur, j’ai l’impression qu’elle nous a pris pour des gougnafiers. Ah, bien sûr, que les gars de notre équipe questionnent toutes personnes travaillant dans la cuisine et vérifient leurs respectifs emplois du temps
Voyez aussi les derniers contacts avec le numéro de téléphone du privé à la cacahuète ; au boulot, tous les hommes sur la brèche. Le sous-secrétaire du ministère des procès verbaux pour stationnements interdits vient de m’appeler, il fréquente régulièrement le Bon Couscous et, strictement confidentiel, il paraît que le chef de l’État et d’autres grands dirigeants du monde devraient s’y réunir secrètement pour une prochaine dégustation en papotant politique. Le guide Pneumatique doit aussi décerner à cet établissement une cinquième Fourchette, la plus haute des distinctions. Nous sommes donc condamnés à élucider cette affaire fissa, fissa. Vu le renom du restau, le ministre du Patrimoine Culturel et Gastronomique a lui aussi insisté pour ce haut lieu des fins palais rouvre au plus vite.
En tous les cas, ils nous caguent tous, et nous reprendrons l’enquête lundi matin. Le dimanche c’est sacré ; ce soir on dételle la charrue.
-Un détail chef, vous vous rappelez la phrase du Mahatma au sujet de la Bégonia Violette, il a dit « une vieille morue », peut-être savait-il qu’elle se prostituait autrefois ? Est-ce que lui aussi nous aurait pris pour des pommes ?
-Vous êtes génial Labulle.
-Je sais chef, au fait, Thulé c’est bien en Corrèze ?
-Tout à fait ! Exactement près de l’un des glaciers désormais fondus de l’Avannaarsua, au nord-ouest du Groenland, génial mais point trop savant.
-On n’peut pas tout savoir !
-Il va nous falloir du doigté pour interroger le Grand chef, ces célèbres cuisiniers ont pour la plus part la grosse tête et le bras long. Nous marcherons donc sur des œufs, sinon gare au grabuge. Comment va-t-il nous expliquer qu’un détective privé, peut-être agent secret à ses heures perdues, soit venu terminer sa carrière sur une table à découper, dans un angle de sa cuisine avec la tête dans un bocal à poisson ?
Ali Bol Pokuz, LE maître queue internationalement connu n’en a pas la moindre idée. Cet homme d’affaire, pressé entre les huit restaurants qu’il possède de part le monde, pense que ce crime en l’établissement de Tataouine les Bains est un montage diabolique orchestré par d’autres cuisiniers jaloux. C’est par tamtamphone qu’il répond aux premières questions du commissaire en lui promettant d’arriver au plus vite par le prochain chameau long courrier. Il est actuellement en Papouasie septentrionale où un forum sur la cuisine cannibale réunit les plus grands toqués du monde.
-‘’Le sam’di soir, après l’turbin, l’ouvrier parisien….’’ En fredonnant une très vielle chanson ayant survécu à un fatidique oubli du répertoire des années 1900, l’inspecteur Valentin Ulysse Labulle, parfois aussi surnommé l’Efflanqué, s’en va pédibus jambus vers son home sweet home, un bon dimanche de repos prévu pour le lendemain. Une douche rapide, un passage en douceur du dernier Gillette 12 lames pour effacer une barbe négligée ces derniers temps et direction le claque de Madame la Baronne de la Trousse. C’est l’établissement le plus convenable et point trop éloignée de son mini studio du cent quatre-vingt cinquième étage de la fameuse tour de l’architecte Babel.
Valentin Ulysse se promet de tout faire pour que la curieuse affaire sur laquelle le hasard l’a conduit soit résolue. Le premier meurtre lui a fait mal, à titre personnel. Le grand escogriffe est un amateur viscéral des prostituées. Non pas de celles que l’on trouve à bas prix, ces robots du sexe, androïdes féminins, spécialement conçus pour alléger les nécessités glandulaires des hommes en mal de fornication et remboursés par les SSS, services sociaux de soulagement (département annexe de la Sécu). Une utilité reconnue publique, et pour cause… depuis l’implantation de nombreux bordels, voir pratiquement dans chaque village, jusqu’au plus reculé, la délinquance sexuelle a chuté en une piquée vertigineuse. Il en a été spécialement placé un à proximité immédiate de toute église pour éradiquer le fléau pédophile des curés d’autrefois…et ça a marché ! Évidemment bien sûr que les dames, elles aussi disposent de semblables établissements où de virils substituts masculins les attendent, toujours près à exaucer leurs moindres caprices.
Dans les années 2100 furent crées les premiers androïdes, ces robots presque parfaits se sont développés jusqu’à devenir si semblables aux humains qu’il a fallut les différencier par une caractéristique visible de tous et sans qu’il ne puisse subsister le moindre doute. Ayant premièrement pensé aux oreilles en pointe, trop faciles a dissimuler surtout en hiver, les politiciens ont donc décidé que, quelque soit leur sexe ou leur aspect physique, les androïdes seraient désormais pourvus de grands pieds. Une pointure 60 s’est imposée mais en 2614 une guerre meurtrière a commencé ; ces robots créés par l’homme se sont révoltés pour demander la suppression de ce qu’ils considéraient comme des appendices dégradants. Les humains ont gagné cet effroyable conflit puis revu la programmation de l’intelligence artificielle de ces serviteurs désormais parfaits.
Non, pas de robot du sexe, le policier préfère payer de ses deniers, parfois fort cher d’ailleurs, des véritables femmes. Au diables les tous récents modèles de confortables silicones aux insipides conversations programmées, au touché parfait, à la température idéale, à la souplesse infinie et qui permettent les positions les plus sophistiquées, les plus abracadabrantes. Lui préfère nettement ces créatures imparfaites, ces créations que certains prétendent amenées sur terre par Dieu lui-même pour que l’homme ne soit plus si seul. Labulle préfère les bordels où la femme, la vraie, reste la reine ; ces maisons que l’on a, il y a des lustres, qualifiées de closes. Labulle préfère ces lieux n’étant pas comme on le prétend des lieux de perdition mais plutôt des refuges qui reçoivent avec attention, avec chaleur humaine. Beurk à l’artificiel ! Beurk au physiquement trop parfait (à part la pointure 60 pour les ripatons)!! Beurk à la mécanisation du soulagement !!! Beurk, beurk, et encore beurk à la péripatéticienne synthétique !!!!
Cette façon de la Madame du coin d’enlever votre veston et de vous proposer un petit quelque chose en attendant que la belle élue se pomponne pour se refaire une beauté ; cette réception ne peut se faire avec des machines, aussi performantes soient-elles. Et que dire de ces douces pensionnaires ; en montant avec l’une d’elles, c’est l’émotion des premiers ébats sexuels que l’on va revivre, à moins que l’on ne se soit dépucelé avec une androïde évidement.
-Il me faut quelque chose qui vienne du cœur pour bander, ya qu’une vraie nana qui peut me procurer ça ! Je retrouve Maman en me blottissant auprès d’un vrai corps féminin. Je retrouve ma grande sœur Alice si belle et qui savait si bien trouver les mots pour me consoler. Je retrouve la belle infirmière du lycée qui, en se penchant pour me panser une écorchure au genou, montrait ses petits seins que rien ne soutenait. Je retrouve les premières caresses échangées avec la fille de notre voisine. Pour moi, une prostituée c‘est tout ça…et une femme qui se donne à un si beau métier, doit être respectée. Que l’on puisse la pendre d’une aussi horrible façon mérite le pire des châtiments, directos à la cuve au vitriol. Je…
Un coup assené violemment derrière le crâne, interrompt le monologue solitaire en envoyant le policier au pays des songes.
En ce dimanche midi, « le tonneau » s’adonne entièrement à sa boisson préférée des fins de semaines, le blanc cassé double ration de moutarde forte. Son téléphone personnel de service est pourtant déconnecté mais une fois encore, il sonne. Et comme Léon ne semble pas vouloir répondre, le timbre se fait de plus en plus fort jusqu’à devenir strident et gêner les amis voisins accoudés eux aussi au comptoir du bar tabac Le Domino. L’un des rares établissements ne distribuant pas trop d’alcool frelaté comme la plus part de ses concurrents du quartier.
-Allez la flicaille, le devoir t’appelle, ton foutu téléphone ne te laissera donc jamais tranquille ? Nous avions prévu une petite partie cet après-midi, alors quoi?
-On verra la semaine prochaine, avec un peu de chance, j’aurai droit à un véritable repos. Au revoir à tous !
L’appareil connecté, Dubouillon se fait reconnaître
-Ici CPC 117 007[1]
-Vous en avez mis du temps pour répondre.
-Vous n’avez pas le droit de m’appeler hors des heures et jours de travail quand je ne suis pas de permanence. Si vous avez trouvez un nouveau cadavre, c’est la commissaire Lapointe qui doit s’en occuper.
- Taisez-vous ! Votre affaire prend une tournure toute spéciale, Monsieur le Ministre de l’Extérieur et des Éviers Bouchés en personne veut se tenir au courant de toute nouveauté. Un ordre nous est donné également de laisser le restaurant rouvrir ses portes afin que la cuisine soit restituée à sa fonction de préparation du fameux couscous, celui qui régalera les palais de bien des gens du gratin mondial….beaucoup plus important qu’un simple enquête de police, criminelle ou pas.
-Mais nous n’avons rien a offrir au ministre pour le moment, sauf votre respect nous pédalons dans la semoule, de coucous en l’occurrence !
-La CIA vient d’intervenir, elle a communiqué à nos services secrets qu’elle désirerait interroger une certaine Rose Violette Bisemusse, en Top Priorité mais qu’elle a été incapables de la localiser.
- Donnez-leur l’adresse de L’Institut médico-légal,…Ils arriveront peut-être à faire parler cette ex bonne femme dans sa boîte froide.
-Commissaire, vos plaisanteries sont hors de propos. S’ils ne connaissent pas cette Rose Violette, on va leur expédier une agente sous ce nom. Je suggère la grande sœur de votre adjoint ; Alice est belle, intelligente et elle nous a déjà rendu quelques services avec brio, de plus elle n’est pas fonctionnaire appointée ni a de passé judiciaire. Qu’en pensez-vous ? Au fait, malgré nos efforts, nous ne pouvons joindre l’inspecteur Labulle, sa puce de repérage par satellite ne fonctionne plus. Ces idiots du SSP sont vraiment des incapables, tout le monde triche, tout le monde traficote les puces et ils continuent comme si de rien n’était. Vous avez beaucoup d’influence sur lui, passez-lui la pommade dés que vous l’avez localisé pour qu’il parle à sa sœur.
J’attends des résultats !
-Bin voyons. Ha le salopiot, il a raccroché ; sans la puce, il faut revenir aux bons vieux systèmes d’autrefois et ça prend du temps !
Environs trois heures plus tard le commissaire rappelle son principal.
- Transmettez au ministre que l’inspecteur Labulle est introuvable, mes informateurs ne savent rien, le bordel de Madame la Baronne De La Trousse où il a ses aises ne l’a pas vu cette nuit passée et sa sœur également commence à s’inquiéter, ils devaient manger ensembles, et il n’est pas venu.
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En Lamazonie du centre-ouest, un élevage clandestin de vers de terre tigrés travaille à plein rendement, une grosse commande doit être livrée bientôt de l’autre côté de la planète. L’intermédiaire de la transaction, un certain Lafutte de Tamanrasset a déjà versé une somme substantielle pour les arrhes. Curiosité moléculaire, le violent poison de cet animal vaillant remueur de sous-sol, ne peut être transporté sur de longues distances sans perdre toute sa maléfique efficacité, il faut donc directement expédier vivant le redoutable lombric. L’éleveur n’a strictement rien à faire quant à l’utilisation du mortel produit élaboré bien loin de chez lui.
Ce vieux Chinois originaire du Nouveau Pékin, Monsieur Ho Lalha Ho, sait aussi qu’en cas de problème avec Lafutte, il contactera une certaine Rose Violette Bisemusse à Tataouine les Bains et tout se réglera comme par miracle. Toujours il gardera son fric et verra bien venir. Des trafiquants de tous poils et de toutes envergures, Monsieur Ho Lalha Ho en a vu d’autres. On peut le jeter dans sa réserve de vers de terre tigrés, il ne craint rien ayant réussi à s’immuniser contre leurs morsures. En plus de cet élevage si particulier, l’astucieux Chinois développe actuellement une nouvelle activité très juteuse : le trafic de baleinains. Avec la complicité de peu scrupuleux savants généticiens, les variétés les plus rares vont bientôt rapporter des sommes encore plus considérables.
Le mini cétacé le plus recherché sur le marché officiel où les prix sont déjà exorbitants, taxe à l’exportation, taxe à l’importation, taxe au produit dit de luxe, taxe à la valeur ajoutée, surajoutée, taxe au gaz carbonique produit par l’animal en question, taxe au méthane produit par ses pets contribuant au refroidissement climagéologique, taxe diverses et complémentaires, le mini donc, se vend au marché parallèle environ un quart de fortune et demie de caramel mou. Cher, vous l’admettez, mais les délais d’obtention du caprice sont réduits au minimum par la voie du trafic illégal, donc le business est florissant….
La richesse accumulée du vieil asiatique lui a permis d’acheter n’importe quel fonctionnaire et pourquoi pas chef d’état (ils sont tous à vendre, le prix variant seulement en fonction de leur hauteur dans la hiérarchie). Sa dernière acquisition en date est le sous-secrétaire d’un ministère des procès-verbaux pour stationnements interdits d’un important pays. Monsieur Ho ne pense pas qu’à lui, son fils lui succédera un jour à la tête de la planète toute entière.
Pour le préparer à cette tâche, les meilleures Universités l’ont déjà accueilli. Entre autres, celle du désert du Kalahari où il a étudié avec grand succès le Machiavélisme Extrême pendant deux années.
Le jeune Lalha Ho Lalha vit non loin de son père, dans son propre palais, entouré uniquement d’androïdes à son service, toutes de sexes féminins et dont la plus grande part se dédie exclusivement à un soulagement glandulaire de très haute définition. Il n’est pas question qu’un minime divertissement puisse se produire avec une véritable femme, cette créature par trop imparfaite qui, on ne sait par quel vice, ruinerait tant d’efforts de préparation à l’accession au trône suprême.
Lorsque le tam-tam prévient que la Bisemusse puis Lafutte viennent tous deux de souffrir d’un léger contretemps qui pourrait s éterniser, le vieux évalue les dégâts éventuels pour le futur de son entreprise. Si, fidèle aux consignes, l’homme de Tamanrasset n’a rien noté de leur relation très particulière, il ne devrait pas y avoir de soucis de ce côté. Quant à Pétunia Fistofèlaisse, allias Madame Bisemusse, il est sûr et certain que la police ne découvrira rien. Cette formidable recrue, tirée d’un bordel de Thulé a toujours réalisé un travail exceptionnel, et ce, dans une clandestinité presque impossible pendant plus de six ans. Cette agent sera sans nul doute difficile à remplacer. De toute façon, les vers de terre tigrés sont déjà partis pour leur dernier périple avant l’extraction du venin, opération qui leur sera hélas fatale. Le destinataire à Tataouine les Bains devrait prochainement les réceptionner, le montant du virement sur son compte des îles Crocodil-lakoste sera colossal. Hé hé, pour ajouter du beurre dans les épinards chinois, la livraison contrebandesque inclue une douzaine de baleinains, de la variété rouge à deux bosses.
Question réellement préoccupante, pourquoi ces deux qui ne se connaissaient pas, se sont faits éliminer de la même façon ? Oui, qui et pourquoi ? A quand le prochain cadavre ? Ses nombreux agents informateurs répartis sur la planète vont devoir plancher sur ce problème…et gare au quidam qui se mettra en travers du chemin ! Car le but suprême de Ho est encore tout autre chose ; insoupçonnable désir, plan machiavélique…si tout se passe correctement, les événements du début des années 2600 seront laissés bien en arrière dans le domaine de la violence…..Et si le grand patron de la CIA pense encore donner des ordres, il se trompe lourdement.
Le seul chef d’orchestre, c’est moi.
Attention vieux Monsieur Ho, tu ne connais pas un certain Dubouillon dit « Le tonneau ».
Bien loin de la Lamazonie, Labulle reprend connaissance. Petit à petit des sons lui parviennent, des bruits qu’il a du mal à identifier ; son esprit de nouveau en fonctionnement, il a la sagesse de ne point bouger pour écouter les éventuels bavardages de ses ravisseurs et bien lui en prend. Il est solidement attaché les mains derrière le dos et des lunettes, du type de celles utilisées par les nageurs, l’empêchent de voir tant les verres sont obscures. Par chance, les hommes présents dans la pièce, s’expriment dans l’une des soixante langues obligatoires dés l’école maternelle depuis l’année 3001.
-Quant même ! Se payer un flic, c’est de nos jours le crime à éviter. On peut tuer, voler, arnaquer, contrebander, les politicards s’en foutent du moment qu’ils bouffent à la gamelle… et puis le fric généré par nos mauvaises actions, personne ne crache dessus, il est sagement réinjecté dans l’économie qui en a sérieusement besoin d’ailleurs. Mais tuer un poulet, encore une fois, çà va nous coûter bonbon. Là, ils ne lâcheront pas le morceau ses petits copains à plumes.
-Ne t’inquiète pas, vilain bandit, on ne le tuera pas, on veut seulement connaître ce qu’il sait. La partition que nous jouons en ce moment ne peut laisser la place ni au doute ni au hasard. Dés que les services spéciaux intéressés auront mordu à l’hameçon, nous relâcherons cette grande perche dans la nature et le plan continuera. Allez, file-moi une bassine de flotte sur l’inspecteur sac d’os. Réveille- moi ce type ! On va lui faire respirer quelques centimètres cubes de gaz paroléparolé et il nous racontera sa vie en trois dimensions…
-Alors, mon poulet, on a bien roupillé ?
Le courageux inspecteur veut répliquer par un juron abominablement vulgaire car sa pensée est maintenant en ordre de marche et il se rend tout à fait compte de sa situation ; mais les paroles lui échappent, comme si une force mystérieuse lui demandait de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, sans pour autant dire : je le jure.
-Excellent sommeil, je ne crois pas avoir rêvé, je me sens tout chose.
-Qu’avez-vous appris sur les meurtres aux bocaux à poisson ?
-Strictement rrrien, c’est la première fois que nous avançons si lentement dans une affaire…
Et Valentin Ulysse ne manque pas un détail dans son récit, le vrai nom du premier cadavre qui a été caché aux organes de communication, la demande de la CIA qui elle aussi bien sûr est restée secrète et les interventions au niveau de différents ministères pour résoudre au plus vite cette intrigue.
Soulagement chez messieurs les bandits, il ne leur reste plus qu’à fignoler les derniers détails du plus audacieux kidnapping de l’histoire de l’humanité. Le grand boss, qu’ils ne connaissent d’ailleurs pas, sera content d’eux et les couvrira de caramel mou, la nouvelle monnaie internationale adoptée par tous les pays de la planète depuis plus d’une dizaine d’années. Pauvres incrédules, si vous deviniez ce qu’un vieux chinois a prévu pour vous, des sueurs froides parcourraient vos épidermes d’hommes sans scrupule.
Chapitre 2 Le Chameau à une bosse.
« Le tonneau » se démène pour retrouver son adjoint. L’un de ses informateurs, à force de fureter, vient de relever une piste intéressante. Non loin du boxon de la Marquise de la Trousse, un de ses amis a vu deux individus chargeant un grand gaillard dans la malle arrière d’un chameau à une bosse stationné en double file. L’ami en question pensait qu’il s’agissait tout simplement de l’habituel ramassage des ivrognes, de ceux que les androïdes proposés à la fourrière embarquent par dizaines toutes les nuits depuis que l’alcool ne peut plus se vendre entre le lever et le coucher du soleil. Un détail a attiré son attention cependant, les soi-disant préposés n’avaient pas des pieds très longs. Pas de chance le numéro de la plaque d’immatriculation n’a pas été relevé.
Le Service de Surveillance de la Population devrait en quelques secondes identifier le chameau à une bosse et donner le nom du propriétaire mais encore une fois c’est le chou blanc, les ravisseurs ont probablement maquillé un simple dromadaire et le tour a été joué. Un cri d’allégresse soulage Léon de son mauvais sang.
-Il est vivant patron, il vient d’être retrouvé à moitié endormi, juste devant l’allée 35 de la Tour de Babel
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-Alors, vous ne vous souvenez de rien ? Aucune idée des gars qui vous ont séquestré ? Ni du pourquoi ont-ils mené cette inimaginable action ?
-Là chef, j’suis pas d’accord, je me rappelle parfaitement de quelques paroles écoutées avant que de plonger dans un rêve curieux où je flottais, allègre sur un petit nuage rose, je soulageais ma conscience avec délectation. Moi qui pense n’avoir pas grand-chose à me reprocher, cela me faisait pourtant beaucoup de bien.
-Ils ont du vous faire inhaler du gaz paroléparolé.
-Les pauvres n’ont pas du apprendre grand-chose.
-Mais qu’avez-vous donc entendu avant ?
-La bande prépare une colossale intoxication, mais pas du style alimentaire ; il a été question faire mordre un service spécial à un hameçon. Je sais qu’on n’est pas très avancé avec ça. Mais je commence à avoir ma petite idée. Ne sait-on pas que d’importants chefs d’états devraient se réunir prochainement autour d’un bon couscous dans le restaurant du même nom ? Et si l’on voulait les supprimer ? Nos services peuvent passer les lieux au peigne fin, détecter les bombes éventuelles, les micros et tous les bidules électroniques sophistiqués ; mais faire analyser du bouillon, non pardon pas vous chef, celui du couscous, de l’harissa et tous les ingrédients, cela ne sera guère facile si le venin est devenu indétectable.
-Vous avez raison Labulle, mais les meurtres politiques ne sont pas de notre ressort. Et puis souvent ces gens là n’ont que ce qu’ils méritent.
-Attention chef, on va vous qualifier d’anarchiste.
-Je dois déjà l’être. Un anar, OK, mais pragmatique et de bon sens. Si je suis policier à la crim, c’est pour protéger les petites gens contre les aberrations engendrées par notre société, non pour protéger cette dernière.
-La dessus nous nous ressemblons chef. C’est pour ça que la politique m’emmerde aussi. Depuis toujours les hommes sont manipulés par certaines grosses têtes mystérieuses, inconnues et inaccessibles. Les rares de tout en haut nous gavent de mensonges. Plus ils sont gros, plus facilement nous les gobons, ils forment la clé de notre abrutissement, c’est pourquoi quelque chose, en mon moi le plus profond, refuse toute information.
La presse qui prétend se dire libre, elle aussi est manipulée et pousse à l’arnaque. Il ne faut pas que l’homme se rappelle qu’il a été créé à l’image de Dieu ; qu’il en a donc toutes les possibilités.
-Je ne crois pas en Dieu.
-Moi non plus, je sais que NOUS somme Dieu et que précisément les grands manitous font tout, depuis toujours, pour nous le faire oublier. Est-ce-que vous savez que depuis le début des années 2000 nous sommes gazés pour modifier notre comportement, pour que nous soyons davantage des moutons bêêlants ?
- Que dîtes-vous là ?
-Et oui, les premières expériences à grandes échelles, après des modestes essais dans certaines bases de l’armée américaine, ont affecté des centaines de millions d’individus. Des avions larguaient, à très haute altitudes, bien au-dessus de celles utilisées par les vols civils ou militaires, des gaz à effets comportementaux. On voyait dans le ciel des traînées bien parallèles qui duraient plus longtemps que celle laissées par les avions de l’époque. Officiellement il s’agissait de larguer des micros particules d’aluminium pour atténuer le réchauffement climatique ; en se reflétant, les rayons du soleil atteignaient moins notre planète moribonde. En réalité ces traînées très caractéristiques étaient aussi destinées à embrumer nos cerveaux. De plus les hobbies pharmaceutiques ont également profité de ces massifs et indétectables épandages pour nous inoculer des produits allergènes, des nouveaux microbes ou virus… enfin un charmant cocktail pour vendre à prix d’or des médicaments et des vaccins par la suite. En ce temps là, le caramel mou n’était pas encore apprécié à sa juste valeur.
C’est dommage qu’Internet n’existe plus, c’était trop beau pour s’informer intelligemment. Il suffisait de taper CHEMTRAILS sur monsieur Google et la vérité apparaissait. *(vous êtes vivement invités à le faire)
-Comment diantre savez- vous tout ça Labulle ?
-Je peux vous parler car nous sommes ici, dans cette pièce sécurisée d’où aucune modulation ne peut sortir et où nos puces deviennent inefficaces. Et bien figurez-vous que dans la bibliothèque du bordel de la Baronne de la Trousse, de très vieux documents de l’époque 2000-2100 ont échappés à la razzia de l’inquisition qui a recommencé, comme chacun sait en 2431. Hé, hé, il n’y a pas que pour les charmantes pensionnaires que j’y prends souvent pénates.
-Vous avez dit de gros mensonges ? Déjà à l’époque ils existaient ?
-Vous connaissez le 11 septembre ?
-Pas du tout, qu’est ce que c’est ?
-La plus grande arnaque de l’humanité provoquée par la plus grande marionnette de tous les temps, un gugusse alcoolisé et abrutit de religion, appelé Georges Bush fils. Il a fait lui-même attaquer la ville de New York, détruisant deux gratte-ciel. Le tout pour apeurer toute la population du pays en la rendant dépendante d’une protection maximum et aussi pour provoquer une guerre contre une puissance détenant presque la moitié des réserves de pétrole. Il y a belle lurette que ce piètre moyen énergétique n’est plus utilisé, mais en 2000, il était indispensable.
Par la suite le monde entier a fantasmé et adopté des mesures draconiennes soi-disant antiterroristes, par exemples les pièces d’identité sécurisées et téléphones mobiles localisables en permanence, des gardes à vue prolongées jusqu’à perpette, des fouilles dans les moyens de transport, de la vidéo surveillance jusque dans les toilette publiques, bref le début du bonheur…Dans le même temps, un flot d’information tellement impétueux s’est abattu sur les hommes qu’ils ne savaient plus qui disait quoi, et bien sûr qui disait la vérité. Plus tard, après la guerre de 2019, c’est la puce injectée qui a remplacé tout ça. Vous voyez, cela n’empêche pas les malfrats de continuer leurs forfaits, la preuve on n’a toujours pas repéré où j’ai été séquestré.
-Tout cela paraît incroyable.
-Mais non chef, pour déclencher la deuxième guerre mondiale, celle dont on nous rabâche encore les oreilles, le fameux Hitler a bien attaqué un de ses propres postes de frontière et fait porter le chapeau à ceux qu’il voulait envahir. Dans ce conflit dont nous connaissons tous les détails, les Américains, au courant de l’attaque japonaise sur Pearl Harbour, n’ont pas prévenu leurs troupes qui auraient pu se défendre. Des exemples comme celui-ci, les pourritures qui nous gouvernent en ont écrit tellement qu’on ne peut pratiquement pas les compter. Mais…chef, vous ne m’écoutez plus ?
Seul un léger ronflement du commissaire répond désormais ; Léon, exténué, s’est endormi.
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C’est un véritable chameau taxi long courrier à une bosse qui emporte une fois de plus la belle Alice Labulle vers une nouvelle aventure, le passeport tataouïnien est à son vrai nom et la profession indiquée, ingénieur de recherche scientifique, elle aussi n’est pas fausse. Seul le motif de son déplacement ne constitue en fait qu’une intéressante couverture : mesurer les effets désastreux provoqués par le chronique déficit du budget sur la couche d’ozone groenlandaise, au niveau de Thulé particulièrement. Des savant cosinus attendent avec impatience les résultats de cette investigation vitale pour l’humanité.
Alice aime les hauts talons souvent aiguilles qui la rendent encore plus grande, encore plus fine, encore plus belle. La pointure 39 de ses chaussures prouve sa qualité de femme à part entière et, nulle part son passage ne laisse les hommes sans réaction. Rares sont ceux qui peuvent se retenir de détourner leur regard, cela la gêne parfois alors que dans certaines occasions bien particulières la scientifique voudrait restée moins voyante.
C’est en tout cas d’un pas ferme et bien décidé, la tête haute, sans essayer de se dissimuler, que la tataouïnienne marche vers le bordel unique et préféré des consommateurs masculins de la ville de Thulé, le fameux et internationalement connu Eskimogervè. Après tout, les femmes ayant des goûts non conventionnels peuvent aussi avoir recours à des professionnelles du soulagement glandulaire. Ce n’est pas le cas d’Alice, grande dévoreuse d’homme, mais il lui faudra le faire croire. Elle est contente, son esprit aventureux de nouveau mis à l’épreuve lui apportera les sensations fortes qu’elle adore, les émotions qu’il lui faudra contrôler et, pourquoi pas les bonnes bagarres où elle excelle. Celui qui tablerait sur l’apparente fragilité émanant d’une faible femme, tomberait sur un os difficile à avaler car mademoiselle est ceinture bariolée de fullkarajukido kontakt. Largement de quoi voir la vie avec la peur comme dernier des soucis.
Un haut fonctionnaire de la DGSE a suggéré d’expédier auprès de la CIA cette belle sulfureuse sous l’identité de madame Bisemusse, en l’ayant au préalable immunisée contre le gaz paroléparolé mais finalement il a été communiqué aux services américains le tragique décès de cette dernière, sans révélé sa véritable identité. La mission d’Alice est de savoir qui était une certaine Pétunia Fistofèlaisse.
La Madame n’est pas étonnée d’une visite féminine et appelle sa meilleure recrue pour ce genre de prestation. Alice ne se sent vraiment pas très à l’aise et l’endroit ne lui plaît guère. Un manque de chaleur humaine, des sourires forcés dans un cadre trop moderne, presque froid, un tel lieu ne colle pas avec la description faite par Valentin Ulysse qui lui a vanté les mérites d’un bon bordel digne de ce nom. Mais après tout, la plus part des clients du coin sont des militaires souvent déguisés en soldats, beaucoup d’entre eux sont américains et, vue la qualité de ce qu’ils mangent et les infâmes boissons qu’ils ingurgitent, leur goût pour la baise doit être à la même hauteur.
Il y a des cas où le chemin le plus court est parfois le moins long, Alice tremble de devoir s’éterniser dans ce sinistre lupanar ; avant donc de rencontrer celle avec qui elle devra partager des moments de soi-disant bonheur intense, c’est à la tenancière qu’elle s’adresse.
- Excusez-moi, mais j’ai connue une femme qui, à ses dires, aurait travaillé quelques temps dans vos murs.
-Ah oui, et comment s’appelle cette ancienne de mes charmantes pensionnaires ?
-Pétunia, Pétunia Fistofèlaisse.
-Ho mon Dieu ! Voila six ans qu’elle ne nous a pas donné le moindre signe de vie, pas un coup de tam-tam, pas une petite carte postale, elle nous avait pourtant promis de nous tenir au courant de sa nouvelle vie. Comment va-t-elle ? Est-elle toujours en Lamazonie avec ce Chinois déjà un peu âgé dont elle était follement amoureuse ? Racontez-moi.
-Je l’ai connu pour ma part à Tataouine les Bains mais elle se préparait pour un nouveau voyage, sans préciser dans quelle direction.
-A Tataouine ? Seule ? Mais que fait Pétunia là-bas, c’est fort loin de la Lamazonie si je ne me trompe ?
-Seule je ne sais pas, car vous la connaissez, elle est discrète et pudique ; en tout cas pas de Chinois parmi son entourage, je m’en serais aperçue. Elle se dédie aujourd’hui à l’importation des poissons rouges.
-Mon Dieu, quel gâchis, un pareil tempérament de feu qui laissait nos habitués sur les rotules ! Vous allez la revoir bientôt ?
-Si elle n’est pas partie avant mon retour au pays.
Presque une demi-heure supplémentaire de conversation prouve que la Madame ne sait absolument rien sur la fausse identité de son ex travailleuse du sexe, ni de ses dernières activités, ni de son passage à trépas. Un dernier ballon sonde est lâché.
-Vous m’avez parlé d’un Chinois, vous vous rappelez de son nom ?
-Bien sûr, monsieur Ho Lalha Ho était très connu par ici, toujours fourré à la base militaire, toujours avec ces barbouzes de la CIA pas incognito du tout vous savez, et… toujours armé le Ho. On voyait bien la bosse de son bazooka encastré sous son aisselle.
En ce lieu de perdition, les puces de surveillances injectées ici aussi par le Service Spécial de Surveillance de la Population Groenlandaise, ces minis émetteurs donc, fonctionnent parfaitement. Des grandes oreilles indiscrètes qui se programment avec certains mots clés prédéterminés, relayent la conversation vers la base puis vers le Pentagone. Un curieux bâtiment d’où des fous furieux tentent encore et toujours de mettre leur grain de sel dans les affaires de tous sur la planète. Il est loin le temps du monopole, de la suprématie, de la prépotence, de l’ingérence permanente. Les DSA, Desunited Stades of America sont devenus la deux cent quatre vingt troisième puissance mondiale, mais il faut qu’ils persistent à emm…tout le monde.
Enfin une piste, enfin un nom, seulement pour l’apprendre, le déplacement devenait rentable. Alice tente un coup de bluff qui va lui aussi payer.
-Ce vieux monsieur ne travaillait-il pas également dans la vente de poisson exotique ? Plus particulièrement dans les baleinains?
-Disons qu’à l’époque cela n’était qu’un hobby pour lui, mais cet homme a disparu avec Pétunia depuis six ans, et ce qu’il a pu faire depuis…aucune idée ! Dites, si nous parlions d’autre chose, certains délices vous attendent, la suite indigo est à votre disposition. Je vous la laisse à un tarif préférentiel, celui d’une amie.
-Merci, Madame.
Alice se demande par quel miracle elle pourrait éviter la corvée qui l’attend et celui -ci arrive. A peine la porte franchie, elle n’a que le temps d’apercevoir une femme à peine vêtue, entravée et bâillonnée sur un lit imposant, deux hommes l’attaquent simultanément. Mais, peut-on saisir la foudre ?
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A Tataouine les Bains, l’hétéroclite paire de policiers de la criminelle a vérifié les emplois du temps de tous les employés, des fournisseurs et des clients habitués du Bon Couscous sans trop de résultat. Leurs respectifs alibis tiennent la route et les puces prouvent que personne ne pouvait se trouver près des lieux des assassinats, sauf un sous-secrétaire du ministère des contraventions pour stationnement interdit. Il est indéniable que celui-ci était très près du domicile de feu madame Fistofèlaisse alias Bisemusse et ce, vers les trois heures du matin, l’heure du crime. Vu l’importante fonction de l’homme en question, le commissaire Dubouillon a penché dans un premier temps pour une coïncidence, mais son métier n’apprécie pas ce genre de hasard. Comme à l’habitude, quand son nez le démange et qu’il lui faut sortir son mouchoir à carreaux, c’est qu’il y a anguille sous roche. Une longue série d’éternuements confirme l’idée : les nombreux Atchiiiii ont parfois précédé la découverte de la vérité.
Ahhhh, Tataouine les Bains ! Phare du monde ! Ville lumière tout comme le fameux Paris d’autrefois dont il ne reste que des souvenir en disque mémoire dans les bibliothèques du monde. Depuis que la planète ronde (bel euphémisme) a pivoté, la géographie d’antan s’est vue chamboulée du tout au tout. Au début des années 2900, la Terre a pris une nouvelle inclination de son axe de rotation par rapport au carré de l’hypoténuse ; les eaux ont tellement monté que l’on visite désormais New York en bathyscaphe, que le Groenland importe ses glaçons du nord du Sahara et que Tamanrasset dans son sud a avantageusement remplacé Venise. Les plus fameuses écoles d’escalades se sont installées en une Antarctique aujourd’hui sous le tropique du bélier ascendance scoubidou-scorpion et les plaines céréalières du Massachussetts se trouvent désormais au beau milieu du Pacifique sud, jouxtant ainsi la Beauce et la Brie pour favoriser les récoltes.
Bien évidement, les exodes massifs des hommes survivants aux catastrophes climato-politico-économico-logiques engendrées par le Grand Basculement, ont remodelé l’implantation des populations de la Terre. Désormais les Mongoles peuples la Papouasie Bifocale dont les habitants ont du se réfugier près de Vladivostok ; les indigènes de l’ex côte est sud américaine sont remontés sur leurs balsas pour filer sur Madagascar et cetera, et cetera. Ces terribles événements prennent dans les nouveaux livres d’histoire le nom de Grand Chambardement.
Et c’est ainsi, car tout s’explique, que Tataouine les Bains est devenue LA ville miracle ; le centre culturel où le Louvre lui-même s’est réimplanté, juste à coté du British Muséum, derrière l’annexe du bordel de Madame la Marquise de la Trousse, celle des androïdes remboursés par les Services Sociaux de Soulagement. Pour mieux vous situer, vous virez dans les escaliers à gauche au fond de la Grande Rue.
Ahhhh, Tataouine et ton climat idéal où il fait si bon vivre et où théoriquement la sécurité règne en permanence…Mais, les puces se trafiquent, les savants toujours payés par les états et également par de puissants lobbys maintiennent la désinformation et font profiter la pègre de leurs ultimes découvertes. Alors comme autrefois, la criminalité monte en flèche sauf celle qui a trait à la sexualité.
La Ahhhh Tataouine n’a pas duré bien longtemps, elle est devenue l’équivalente des villes d’avant le Grand Chambardement et Léon aura toujours du pain sur la planche. Après la fouille systématique de tous les chameaux à une bosse de la région, celui qui a servi à transporter l’inspecteur Labulle est enfin retrouvé. Tiens tiens !! Il aurait été loué par un certain Mahatma Gharbi et déclaré volé. Sa plaque d’immatriculation changée correspond à celle d’un chameau DCD, mis à la casse puis recyclé en nourriture pour poissons exotiques. Encore !!!!!Les pièces du puzzle s’encastrent petit à petit mais son motif reste flou.
Le commissaire décide de faire filer discrètement le veilleur de nuit portier voiturier du fameux restaurant Bon Couscous et aussi Monsieur le sous-secrétaire du patati patata ; pour ce faire, il mobilise deux péniches aériennes policières camouflées en sous-marins. Ses mulets embarqués ont pour consigne de tout enregistrer sans jamais intervenir, par mesure de sécurité chacun d’entre eux sera muni d’un couteau très tranchant en cas de morsure par le ver de terre tigré. Si la CIA est de près ou de loin mêlée à l’affaire, il faut garder un maximum de cartes en main avant d’abattre son jeu. Décidément, cela ne sent vraiment pas bon du tout.
Les hommes qui ont enlevé l’inspecteur Labulle, bien que professionnels avertis du crime organisé, n’en sont pas pour autant des robots androïdes infaillibles. Mimi Maboule, sympathique diminutif de Michel Taboul, a déjà payé quelques négligences par des incarcérations répétitives qui ne l’ont guère changé. Il faut préciser que les organisations de protection des Droits de l’Homme, par leurs actions parfois musclées, ont forcé les gouvernements à instaurer des conditions de vie épouvantables dans toutes les prisons. Désormais chaque détenu possède une suite individuelle avec vue sur la mer et la montagne. Il reçoit la visite quotidienne d’une péripatéticienne synthétique du sexe de son choix et celle d’un homme ou d’une femme en chair et en os chaque semaine, toujours selon ses goûts. Soins de manucure, massages relaxant aux huiles essentielles et bien sûr évidemment, un sac de cinq kilos de caramel mou par trimestre. Soient des prestations à peine inférieures à celles d’un sous-secrétaire de n’importe quel ministère.
Il est difficile dans de telles conditions de ne pas éviter une réincarcération. Mais par contre, la peine de mort a été désabolie depuis l’an 2950, elle n’est appliquée fort heureusement qu’aux très grands criminels.
Ceux qui ont omis, volontairement ou non, de payer les contredanses pour stationnement interdit.
Ceux qui osent avouer, ouvertement ou sous cape, qu’ils ne croient pas aux promesses des politiciens.
Ceux qui contestent les bienfaits de la première et de la deuxième inquisition.
Ceux qui boivent de l’alcool entre le lever et le coucher du soleil ainsi que ceux qui ont procuré cette drogue abominable pendant ces mêmes horaires.
Ceux qui complotent avec des androïdes pour leurs favoriser le pouvoir ainsi que ceux qui aident à ces complots ou simplement ne les dénoncent pas.
Une peine de mort enfin unifiée dans les six cent soixante douze états et demie qui divisent politiquement la planète Terre. Fini les horreurs de la chaise électrique, les pendaisons, les raccourcissements du docteur Guillotin, les fusillades où il fallait se lever bon matin, les injections de produits chimiques polluants pour les cimetières par la suite, les chambres à gaz follement douloureuses pour les « patients » et bien d’autres fatales solutions trop longuement appliquées. La peine capitale unanimement choisie est aujourd’hui la trempette dans une cuve d’eau régal, un intéressant mélange d’acide sulfurique et d’acide chlorhydrique auquel on ajoute un peu de jus de citron et une pincée de sel. Mixture très indigeste qui est capable de dissoudre absolument tout, y compris l’or, ce vil métal qui a si longtemps rendu fou l’humanité entière. Il est à noter, entre parenthèses, que certains très très haut-placés ayant vilainement pêché par cupidité, seraient en douce noyés dans le caramel mou ; c’est en tout cas ce que bien des mauvaises langues prétendent qu’il faudrait faire. Mesure probablement impossible à prendre car il ne subsisterait personne depuis belle lurette en temps que politiciens.
Mimi Maboule ainsi que quelques uns de sa bande sont dans le collimateur de la douane depuis plusieurs mois déjà. Ils sont tous suspectés de trafic illégal de boules de billard carrées et dernièrement de foie gras de Kangourou dont le prix ne cesse de grimper. Aucun soupçon concernant la contrebande des vers de terre tigrés. C’est pourtant grâce à ces lombrics que le voyou veut régler un compte strictement personnel. En pariant aux courses clandestines d’hippopotames verts à pois rouges, Mimi a accepté un toquard à trente contre un. Cinquante tablettes de caramel…et l’affreux coursier en question à remporté la course.
Faites le calcul. Relation de travail ou pas, il n’est pas question de payer son dut au portier voiturier du fameux Bon Couscous, ce soir les deux hommes ont pris rendez-vous pour soi-disant discuter des modalités, des échelonnements possibles pour une si grosse somme. Le fait qu’il ait loué pour la bande un chameau à une bosse ne plaidera pas en la faveur du Mahatma, d’ailleurs il a été grassement payé pour ça. Dans une poche de Mimi un magnifique spécimen de ver de terre attend impatiemment qu’on ouvre la boite de plastique dont l’odeur l’incommode ; sa belle robe jaune orangé est curieusement striée de bandes noires.
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On ne peut pas saisir la foudre, elle s’abat sur les deux malabars attaquant la belle Alice. Avec elle, la force se retourne contre l’agresseur et les coups en retour sont précis. Un atémi à la base du nez pour l’un, suivi au quart de seconde d’un coup de coude d’une grande violence au plexus pour l’autre, expédient illico presto les assaillants au tapis. Loin de la mère patrie, avec un sol de suite de bordel souillé de deux hommes de main, la situation de l’espionne tataouïnienne devient délicate. Sur le lit, la femme des délices semble n’avoir rien vu rien entendu. Probablement droguée, elle ne pourra plus tard témoigner de quoi que ce soit. Les deux imbéciles, certains de leurs réussite, portent sur eux leurs identités et leurs armes de service, le lance flammes roquettes typique des agents de la CIA.
Avant toute autre chose, il convient de rendre compte de l’avancement de la mission. Alice déploie l’antenne de son tamtam portable et raconte ce qu’elle vient d’apprendre à un lointain magnétophone. En cas de coup dur, tout ne sera pas perdu. Puis, brave parmi les braves, sans se dégonfler, elle décide se jeter dans la gueule du loup. Alice redescend voir la Madame.
-Déjà satisfaite ? Mais c’est impossible, que c’est-il passé ? Ma charmante pensionnaire ne vous plaît donc pas ? Je peux vous la changer.
-Pas du tout mais le ménage est négligé dans la suite, je vous suggère d’y remédier au plus vite. En attendant appelez-moi un taxi, je dois me rendre à la base militaire.
-J’ai mon skycocoptère personnel et je vais vous accompagner. Je donne des ordres pour nettoyer en haut et nous partons.
-Et bien d’accord.
Dire qu’Alice ne fait pas une fumante impression aux sentinelles en faction devant l’entrée de la base, serait nier l’existence de la bêtise humaine. Quand en plus la toute belle demande à parler aux Big Boss ou au responsable local des services spéciaux et tant qu’à faire de la CIA, le pauvre sergent en perd le latin qu’il n’a jamais appris. C’est le lieutenant de service qui introduit une scientifique outragée par l’attaque de deux clampions incapables. Il faut ici aussi qu’elle frappe la première d’un grand coup de bluff.
-La prochaine fois vous m’envoyez des gugusses qui savent se battre. J’ai failli rire avec eux.
-Mais Madame…
-Mademoiselle, qui de nos jours est assez stupide pour se marier ?
-Madem….
-Taisez-vous et communiquez donc au Pentagone que le plan ourdit pour assassiner plusieurs chefs d’état à Tataouine ne pourra se dérouler correctement. Nous avons tous les éléments pour faire capoter vos combines. Le nom de Ho Lalha Ho vient d’être confirmé à mes supérieurs car nous le connaissions déjà. Nous savons aussi que vous vous servez de son réseau de trafiquants de baleinains pour un empoisonnement au venin de vers de terre. Continuez donc vos méfais et, dés demain, la presse du monde entier recevra les preuves de ce que j’avance. D’ailleurs, ci cela se trouve, votre président lui-même n’est pas au courant, gare à vos fesses quand il apprendra que vous lui avez collé un enfant dans le dos.
N’essayez pas de me faire inhaler du gaz paroléparolé, je suis entraînée depuis fort longtemps à lui résister. A part çà Monsieur vous aurez la gentillesse de me laisser continuer mon travail officiel, le sort de notre planète en dépend partiellement. Mon vol de retour, chameau taxi long courrier, est programmé pour mercredi prochain et il me reste beaucoup de mesures à effectuer.
Le colonel reste debout, tétanisé, les yeux fixés sur un magnifique popotin qui s’éloigne maintenant avec un roulis qui ravirait les gars de la Marine. A peine la belle disparue, il crache son cigarillo et l’aplatit d’une semelle rageuse jusqu’à le réduire en poussière.
-Ah, les cons !! Il va m’entendre le Chinois, comment peut-il travailler avec des marioles de cet acabit ? Une opération planifiée depuis plusieurs mois qui foire par sa faute ; et bien sûr, c’est bibi qui va trinquer.
Plantoooooon…passez moi Washington, le Pentagone, surtout pas le Président!
En Lamazonie, Monsieur Ho L. H.se serait frotté les mains à l’écoute de cette anecdote groenlandaise, son plan parfait continu comme sur des roulettes bien huilées ; il sera bientôt le maître du monde. C’est son fils qui va partir immédiatement sur Tataouine pour diriger les derniers détails de la trame machiavélique.
Chapitre 3 De la fumée pour un tonneau
Dubouillon bout, du verbe bouillir, et quand Dubouillon bout, il n’éternue plus, il ne pense pas à son tarin qui le démange, il retient ses séries d’extravagants éternuements, serre ses mains avec force et ses poings frissonnent d’impatience pour entrer en action. Le sous-marin numéro un vient de repérer un certain Mimi, multirécidiviste patenté, devant la casbah de Mahatma Gharbi
-Attendez- nous, on passe à l’attaque. Labuuuuuuuulle!!!
-Oui, chef
-Prenez votre bazooka, on file serrer ce salopard de portier voiturier veilleur de nuit qui ne va plus longtemps se foutre de notre gueule.
Au moment précis où les mulets du commissaire défoncent la porte d’entrée de la chambre de location du sieur Gharbi, un cri horrible retenti dans celle-ci. Mimi Maboule est rattrapé alors qu’il se préparait à s’échapper par l’évacuation d’eau de la baignoire. Mahatma quant à lui ne se moquera plus de personne ; il n’a pas eu le temps de se saigner, et… peut-on le faire si près de la carotide ?
-Attention,….mais attrapez-moi cette sale bestiole.
Le lombric assassin maîtrisé est remis dans son inconfortable boite de plastique, Léon Dubouillon donne l’ordre à ses hommes de ligoter Mimi sur le lit de telle forme qu’il ne puisse bouger d’un millimètre.
-Labulle vous restez avec moi, tous les autres dehors, avec des boules Quiès dans les oreilles, s’il vous plaît !
Tous en cœur : - Oui chef !!
Tu parles, les oreilles seront plutôt collées contre la porte.
-Alors, Mimi, tu as franchi le cap supérieur ? Monsieur est passé de la magouille en tout genre à l’assassinat ? Tu veux peut-être nier ?
- Vous n’y êtes pas du tout, j’ai voulu l’empêcher de se suicider au ver de terre tigré mais je suis arrivé trop tard.
Une claque à casser les défenses d’un mammouth retentit, l’inspecteur Labulle en a mal au plat de la main.
-Quand tu parles à mon chef tu dis « Monsieur le Commissaire » et tu y mets des majuscules, compris ? De toute manière tu es foutu, on trouvera tes empreintes sur la jolie petite boîte plastique que voilà. Alors, tu racontes ?
-Dette de jeu, je devais mille cinq cents tablettes à ce tricheur de Mahatma.
-FFFFF, belle somme, et comment as-tu trouvé ce sale lombric ?
-Je l’ai ramassé par hasard dans la rue.
Une deuxième baffe pouvant briser la deuxième défense du disparu pachyderme poilu…
-Ne m’oblige plus à me faire mal à la main.
-Bon, ca va, nous venons justement de faire rentrer un colis en contrebande et j’ai subtilisé ce bel exemplaire, je ne pense pas que les bestioles soient comptés.
-Et que diantre a-t-on prévu comme mission pour ces charmantes saloperies ?
-Je ne sais pas Monsieur le Commissaire.
Une troisième va s’abattre sur un visage déjà bien rouge mais Léon suspend la séance.
-Attendez Labulle, il y a parmi nous un animal d’un vingtaine de centimètres qui va nous aider à faire parler ce minus.
-Vous êtes fous, vous allez me tuer. Vous n’avez pas le droit, je veux mon avocat.
-Pas de bavard pour le moment, le seul qui va parler, c’est toi. Faites attention Labulle en ouvrant la boîte, vous lui laissez très peu d’espace et le coincez dés que la tête dépasse. Tout doux, les crocs sont prêts à se planter. C’est ca, approchez vous de la jugulaire.
-Noooooooooooon !! Je vais tout vous dire.
-Et ben voilà, on t’écoute.
Et Mimi raconte une bien belle histoire. D’ici quelque temps un sommet de plusieurs chefs d’états, le G33, va avoir lieu. Cette réunion se terminera par un dîner au fameux restaurant le Bon Couscous ; or, le célèbre professeur biologiste Smarpfz vient de faire une intéressante découverte. Si l’on pile des grains de cacahouète spéciale chapelet avec de l’harissa, le venin de vers de terre tigrés devient un poison encore plus virulent et totalement indétectable. Alors nous….
-Ca va, pas besoin d’en rajouter, mais qui est le commanditaire ?
-Sais pas.
-Rapprochez la petite boîte inspecteur.
-Noooooooooooon, des rumeurs chez nous, peut être que ce ne sont que des mauvaises langues…
-Il n’y en a pas de bonnes, continue !
-Enfin, il semblerait que la CIA mijote tout ce micmac.
-Mais c’est très bien, tu vois comme tu parles merveilleusement juste, quand tu veux !
Puis à voix basse pour les oreilles derrière la porte.
-Labulle, lâchez le lombric, cela évitera les frais d’incarcération, en ces moments de crise il convient de faire des économies.
-Noooooooooooon !!! Aaaaaaa !!!!....
Que de paperasse pour expliquer à monsieur le principal qu’un simple ver de terre s’est échappé d’une boîte mal fermée, et comment il a mordu un truand, et patati et patata. Mécontentement dans l’hémicycle policier, personne ne sait encore qui a commis deux abominables meurtres et dans quel but. Enfin voyons le positif de la situation : une catastrophe évitée pour la réputation de Tataouine va redorer le blason de la profession. Quel cauchemar si le complot avait abouti ; ha, non pas pour les chefs d’états, non ça on s’en fout complètement, mais personne ne peut imaginer la quantité de rapports en x exemplaires qu’il faudrait alors écrire dans ces cas là, de quoi saturer bon nombre d’ordinateurs. On a eu chaud !!!
Et pourtant, Léon doute. Pourquoi donc la CIA a choisi des malfrats minables pour une opération de cette envergure ? De plus, sans la participation d’un des sauciers ou autres cuisiniers ? Encore personne n’est suspecté en cuisine.
-Cette affaire est ridicule, cela ne pouvait pas aboutir…alors, quel mystère se cache derrière tout ça ? On va voir que vont découvrir les gars des services spéciaux…s’ils veulent me le communiquer !
Monsieur le sous-secrétaire du ministère des contraventions pour stationnement interdit vient d’écouter tout ce qui s’est passé chez le défunt Gharbi, il importe peu que les gars de la crim y découvrent le minuscule microémetteur soigneusement dissimulé, personne ne pourra faire la liaison avec lui. Il saisit un tamtam portable à usage unique et forme un numéro loin, très loin du côté de la Lamazonie.
Dans le nouveau Luxembourg après le Grand Chamboulement (ca tombe bien, il se situe au milieu des Iles Caïman désormais), son lac privé de caramel mou va s’enrichir de quelques mètres cube. En plus, si ces idiots commencent à s’entretuer, cela fera moins de paye à distribuer et moins de boulot de nettoyage pour la suite des opérations. Pas un instant l’homme ne suppose qu’une péniche camouflée en sous-marin est à ses basques en permanence. Un spécialiste de la lecture sur les lèvres a vu que la puce injectée sur le haut fonctionnaire est truquée, les paroles réelles des enregistrements ne correspondent pas à cette lecture si particulière. Mais Léon mène la danse et refuse l’arrestation.
-Nous savons que ce gars est malhonnête, laissons-le plus longtemps sous surveillance, il finira bien par se trahir davantage, et voir si nous pouvons coffrer son chef. Ce gars n’est qu’un simple contremaître, il n’a pas l’étoffe d’un grand kek.
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Les amis du chef Ali Bol Pokuz ont tous le bras long, le Bon Couscous n’aura finalement fermé que deux jours et les réservations non satisfaites se pressent à table. Pour se faire pardonner, c’est la maison qui offre les boissons et l’on en profite pour commander d’excellentes cuvées. Délice sans pareil, une coupe de Champ millésimé 2999 est offerte avec la myriade de fines pâtisseries formant le dessert. Parmi les attablés aujourd’hui, figure incognito un couple sympathique envoyé par le Guide Pneumatique, l’étoile suprême est en vue…
Il n’y a rien à redire, tout est absolument parfait et ayant réglé la note, l’homme demande a parler avec le fameux chef quelques instants. Le grand toqué laisse donc sa cuisine pour de courtes secondes.
-Excusez-moi chef, il me semble avoir vu que votre système anti-incendie, au dessus de la table que nous occupions, parait un peu oxydé et dévissé, de plus certains de vos extincteurs n’ont pas été vérifiés depuis trop longtemps. Je ne devrais pas vous le dire mais je représente Le Guide, et cela pourrait nuire à votre prochaine étoile.
-S’il vous plaît, pardonnez cette minime négligence je vais de ce pas…
-Tranquillisez vous, cela n’est rien, mon frère est dans la profession. Il peut très rapidement solutionner ce problème. Voulez-vous que je vous l’envoie ?
-Mais bien sûr, il sera mon invité. Dites lui de me tamtamer au plus vite.
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Alice est de retour, mission accomplie somme toute sans grande difficulté, les grands et gros Groenlandais n’ont pas voulu la retenir. Ils contacteront par la suite leur ambassade à Tataouine pour savoir tout de cette femme stupéfiante, pouvoir un jour de la retourner et en faire une recrue de choix. En sortant du bureau du commissaire Dubouillon, elle acquiert la certitude d’être suivie. Non pas une discrète filature digne d’un film policier, mais un homme s’est attaché à ses pas et ne la quitte pas d’une semelle. Apparemment sans se cacher le moins du monde. Tiens tiens, le gars est un oriental, genre Chinois, pas mal du tout, grand beau et balaise. Un fourmillement parcoure Alice qui freine l’allure.
-Ah, zut, j’ai laissé tomber un gant.
-Mademoiselle ! Oh ! Hé ! Mademoiselle. Votre gant !
Le beau Chinois vient de s’enferrer sur le plus merveilleux hameçon qu’il puisse imaginer, à moins qu’Alice ne vienne de faire la plus grosse bourde…En tous les cas les regards se rencontrent et le coup de foudre tombe comme ça, sans prévenir au préalable, sans même frapper à la porte, sans que ni l’un ni l’autre ne puissent expliquer le pourquoi du comment. Nos deux protagonistes restent face à face pendant de longues, longues secondes. Et le temps devient différant. Le moment présent est si intense qu’il efface le passé et que peu importe un futur qui n’a plus aucune importance.
-Et dire que je devais te rencontrer.
- Comment t’appelles-tu ?
-Lalha, Lalha Ho Lalha.
Une sonnette d’alarme retentit dans le cerveau embrumé d’Alice, phonétiquement cela est bien proche du nom du vieux Chinois de Thulé. Ce gars est un grand crack de la comédie pour me jouer aussi parfaitement cette scène. Mais attention mon pote, qui va m’avoir en traître n’est pas encore né. Le tutoiement spontané continu.
-Comment devais-tu me rencontrer ?
-Heu, c’est à dire que je, tu, vous, heu …ce moment magnifique, magique, incroyable est là, because il devait venir, tout simplement.
Celui qui fut major de promotion à l’université du Machiavélisme Extrême du Kalahari, devient hésitant et s’emmêle les pinceaux, ses yeux se brouillent. Jamais une androïde spécialiste du soulagement glandulaire ne lui a procuré semblable boum dans la poitrine. Et pourtant il sait qu’il lui faudra tuer cette femme merveilleuse. Pour la première fois un soupçon de doute affreux effleure son esprit : accomplir l’ordre est-il vraiment nécessaire pour le bon résultat de sa mission ? Cette interrogation trouble un nouveau Lalha qui s’empourpre ; il ne connaissait pas encore cet étrange phénomène.
Pour sa part, Alice Labulle sait qu’elle est face à un ennemi, mais le pauvre bougre est amoureux. Terrible dilemme, doit-elle l’amener à tomber dans les pattes de son frère policier ou le manœuvrer et découvrir enfin la trame de cet imbroglio ? Pas le temps de décider, le cœur parle et les bouches se joignent en un baiser passionné qui n’en fini pas. Puis, les deux ensemble :
-Et bien toi alors !
Suivis de deux éclats de rire simultanés eux aussi. Sans le savoir, les deux ennemis décident au même moment, chacun de leur côté, premièrement de laisser aller le cœur, le corps et…deuxièmement on s’arrangera bien !
-Tu habites à Tataouine ?
Tu parles l’ami, tu connais la réponse à la question.
-Oui, j’y suis d’ailleurs née. Et toi ?
-Je viens d’Amérique de l’Est, de la Lamazonie plus précisément, je suis muni d’un passeport diplomatique et vais travailler comme attaché aux affaires commerciales à l’ambassade.
-Vahou ! Un diplomate, quelle chance !
Alice n’est guère contente, le statut privilégié dont bénéficie ce charmant monsieur va le rendre plus difficile, plus coriace à se découvrir.
C’est exactement ce que pense le général Bidochard, chef du redouté SCEPM (Service de Contre Espionnage et de la Pêche à la Morue). Une partie de ses hommes, dirigée par le commandant Yks, tissent autour du Lamazonien une toile dans laquelle il devra s’empêtrer. Que diable va faire la délicieuse Alice qui a plusieurs fois rejeté sa proposition de travailler dans son service ? Dubouillon et son escogriffe d’adjoint, le double mètre Labulle, magouillent encore quelque chose sans son assentiment. Il est presque certain que ces trois là ont bidouillé leur puce, de plus eux aussi bénéficient de lieux sécurisés pour comploter à leur guise ; décidément le Service de Surveillance de la Population fait bien mal son travail et les propres hommes de Bidochard comme d’habitude manquent de moyens, les restrictions budgétaires y sont pour quelque chose.
Peu importe leurs états de service, le général hait ces deux policiers si peu conventionnels qui ont refusé tout endoctrinement politique et que l’on ne voit jamais à la grand-messe du dimanche matin. Voyons voir, ces deux curiosités de la crim ont eu le toupet d’embastiller son ex aide de camp sous prétexte qu’il avait découpé en rondelles une espionne de la CIA. Ils ont démontré malgré les nombreuses preuves fabriquées, qu’elle n’était ni espionne ni de la CIA, mais une nouvelle recrue du SCEPM ayant refusé de pratiquer plus des deux n’golo n’golos journaliers et réglementaires avec leurs supérieurs. Résultats Le général s’est vu infliger un quart d’heure de piquet, muni d’un bonnet d’âne, pendant la récréation et devant tous ses petits amis.
-J’aurai leurs peaux !
Le comportement d’Alice Labulle dessert à merveille les plans de ce vil officier supérieur : n’est-elle pas prise sur le fait d’établir une relation avec un probable agent secret lamazonien ?
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Le sous-marin de Léon enfin rapporte des fruits intéressants, monsieur le sous-secrétaire du ministère des contraventions pour stationnement interdit dont la puce émettrice n’a rien trahi, vient de pénétrer dans l’ambassade de la Lamazonie. Encore un site protégé d’où rien ne filtrera. Mais les paris sont ouverts, le bonhomme en question va certainement contacter monsieur Lalha Ho Lalha, le nouvel arrivé et dernier amant en date de la délicieuse Alice. Car les Zinformateurs font toujours leur boulot et tout se sait. Bof, du côté de la sœur de son adjoint, pas de risque, cette femme n’est pas tombée de la dernière pluie.
Léon hésite, faut-il embastiller le haut fonctionnaire ou attendre encore un peu ? Un problème revient avec une régularité dérangeante…Dubouillon entre de nouveau en ébullition, avec deux verbes cette fois, bouillir et rebouillir. Et quand Dubouillon bout et rebout…le tonneau fume et la marmite va sauter.
-Labuuuuuuuulle !!!
-Oui chef.
-Parlez avec Alice, il faut qu’elle sorte les vers du nez de ce concentré de citron. Je commence à en avoir marre, dites-lui que son beau gosse, diplomate ou pas, je vais en faire des confettis pour savoir ce qu’il magouille. Alors, si elle tient chouïa à lui, à bon entendeur salut…Autre chose…
-Oui chef.
-Demain matin, vous passez me chercher chez moi à cinq heures et demie.
-Avec mon bazooka je suppose ?
-Bien vu, et si nous étions encore au moyen âge, je vous suggérerais les fers rougis à blanc, nous faisons une descente top secrète, de celles que nous nous réservons personnellement. Le Schmilblick va enfin avancer
-Youpiiiii, qui est l’heureux élu ?
-Un fonctionnaire des contredanses
-Avec la joie la plus grande, chef !
A l’heure réglementaire (il faut parfois respecter la loi) les deux policiers toctoquent à la porte du sieur Jean Baptiste Diab Olo, sous secrétaire dans le ministère le plus lucratif du pays, loin devant celui de la DTVA, double taxe à la valeur ajoutée, et celui de l’impôt sur la culture de la cacahouète.
Brassant une énorme quantité de caramel mou, monsieur Diab Olo se sent de la caste supérieure, il fréquente des ministres et a eu l’honneur de parler une fois avec le laveur de chameau du président, il ouvre donc sans difficulté en demandant d’un air hautain :
-La police ? Mais j’ai la conscience propre messieurs, et d’un coup de tam-tam je peux vous faire expédier dans un bathyscaphe, vous y serviriez de guide pour faire visiter New-York.
C’est Dubouillon qui attaque le premier. Le poing rageur qui le démange depuis un moment déjà part sans autorisation écrite préalable, fulgurant, métamorphosant un vilain nez trop pointu en belle tomate écrasée.
-Mais vous êtes fous !
C’est un allez et retour du dos puis du plat de la main de l’inspecteur Labulle qui stoppe net les velléités contestataires du haut fonctionnaire.
-Ta gueule, et quand tu parles à mon chef, tu dis Monsieur le Commissaire avec des majuscules. Pour t’aider à collaborer fraternellement, nous allons nous servir de ce beau bocal à poisson que voila. Au fait, tu as la facture de ce rare baleinain rouge à deux bosses ?
-J’ai perdu cette paperasse.
-Ben voyons ! Voila ce que nous allons faire, nous allons te suspendre par un pied et après t’avoir fait bouffer un peu d’harissa, tu finiras la tête dans le bocal. Il parait que c’est très à la mode en ce moment.
-Vous êtes complètement fous !
Le tonneau ôte sa veste et la place soigneusement sur le dos d’une chaise en véritable imitation de plastique puis retrousse voluptueusement les manches de sa chemise. Le commissaire n’est pas très grand, certes, mais des bras impressionnants et velus tels ceux d’un gorille apparaissent. Monsieur le sous secrétaire roule des yeux effarés, son nez pisse encore le sang, masquant ainsi une lèvre supérieure fendue.
-Ecoute, de toute façon tu vas parler, j’ai avec moi une capsule de gaz paroléparolé mais avant, je vais procéder à une nécessaire vérification.
D’une poche de sa veste posée, Léon Dubouillon sort une petite boite métallique munie d’une antenne, un détecteur de micro. Et bien lui en prend. Rapidement, un minuscule émetteur est localisé puis écrasé d’un coup de talon de grosse chaussure à clous.
-Une bonne chose de faite. Où est ta propre puce de contrôle ?
-Comme celle de tous les fonctionnaires, sous l’omoplate gauche.
-Avec cet autre bidule, elle sera inaudible…alors tu vas tout nous dire….ou tu vas danser !
Planqués dans un tiroir du sous-sol, deux gars des services secrets, aux ordres du commandant Yks, se retiennent pour ne pas hurler leur déconvenue mais lâchent à voix basse une bordée de jurons impubliables dans un livre de qualité supérieur comme celui-ci.
J.B. Diab Olo prend une couleur grisâtre tirant sur le vert pale et tremble ; la sueur emperle son front et ses tempes.
-Si je vous dit tout, la justice pourra se montrer indulgente ?
-Parle toujours, on verra après !
-Le sommet des 33 pays les plus développés va réunir bien des chefs d’états, des ministres, des conseillers et autre beau monde dans huit jours. Un empoisonnement généralisé des participants débarrassera la planète de ces corrompus. Ils doivent manger au Bon Coucous et…
- Nous savons, le venin de vers de terre tigrés avec les cacahouètes à chapelet, mélangés à l’harissa…Indétectable, mais quel est ton rôle dans ce micmac ?
-J’accompagne mon ministre et un de mes ami travaille en cuisine et…et… et…
Les doigts boudinés et puissants de Léon serrent fort et font tourner le lobe d’une oreille droite en provoquant un hurlement de douleur.
-Et, et, et quoi ?
-C’est moi qui devait verser le poison.
-Qui t’a payé pour faire cette saloperie ?
- Les fonds viennent directement d’une banque de Washington en passant par le Liechtenstein, la Suisse et Panama sur Yvelines. Le caramel mou est déversé dans mon lac privé à Luxembourg, Iles Caïman.
-Mais c’est très bien ça ! Et les deux cadavres aux bocaux à poisson, encore ta pomme ?
-Je vous jure que je n’y suis pour rien ! Je n’ai pas compris ce qui se passait ! Je ne vais pas avouer des crimes que je n’ai pas commis !
Une double taloche suivie d’une reprise en doigts du lobe de l’oreille gauche pour changer un peu ne font pas changer la version de Diab Olo. L’inspecteur Labulle questionne lui aussi :
-Lalha Ho Lalha, ça te dit quelque chose ?
-Bien sûr, il est mandaté par son gouvernement ; vous pouvez le voir sur le bulletin officiel et les dernières infos à la télé en ont parlé. La Lamazonie veut créer un ministère des contraventions pour stationnements interdits et elle nous envoie ce gars pour que nous le formions à cette technique hautement rentable. Pourquoi votre question ?
-Pour rien, au fait où sont les vers de terre tigrés ?
-Planqués dans une grande boîte en pâte à modeler sous l’évier. Un technicien de labo pharmaceutique doit venir extraire le venin demain.
-Labulle !
-Oui, chef ?
-Attachez moi ce loustic et prévenez les hommes de venir l’embastiller. Il est huit heures et j’ai faim, nous allons de ce pas au bistrot du coin pour une petite croûte, avec évidemment un bon verre de blanc cassé moutarde forte.
Monsieur l’honorable sous secrétaire saucissonné et bâillonné, nos deux compères fiers d’un travail bien fait s’absentent donc…
-On revient dans un instant !
C’est un curieux spectacle que les mulets du commissaire vont découvrir en venant arrêter le fonctionnaire légèrement indélicat. A peine la porte franchie, ils reculent terrorisés, le sol pullule de vers de terre jaune ocre-orangé et striés de noir. Le défunt locataire des lieux gît, toujours entravé, la tête dans le bocal à poisson et mordu de toutes parts. Le baleinain a disparu. Il est huit heures soixante quatre minutes du matin.
Le son d’un mystérieux tamtam l’ayant prévenu des tous derniers événements, très très loin un vieux Chinois se frotte encore les mains avec délectation. Son fils n’a pas eu de mal pour partir avec un passeport diplomatique, (beaucoup de caramel mou savamment distribué à bien des échelons), il est dans la place, il a de plus séduit cette espionne apparue dernièrement à Thulé.
La CIA n’a toujours rien compris, la date fatidique approche et les flics de la crim de Tataouine pataugent eux aussi en toute beauté dans la semoule. Le chameau à une bosse long courrier prévu pour le rapt de l’histoire de l’humanité subit l’inspection technique des mille heures de vol Il ne faut pas qu’un banal accident vienne anéantir tant d’efforts. Comme chargement officiel, il sera bourré de gandouras rouges à pois verts et de babouches en peau de zébu aux filigranes d’or. (Suite à une scabreuse affaire de meurtre dans un fameux restaurant, cette parure est devenue dernière mode dans la ville de lumière). Quant au retour du chameau, il doit se faire à vide…hé, hé, hé, en principe.
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En début d’après midi, encore à Tataouine mais dans un autre quartier, Lalha H. L.se réveille enfin. A ses côtés la belle Alice dort encore ; les moments qu’ils ont passés semblent à l’homme les plus beaux qu’il n’ait jamais vécus. Il ne se lasse pas de contempler la nudité de ce corps splendide qui lui a procuré un plaisir inconnu à ce jour. Un plaisir qu’il n’aurait jamais soupçonné avec mille ans de vie auprès de prostitués androïdes. Trente six ans dont vingt et un d’expériences sexuelles sans savoir que « CELA » pouvait exister. Connaître un tel bonheur si tard ! Que de temps perdu à cause des mensonges de papa !
-La possession du monde n’existe que dans ce moment présent et parfait. Mon père se trompe, demain n’existe pas, et je ne veux pas qu’il vienne s’il n’est pas semblable à aujourd’hui.
Comment peut-on être fou de vouloir posséder le monde. Tout se trouve dans mon cœur qui ne bat plus que pour elle.
-C’est beau ce que tu dis là Lalha !
-Je croyais que tu dormais !
-Et non tu vois, mais c’est la plus belle déclaration d’amour que l’on ne m’a jamais faite. Et il y en a eu pas mal !
-Merci, mais toi,…tu m’aimes ?
-Tu as certainement beaucoup d’expérience mais tu restes maladroit, ce n’est pas grave car tu vas très vite progresser, tu es doué. Tu n’as fréquenté que des androïdes ou également quelques femmes ?
-Tu es la première et je sais que te seras la dernière.
-Déjà dégoûté ? Peut-être dois-tu me tuer ?
L. O. L. s’assoit sur le bord du grand lit et baissant la tête, doucement se met à pleurer, une autre première à son âge. Il ne se souvient pas avoir jamais versé une larme, y compris en remontant à sa plus tendre enfance, au plus loin de ses souvenirs.
-Je devais le faire mais j’y renonce. Il nous faut maintenant empêcher mon père devenu fou, de réaliser son rêve.
Timidement au début puis prenant peu à peu plus de l’assurance, l’homme raconte la manœuvre machiavélique de son vieux géniteur, élaborée génialement depuis ses terres perdues au centre de la vaste Lamazonie.
Chapitre quatre Les deux récipiendaires
Dubouillon bout…et quand Dubouillon bout !!! Encore un cadavre sur les bras et cette histoire du G33 qui ne tient pas la route.
-Chef
-Oui Labulle.
-Deux hommes du général Bidochard ont été aperçus sortant du domicile du sous secrétaire, le voisin d’en face les a formellement identifiés avec leurs uniformes du Service de Contre Espionnage et de Pêche à la Morue. On lui a montré des photos et nous connaissons bien ces agents. Ils sont sortis à peine dix minutes après nous.
-Arrêtez-les !
-Mais chef, ils travaillent pour les services secrets !
-Je m’en fou, je les veux ici, vous me les alpaguez de force s’il le faut.
-Bien chef, mais si ils résistent ?
-Vous sortez l’artillerie lourde, déclenchez la guerre, vous êtes couvert.
Les deux nettoyeurs de l’ombre, exécuteurs des travaux « sales » commandités par la raison d’état, enfin c’est souvent ce que l’on prétend, n’en mènent pas large. Des simples flics de la crim ont osé les arrêter ! Phil Achout et Pat Defer sont détenus en un lieu qui n’a rien à voir avec des locaux de police et le plus grave est que leurs puces de repérage viennent d’être neutralisées. Ay… ay… ay, la réputation du tonneau non plus n’est pas à faire, ils savent que le moment à venir sera rude.
Ligotés, bâillonnés, attachés nus à même un sol froid et rugueux, ils n’ont lâché que peu de mots à leur arrestation, prétendant le secret professionnel, ils ont voulus pouvoir contacter le commandant Yks mais cela, Dubouillon ne l’a pas autorisé.
Sans ménagement l’inspecteur Labulle tire Pat Defer, le sort de la pièce et laisse la porte entrouverte derrière lui Cinq secondes plus tard, un coup de bazooka retenti et Valentin Ulysse revient seul, l’arme fumante à la main.
-Un salopard de moins, maintenant c’est pour ta pomme…à moins que tu nous racontes ta petite histoire ! Je vais ôter ton bâillon, tu peux gueuler tout ce que tu veux, personne ne t’entendra.
-Vous êtes fous !
-Peut être, mais toi tu es fou…tu. Foutu mon pote. Alors tu réponds ? Combien vaut un baleinain de contrebande à la revente ?
L’homme s’attendait à tout, mais pas à cette question et il répond un peu trop vite en écarquillant ses quinquets.
-Environ deux cent cinquante plaquettes.
-Alors après avoir tué Diab Olo, vous alliez vendre le fruit du vol réalisé en extra pendant le boulot ? Ecoute, nous avons récupéré un charmant lombric qui se promenait sur son cadavre, à ton tour de connaître les joies de la morsure !
-Noooooooooooon ! C’est le commandant Yks qui nous a donné l’ordre de tuer.
-Premièrement Rose Violette Bisemusse ?
-Heu…oui c’était un faux nom, une agent dormante de la CIA en réalité elle s’appelait…
-Je sais, Pétunia Fistofèlaisse. Pour Bonacieux, c’est vous aussi ?
-Les ordres, toujours les ordres. C’est Pat qui s’en est occupé.
- C’est sympa de charger un mort, mais tu comprendras que nous ne pouvons te laisser en vie. Tu sais que nous avons flingué ton pote et tu nous sers plus à rien.
-Attendez, je peux encore vous apprendre un truc. En écoutant une conversation d’Yks par hasard, j’ai compris que le commandant est en cheville avec un certain Ho la ou Lalo, je n’ai pas bien entendu le nom exact. Un Lamazonien je crois. Il y a quelque chose de colossal qui se prépare.
-Labulle embarquez moi ces deux loustics, et gardez les au secret.
-Mais, mais, vous n’avez pas tué Pat ?
-Tu nous prends pour qui ? Nous ne sommes pas des assassins dans la police !
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L’arrestation d’un commandant des Services de Contre Espionnage et de Pêche à la Morue n’est pas chose courante et se passe donc en toute intimité, loin des caméras paparazziennes. L’homme, injecté de sérum et forcé à inhaler quantité de gaz paroléparolé raconte l’effroyable et machiavélique plan d’un vieux Chinois, devant le ministre de l’Extérieure et des Éviers Bouchés, le colonel Bidochard ainsi que le Monsieur le Commissaire Dubouillon avec des majuscules et son efflanqué d’adjoint. A peine reçu ces terribles révélations un mulet entre dans la pièce et s’adresse à son chef :
-Commissaire, une jeune femme, une certaine Alice, essaie de vous joindre sur votre tamtam de poche depuis le début de l’après-midi. Elle ne veut parler qu’à vous et sa voix parait trahir la peur.
-Répondez lui que je sais tout et que je la félicite, qu’elle n’éprouve plus de crainte, la conspiration est déjouée. Ha, dites-lui qu’elle passe demain matin à mon bureau, il me faut prendre sa déposition.
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-Voila Monsieur le Ministre, je vous résume maintenant les grandes lignes de cette étrange affaire. Vous aurez mon rapport complet dés que je l’aurai terminé.
La réunion du G 33 et l’assassinat de ses participants n’était qu’un leurre, un écran de fumée pour nous éloigner de la réalité. Le rapt d’une trentaine de savants aurait provoqué une deuxième révolte des androïdes, pire que celle de 2614, ceci grâce à de nouvelles programmations de leurs intelligences artificielles.
Ces savants devaient se réunir autour d’un bon couscous et là, avec un système anti-incendie bidouillé, ils auraient été drogués par gaz. Un chameau long courrier les attendait en bout de piste et…direction la Lamazonie.
La nouvelle rébellion allait servir l’abominable soif de pouvoir d’un Chinois fou. Le commandant Yks a connu Ho Lalha Ho lors d’un stage de conduite de traîneaux sur banquise fondue avec la CIA, à Thulé au Groenland. Il est devenu par la suite son âme damnée à Tataouine. Ce vieil oriental a toujours travaillé pour les services secrets américains mais cette fois c’était pour son compte personnel qu’il officiait.
En bluffant le Big Boss de la base de Thulé, Alice a tapé dans le mille car il existait réellement un projet d’assassinat et le Bon Couscous avait été envisagé pour son accomplissement.
La fausse Violette Bisemusse était la maîtresse du professeur Smarpfz ; celui-ci a fait une découverte stupéfiante après avoir utilisé son chapelet de cacahuète, celle du venin de ver de terre devenu indétectable. Yks savait et a fait éliminer l’ancienne prostituée. .Pourquoi a-t-elle contacté Mahatma Gharbi ? Cela restera probablement un point d’ombre que nous ne pourrons jamais éclaircir. Peut-être que les lombrics de contrebande étaient comptés, qu’il en manquait et qu’une enquête a menée cette espionne jusqu’au portier du Bon Couscous ; mais ceci n’est qu’une hypothèse et n’a aucune importance. En tout cas ce dernier est mort d’avoir probablement triché au jeu ou magouillé dans des courses clandestines d’hippopotames et là aussi nous avons failli ne pas le comprendre.
Bonacieux avec un ou deux n était trop gourmand et voulait faire chanter ce traître de commandant. De plus il a fourni des simples cacahuètes pour élaborer le poison, ce qui nous a permis de le découvrir à l’autopsie du premier crime…allez hop, lui aussi au bocal à poisson. Tous ces petits malfrats qui traficotaient les baleinains en possédaient au moins un exemplaire et les hommes de Yks, car il n’y a pas de petits bénéfices, en ont profité pour voler. Les soigneuses mises en scène des meurtres nous ont dépistés longuement.
Bon, Monsieur le Ministre tout est bien qui finit bien, le vieux Chinois est devenu encore plus barge mais il ne ferra désormais de mal à personne. Depuis le retournement de son fils par amour, il ne cesse de jouer avec des petits soldats de plomb. Quand à Yks, l’adjoint de cet idiot de Bidochard, il sera jugé et certainement condamné à la cuve pour la fatidique trempette
Bonsoir Monsieur le Ministre, le principal va vous transmettre mon rapport.
-Bonsoir Dubouillon et encore une fois, …bon travail !
Jeudi 34 avril 3146
Dans un coin de la cour de la récréation, le général Bidochard élégamment coiffé d’un bonnet d’âne, est au piquet pour une après midi entière, ruminant des pensées vangeresques. Alors qu’à faible distance…..
….L’ambiance est feutrée en cette monumentale salle de réception du palais présidentiel de Tataouine les Bains. Tout le gratin se présente et les majordomes androïdes reçoivent avec respect en contrôlant attentivement les cartons d’invitation. Le grand pontife du Saint Siège a délégué son cireur particulier de pantoufles papales ; Monsieur le Ministre de la Langue de Bois à envoyé la dame pipi de son club de Grands Masturbateurs ; la Belgique est représentée par deux androïdes qui s’évitent avec précaution, l’un parlant Français et l’autre Flamand. Le tout nouveau sous-secrétaire du Ministère des Procès Verbaux pour Stationnements Interdits quant à lui ne sait pas où se mettre, les récents événements concernant son prédécesseur provoquant bien des regards malsains sur lui. Dans un coin, monté sur ses échasses, le président lui-même va bientôt intervenir. Ce grand chef de l’état, si petit par la taille, épinglera des décorations sur les deux plus fameuses poitrines héroïques du corps policier, celles du commissaire Léon Dubouillon et de son adjoint, l’inspecteur Valentin Ulysse Labulle, les sauveurs de l’humanité.
Alice, la sœur de ce dernier, a discrètement fait savoir, alors qu’une haute instance de l’état déclamait à tous les vents son mérite, qu’elle n’accepterait pas la mascarade d’un morceau de ferraille dorée porté sur son blason. Elle a de toute façon, disparu des écrans de contrôle ; la Mongolie Septentrionale restant sa dernière position connue. Elle se promenait tout sourire, bras dessus bras dessous, avec le fils d’un certain monsieur Ho Lalha Ho. Peut-être que cet homme chanceux allait durer dans son cœur touché d’une flèche de Cupidon ? Les nombreux précédents amants de la belle ont tous brûlés plus vite que fétus de paille.
On papote pêche à la moule et politique par petits groupes d’affinités différentes. Sur les tables aux nappes encore immaculées, une myriade de petits fours, de nombreuses magnifiques coupes d’or où les grains de caviar attendent les délicats palais huppés avec une multitude de flutes du meilleur Champagne de tous les temps, le millésime 2999. Le précieux liquide coule à flot.
Une flopée de valets androïdes propose également bien d’autre type de boissons alcoolisées ou non et l’on reconnaît facilement parmi eux les membres du service de protection…car il n’est guère pratique pour un humain normal de porter des chaussures pointure 60.
Il y a déjà plus d’une demi-heure que le dernier invité s’est présenté et les deux policiers se font désirer ; attention, on ne fait pas poireauter les gens de la haute société ! Certains montrent des signes d’impatience et regardent fréquemment l’heure d’un air préoccupé. C’est qu’on les nécessite urgemment pour prendre de hautes décisions dans leurs respectives fonctions, pour le bien des nations
Être décorés, nommés Chevalier dans l’Ordre de Lacroix et Labannière et se faire attendre, héros ou pas, certains ont du toupet. Madame La Baronne de la Trousse, qui elle aussi était invitée à cette grandiose réception, pourrait bien expliquer le pourquoi du comment concernant le retard de l’inspecteur, mais l’ingrate ne s’est pas présentée. Et pour cause…..
Valentin Ulysse a retenu pour la première fois toutes les délicieuses pensionnaires de son sélect établissement, à son seul usage personnel. La tenancière a insisté, en pareil événement, a ne demander qu’un seul et symbolique petit carré de caramel mou pour tout paiement. Elle gardera cette précieuse monnaie historique toute sa vie et la léguera à son unique héritier.
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En ce bel après-midi du jeudi cérémonial, Lulu, le patron du bar Le Domino, reste stupéfait de voir arriver son client habituel du dimanche.
-Ce n’est pas votre jour monsieur le commissaire ; au fait le tam-tam rumeur annonce votre prochaine nomination en temps que principal, c’est le tremplin pour la Garde des Grands Sots ; et si vous vous lanciez dans la politique ?
-Avec ce que je fais aujourd’hui, mon avancement va en prendre pour son grade. Toute cette bande d’espèce de je ne sais pas quoi ne s’est pas rendu compte qu’hier, mes mille sept cent soixante trois trimestres obligatoires pour prendre une retraite décente se sont écoulés et tu peux parier que l’on ne me reverra plus à la crim.
Mais, comme je ne pourrai jamais rester sans rien foutre, j’ai décidé de continuer à mon compte, comme détective privé. Pour moi, ce jeudi est meilleur que n’importe quel dimanche, sers-moi donc un blanc cassé TRIPLE ration de moutarde EXTRA forte.
-D’accort Léon, c’est moi qui régale !
Décidément, marquons d’une pierre blanche ce jour si particulier : pour que Lulu invite, il faut réellement qu’une ère nouvelle s’installe.
[1] Commissaire de Police Criminelle
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