Tout comme celui de l’Ebola, le mystérieux virus PB 3 (Peste Bubonique au cube prétendent de gracieux petits plaisantins) est apparu en Afrique. Une terre fertile aux essais machiavéliques des grandes puissances et des lobbys pharmaceutiques ayant préparé par ailleurs des vaccins. Les gouvernements apeurés ont déjà signé pour payer le prix fort. Et si quelques dizaines de milliers de quidams sans importance meurent en un léger dérapage…Comme pour les guerres, ils seront inscrits dans la colonne des dommages collatéraux.
La particularité de cette monstrueuse bestiole microscopique est d’avoir une période d’incubation éclair. Une demi-journée après qu’un homme est en contact avec lui la température monte à des extrêmes impossibles. Les médecins affolés et contaminés ont vu, eux aussi, leur sang littéralement bouillir avant de succomber de cette alarmante fièvre.
Moins d’une personne sur mille paraît-il en réchappe! Médecins ou pas ! Un laboratoire franco-allemand est dans le collimateur de la presse. EPSIUM. Ses dirigeants démentent catégoriquement bien que deux de leurs chercheurs soient décédés récemment et d’une semblable maladie à ce que l’on dit.
Mais…qui est « on » ? Qui doit-« on » croire ? Les plus fantastiques et improbables hypothèses courent sournoises, en des rumeurs incontrôlables. Dans tous les pays du monde, c’est le même sujet de préoccupation.
Les extraterrestres veulent nous anéantir !
Telle est la version la plus communément retenue par l’ensemble des populations. Très peu de consciences osent envisager que des humains parmi les humains soient capables d’une telle imbécile ignominie ; un monstrueux génocide à très grande échelle !
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ET LE SANG VA BOULLIR.
11 novembre 2050
L’air est devenu pesant depuis ce matin. Le baromètre devrait affoler le marin du grand large et faire rentrer au port celui ayant la chance de pouvoir encore l’apercevoir sur sa proue.
Constantin ne navigue plus depuis un peu plus de huit années qui paraissent s’être figées en une lenteur de plomb. Une retraite anticipée l’a laissé sur le quai, avec comme seuls bagages des souvenirs dont la chronologie devient vague dans son esprit tourmenté. Il contemple le front qui arrive crescendo. La dépression est profonde et bientôt les plus grosses déferlantes submergeront la courte digue de ce minuscule port de plaisance encastré entre les rochers. Où pas un seul bateau n’ose s’aventurer en cette mauvaise saison.
Un spectacle que ses yeux ont si souvent contemplé, là où les digues étaient plus hautes pour protéger les puissants navires de guerres gris mouillés en rade. En deux coins de France, dont l’un précisément très proche, qu’il ne souhaite pas revoir…D’ailleurs, quelle nostalgie morbide l’a poussé pour vivre encore devant cette mer qu’il a finie par haïr ?
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Le petit parisien faisait bien rigoler son entourage quand il prétendait devenir marin. « Hé gamin, ce métier est bon pour les Bretons ! » Il n’avait vu la mer que sur des cartes postales qui paraissaient peintes de couleurs irréelles. Un bleu lumineux pour les flots et, en plus clair, un ciel que l’on aurait pu caresser de la main. Comme tout bon souvenir de lieux de villégiature, elles ne rapportaient que des spectacles féeriques où le mauvais temps est à prescrire, à éliminer. Qu’on se le dise, les bords de mer ne sont qu’ensoleillés !
Il lui a fallu arriver peu avant ses douze ans pour contempler, pour la première fois, pour de vrai, la grande étendue bleue. Rien à voir avec le lac d’Aiguebelette où le cossu pavillon de la famille les accueillait pour les vacances et où il s’ennuyait ferme. Si peu d’eau et la rive d’en face presque à portée des ricochets. Quelle horreur ! Rien à voir avec les cartes postales non plus, mais pas pour ses yeux ébahis qui se posaient déjà plus loin, beaucoup plus loin. En ce premier contact maritime cependant, une émotion particulière est venue le visiter. De nouvelles questions ont couru dans sa tête alors qu’il voyait toutes ces filles, ces femmes, si peu vêtues ; si peu qu’il a tout fait pour pouvoir observer leur intégrale nudité…et y est vite facilement parvenu…A cet âge, qui peut douter d’une innocence encore vraiment facile à feindre ?
Papa et maman n’ont pas su donner de bons conseils à leur deuxième rejeton. Celui qui devait être l’héritier, le premier ayant opté pour le sexe féminin et s’étant très tôt projeté comme médecin. Une vocation on ne peut plus saine et encouragée vivement, avec une projection de fierté future qui allait rejaillir sur le nom de la famille. L’orgueil de croire qu’elle n’allait pas être un simple toubib a gonflé papa pendant toutes les études de « sa » descendance. Alors…
Quand Constantin a fait part de ses intentions futures où la ligne d’horizon n’allait s’effacer qu’avec la terre en vue, les vieux sont tombés de haut. Du haut de leurs échelles car la famille en fabriquait depuis plusieurs générations. Droites ou évasées, fixes ou pliantes, modulables, multifonctionnelles, télescopiques parfois, d’une solidité qui faisait leur renommée dans la France entière. La preuve, les Sapeurs-Pompiers de Paris en sont exclusivement équipés !
Et leur petit qui n’allait pas reprendre le flambeau ! Consternation !
Qu’il passe au moins son BAC et on verra après ! Forme de repousser une échéance qui dans la tête de l’adolescent ne faisait aucun doute. Mention bien s’il vous plaît avec un dix-neuf en mathématiques ! Mais le diplôme en poche, les idées de grand large ne s’étaient pas évaporées pour autant ! Ce rebelle allait être dompté par l’aspect finance obligatoire de pratiquement toute forme de vie. Probablement que le sang paternel lui ayant communiqué un sens du commandement, il ne voulait pas devenir un vulgaire matelot. Et les études pour devenir officier de marine marchande elles aussi se payent.
Que nenni chers parents ! La « Royale » toute contente va trouver une recrue de choix.
Re-consternation et presque désespoir à l’engagement du petit. Fait accomplit, Constant, ou Tantin parfois Tintin a fuit le toit paternel tout guilleret, une simple petite valise à la main.
Quelques mois plus tard, sur le BPC MISTRAL, successeur de la JEANNE, il n’a pas trop détonné ; des Parisiens, bien que peu nombreux, il y en avait d’autres. Jamais les railleries ne furent trop méchantes et au fil des mois et des flots, l’amarinage s’est fait en oubliant les terres de provenance. Soudant les hommes dans la même pâte à modeler de l’obéissance, de l’abnégation pour le devoir patriotique. Comme il disait à ses compagnons dont tous les ancêtres étaient des navigants, « Hé marin malin, pour m’engager dans l’Armée de l’air, il aurait donc fallut que je naisse dans un nuage ? »
Il n’y avait pas un an qu’il avait embarqué quand au grand désarroi de ses instructeurs qui allaient bientôt le qualifier de traître, il changea d’idée en optant pour l’arme des sous-mariniers. Plus encore, féru de technologie ayant trait à l’atome, c’est dans un bâtiment nucléaire que le jeune Constantin Gaillant aspira donc à naviguer.
Son obstination paya enfin en 2026 alors qu’il avait tout juste vingt ans. A ses trente six, il était devenu le « Pacha » aussi appelé « Cap de veau » d’une monstrueuse machine de guerre. Le Redoutable, sous-marin nucléaire d’attaque de la série des Barracuda, lancé deux années auparavant et qui, parait-il, était le plus sophistiqué de ses congénères destructeurs parcourant le monde silencieux. Le commandant des cinquante cinq hommes, lui inclus, et des seize femmes enfermés dans 2700 tonnes d’acier bourrés de technologie et d’armes destructrices. Papa désolé, ayant vendu son groupe industriel, est mort oubliant le rêve utopique de sa succession. En restant malgré tout gonflé d’orgueil par la réussite, clamée aux quatre vents, de « SON » fils ! Maman fait encore aujourd’hui soigner ses douleurs de vieillesse par une excellente spécialiste en gérontologie enfin directrice de sa propre modeste clinique. Quand larmes perlent sous ses yeux, sa pensée erre dans de profonds abysses terrifiants, obscures et glauques, où l’horrible pieuvre géante attaque le navire du capitaine Némo.
Personne dans la famille ne connait son « désembarquement » sa mise en disponibilité avec solde fort heureusement. Evidemment envolées les primes d’éloignement ou autres avantages du service de la patrie 24 heures sur 24. Rien de provisoire. Du solide. Du définitif
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Le vent devient vraiment violent, il ravive un froid qui s’insinue lentement dans la chair de l’homme. Non pas qu’il soit peu abrité. Plutôt parce que l’âme elle-même est tremblotante depuis si longtemps…Elle ne défends plus un corps qui se laisse aller. A quarante six ans seulement !
-Je vais chopper la mort, il faut que je rentre. Mathilde doit s’inquiéter.
Pour confirmer cette idée, son téléphone portable sonne.
-Tranquille ma Thilde, j’arrive dans dix minutes !
Comme à l’accoutumé le radar de la ligne droite, juste avant la bourgade dans la longue ligne droite, fera choux blanc. Idiotement il ne faut pas dépasser les cinquante kilomètres heure, alors que la route le permettrait largement. L’ancien marin n’est jamais pressé. L’habitude de se déplacer à vingt, vingt-cinq nœuds sans jamais voir le moindre paysage, comme un escargot qui ne saurait pas sortir le corps de sa coquille, la rendu totalement inapte aux payements des contreventions pour excès de vitesse. Sa lenteur en tout est vite remarquable par les rares qui sont amenés à le côtoyer. Cette même lenteur qui a conditionné toute sa vie et l’ayant mené un jour au bord d’un insoupçonnable précipice.
Dans lequel il est tombé.
Monsieur l’officier de marine a toujours eu grand succès auprès de la gente féminine. Mais aussi, que proposer à une belle jeune et épanouie…quand on ne peut la tenir dans ses bras parfois plusieurs mois de suite ? Combien de femme sont capable d’accepter une telle contrainte ? Les conquêtes se sont succédé sans d’autres plaisirs que ceux de la chair. Et un jour, elle est arrivée.
Belle, grande, quelques centimètres de plus que lui, taciturne, son regard a réussi à éviter le sien pendant tout le voyage. Dans le train qui de Brest filait sur Paris, ils n’ont pas échangé mot alors qu’ils étaient face à face. Galant, il lui a juste passé sa petite valise à l’arrivée et elle a balbutié un merci à peine audible.
Les coïncidences de la vie n’existent pas ? Appelons-les différemment, mais seulement quatre jours plus tard le semblable vis-à-vis recommença sur le trajet du retour. Leurs mutismes a pris fin et ils se sont aimés avec une incroyable frénésie dans une confortable chambre du luxueux Hôtel Vauban, à quelques pas du terminal de Brest. Il faut dire que la belle, en instance de divorce et séparée depuis presque un an, avait toute cette longue période d’abstinence à rattraper.
Deux centimètres et deux années de plus aussi les séparent, mais depuis ce jour merveilleux, un amour jamais démenti les unit. Mathilde, sa Thilde, et ses yeux fondent en utilisant cette expression, est aujourd’hui la seule qui connait sa souffrance, la partage. Celle qui aide Constant à tenir encore debout. Celle qui a réussi la prouesse de le détourner d’un chemin d’oubli dans lequel se complaisent souvent bien des hommes. Par lâcheté, par le refus d’accepter une cruelle situation, par ennui, les motifs sont si nombreux pour sombrer dans l’alcool. Sombrer, verbe pourtant à éviter pour un marin ayant viscéralement aimé son métier.
La plume qu’il manie maintenant avec virtuosité, comble son immense étendue de temps libre, heureusement elle l’empêche de trop penser à la douloureuse réalité du passé. Le site web littéraire créé sous le pseudonyme d’Eric Deveau, affiche gratuitement sur internet une centaine de ses nouvelles plus ou moins longues, faisant le plaisir de bien des lecteurs chaque jour. Hélas sans pour autant que le succès financier arrive sous la forme d’un éditeur de renommée. Plusieurs romans publiés à compte d’auteur n’ont apporté que désillusions, mais il continue, comme pour donner remède à ses tourments. Et puis finalement, l’aspect friqué ne l’intéresse pas plus aujourd’hui qu’hier.
Mathilde est fonctionnaire. Quand elle a révélé sa profession, juste après leur premier gros câlin, il a rigolé en déplorant que jamais elle ne puisse le contrôler. Un militaire de carrière ne peut cacher ses revenus! Madame était inspectrice de la répression des fraudes fiscales. A quarante quatre ans, elle dirige aujourd’hui une vaste zone administrative.
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-Mais comment fais-tu pour rester aussi belle ?
-Arrête mon jeunet! Tu te conserves très bien aussi !
En ôtant son sempiternel cardigan et le déposant sur le porte-manteau, Constantin jette un œil machinal vers le miroir de l’entrée. Un reflet qu’il abrège trahit le mensonge de sa dulcinée. Vite regarder d’autres horizons avant de s’apitoyer.
-Quoi de neuf aux dernières informations ?
-Rien de changé ! On y file tout droit !
-Les hommes sont décidemment toujours aussi cons ! Il faudrait absolument que nous puissions emmener les enfants en Suisse.
-Tu parles ! Toutes les frontières vont êtres bloquées d’un moment à l’autre. Seul les hyper pistonnés pourrons bientôt les franchir. En plus, viser l’Espagne ou l’Italie où il serait probablement plus facile de passer, ne les éloignera pas du danger. Si tous deux savions prier, ce serait peut-être efficace. Tu veux que nous allions les chercher demain matin à l’internat, et ne pas attendre ainsi cette fin de semaine ? On leur raconterait que tu es rentré plus tôt que prévu !
-Thilde, ne baliverne pas ! Depuis plus d’un mois, les églises, les temples, les synagogues, les mosquées et tous les autres lieux de croyance ubuesques ne désemplissent pas. Et quoi ? Que vont changer les suppliques du peuple quand les marchants d’armes ont déjà décidé ? Ceux qui vendent des kilomètres de cierges pleurent en n’oubliant certes pas de gonfler leur bas de laine. Tu as vu leurs sourires hypocrites à la télé ? Ils se frottent les mains. Sans jeu de mot, à quoi servira leur pognon demain?
Pour les jumeaux, on en reparle plus tard, d’accord ?
-Ca marche ! Ta sœur a appelé. Comme tu le désirais je lui ai répondu que ton navire, vue les circonstances, n’avait aucune date prévue de retour au bercail. Depuis si longtemps, tu aurais du dire la vérité, au moins à elle.
-En trahissant ma parole ? En révélant un secret d’Etat ? Impossible !
- Arrête une fois de plus. L’Etat, lui, t‘a humilié sans remord aucun. Allez, passons à table, je nous ai concocté une potée, humm…une de celles qui te feraient venir de Paris en marchant sur les genoux comme tu aimes à dire.
L’esprit pour la n nièmes fois de retour dans un passé de huit ans d’âge, Constantin balbutie un tendre merci à l’oreille de son épouse et en profite pour, d’un souffle léger, lui poser une bise sur la joue. Le délicieux fumet qui s’échappe de la cocotte de fonte posée au centre de la table dressée, n'efface pas un douloureux souvenir. Impossible à désincruster de sa mémoire...
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Que son Excellence le ministre de la défense en personne ait désiré s’entretenir avec le commandant d’un sous-marin nucléaire, ne l’avait pourtant surpris qu’à moitié. Depuis bientôt deux ans son nom apparaissait parfois dans la presse et, comble de la popularité, une émission de télévision lui avait consacré de longues minutes d'interview sur des plannings de programmation destinés à valoriser l’image de la France. L’étonnant avait été la totale discrétion de la demande, transmise d’une forme inusitée dans le protocole, non pas par un militaire, il en était certain, mais par un barbouze indéniable. La suite allait lui prouver qu’il ne s’était pas trompé sur cette curieuse impression. Un sentiment de curiosité à la fois retenu par sa fonction et accentué par la demande de se présenter en civil, en un lieu peu habituel, lui disait que ses pas le menaient vers une destinée toute particulière.
Il est des jours où l’on se demande si une jambe cassée ne serait pas la bien venue! Mais ça, c’est toujours le lendemain que la question se révèle être pertinente.
C’était en mai 2044, le 13, un chiffre qu’autrefois il affectionnait. Une maison très quelconque, certes fort bien située sur la frange sud du Bassin d’Arcachon, un peu isolée, presque les pieds dans l’eau ; tel fut l’endroit de la réunion. A seulement quelques pas de la grande Dune du Pila où il se prélassait en compagnie de madame et des jumeaux. La veille on avait fêté leur troisième anniversaire. Un seul homme était réellement présent physiquement pour l’accueillir. Deux autres se manifestèrent par un système de vidéoconférence très sophistiqué et hautement sécurisé. A l’extérieur, sur le bord de mer comme sur les chemins avoisinants, une mouche malintentionnée n’aurait pas pu passer tant de drôles de badauds étaient aux aguets, bardées de micros et d’armes de tout calibre.
Le seul interlocuteur en chair et en os de monsieur le commandant Gaillant était donc monsieur Georges Granier, celui que la presse railleuse raccourcissait fréquemment en Gégé, deux hommess sur l’écran plat plasma de peu communes dimensions, n’étaient autres que monsieur le Président de la République accompagné du nouveau Premier Ministre qu’il venait de nommer seulement quelques jours auparavant. La poignée de main fut chaleureuse et des yeux semblèrent le sonder jusqu’au plus profond de sa chair, de son âme, avant que la conversation ne s’engage.
-Alors commandant Gaillant, vous reprenez la mer dans une petite semaine. Vous êtes-vous bien reposé ? Agréable région n’est-ce pas ?
-Monsieur le ministre vous me voyez en peine possession de mes moyens pour repartir au service de notre pays.
-Vous n’êtes pas surpris des conditions…disons un peu particulaires, de notre entretien ?
-Le métier que j’exerce m’a préparé à bien des situations, et je dois passer outre à ma curiosité. Je reconnais néanmoins que je suis intrigué. Je vous aurais menti en prétendant le contraire. Et, a-t-on le droit de mentir à son ministre de la défense ?
Un franc sourire illumina la face de son vis-à-vis alors que s’établissait la communication avec le bureau de l’Elysée. Après de brèves présentations, le vif du sujet fut abordé.
-Une première instruction mon commandant. Cette réunion est informelle et les ordres que vous allez recevoir sous peu ne seront connus que de vous seul, plutôt de nous trois ici présents si je puis dire ainsi, et de très rares autres personnes en France.
Vos supérieurs immédiats dans la marine, l’amirauté incluse, vont à partir d’aujourd’hui ignorer totalement votre mission réelle et le lieu où elle se déroulera. Donc cela signifie que non seulement vous aurez le droit de mentir à l’Amiral mais le devoir.
Devant le mutisme et une nouvelle expression apparue sur le visage de Constantin, le ministre s’est appliqué en articulant d’une forme bien posée la suivante question.
-M’avez-vous parfaitement compris mon commandant ?
-Absolument monsieur le ministre !
- Bien, avant d’aller plus loin je laisse la parole à Paris qui a besoin de mieux vous connaitre, et moi aussi d’ailleurs…
-Commandant, jusqu’à quel point pensez vous qu’un militaire doive exécuter les ordres qu’il a reçus ?
Une, « la » question piège ! Il est impossible à tout homme qui fait carrière dans l’armée de ne pas se l’être posée un jour. Chasée, repoussée car elle crée la peur de la réponse. L’ordre fatidique ! Les pilotes qui ont lâché les deux bombes sur le Japon n’ont pas fait de sentimentalisme. Non seulement ils n’avaient pas la possibilité du refus mais il est vrai aussi qu’ils ne connaissaient pas les effets des armes terrifiantes autrefois appelées atomiques, maintenant nucléaires. L’auraient-ils su ?...Il est évident que l’Histoire serait écrite avec les mêmes lettres d’horreur. Le militaire devient un automate, un bras déclencheur de la décision politique. Ou il n’a pas sa place au sein des forces de défense de son pays.
Là où la question devient vraiment délicate, c’est quand on évoque les cas de tortures qui malheureusement ont sévi dans tous les conflits. Tous sans aucune exception.
Un voile pudique flotte soudainement qui voudrait cacher l’abomination. L’hypocrisie fait son apparition en niant une réalité inavouable. Alors « on » prétend l’exagération des faits, ou simplement dit les ignorer. C’est qu’il en va de l’honneur….
-Commandant ? Il nous semble que vous vous attardez quelque peu pour nous répondre ?
-Je ne sais absolument pas ce que vous attendez de moi. Je suppose par contre qu’avant de m’avoir choisi, vous avez étudié ma personnalité et connaissez, à part l’officier, l’homme que je suis également.
J’obéirai à tous les ordres destinés à la protection de la France face à un belligérant ennemi. Dans le cadre des conventions internationales qui, j’ose l’espérer, sont connues de ceux qui me donnent ces ordres. Il est entendu entres nations, que la force nucléaire ne peut être utilisée que contre un pays possédant lui-même ce semblable arsenal. Par contre je ne pense pas que je puisse participer, en aucun cas et bien que menacé de ma propre vie, à commettre des exactions du style gestapistes. Je peux vous citer le cas de l’Esmeralda, le magnifique voilier école de la marine chilienne. Quand j’ai connu son rôle de prison et de salle de torture pendant la période où le général Pinochet dirigeait le pays, j’ai eu monsieur, honte pour les gens de mer.[1]
-Voici une réponse qui nous satisfait totalement !
Monsieur le Ministre de la Défense va vous poser d’autres questions avant de vous expliquer ce que nous attendons de vous. Ce que le pays attend de vous. Nous restons à votre écoute et prêts à donner plus détails…politiques bien entendu. L’aspect technique de l’affaire est entre les mains de spécialistes qui eux, ne connaissent rien quant à la finalité de l’opération.
Le ministre repris donc la parole.
-Une boisson de votre choix mon Commandant ?
- Je ne m’alcoolise que rarement mais un fine Champagne me ravirait !
-Nous le savions, et votre cuvée préférée est prête. Aujourd’hui je suis votre serveur, nous sommes absolument seuls dans cette maison. Au grain maintenant !
Vous connaissez les balises américaines qui protègent leurs côtes, notamment contre les attaques de sous-marins ? Que pouvez-vous rapidement m’en dire?
-Ce sont des dispositifs de détection, pour la plus part posés sur la plate-forme continentale océanique qui enregistrent pour certains les bruits des hélices de propulsion. Si particuliers que chaque navire a le sien. Il est dans mes fonctions d’en savoir bien davantage mais je vais vous saouler de terminologie technique. J’ajoute que certaines balises se déplacent au gré des courants à faible profondeur et donnent leurs renseignements à des satellites qui retransmettent.
-Sommairement c’est cela, et j’avoue d’ailleurs ne pas en savoir plus sur les bêbêtes en question. Commandant, nos techniciens ont réussi l’exploit d’assembler des dispositifs électroniques qui nous permettront désormais de prendre le contrôle de ces balises ! C'est-à-dire que le moment voulu, elles transmettront les informations que NOUS voulons. Encore plus intéressant, elles seront totalement ignorantes des passages de nos submersibles. Vote première mission sera d’aller poser nos nouveaux engins sur deux balises de la côte est américaine…Enfin presque puisque vous embarquerez des plongeurs de combat entrainés pour travailler à très grandes profondeurs. Je parle là d’environ trois cents mètres.
La particularité de cette mission, c’est qu’elle vise une nation qui est notre alliée. Mais vous connaissez aussi le dire de Louis XIV « Mon Dieu, protégez-moi des mes amis. Pour ce qui est de mes ennemis, je m’en charge personnellement ! »
Les Tritons, nom donnés à nos appareils, seront nos protecteurs. Ils nous serviront également pour, le cas échéant, obtenir un moyen de pression sur les États-Unis sans avoir à subir les innombrables contraintes qu’ils ont toujours la prétention de nous imposer.
-C’est de bonne guerre parfois !
-De bonne paix en l’occurrence !
Ceci commandant va constituer la première partie de votre mission. La deuxième sera beaucoup plus délicate. Votre prochain périple va être plus court qu’à l’accoutumée. Et vous garderez le commandement au départ suivant de votre bâtiment, avec les mêmes hommes. Les conditions particulières de ces changements dans l’alternance des équipages seront bien entendues généreusement compensées financièrement.
Dans dix jours cinq hommes supplémentaires seront à bord. Il leur faudra beaucoup de chance pour pouvoir revenir mais ils y sont préparés. Le responsable de cette petite équipe de spécialistes vous remettra, par écrit, en mains propres, les instructions que je viens de vous transmettre oralement. Vous les détruirez après les avoir lues.
Point de vue technique, sachez que deux minis submersibles électriques remplaceront deux torpilles traditionnelles embarquées.
Veuillez m’excuser commandant mais l’on m’attend sur la proche base de Casseaux, ma fonction ne me laisse aucun repos. Mon commandant, vous voici sur la bonne rampe pour vos étoiles d’Amiral !
Des questions ?
-Aucune, cette fine est décidemment diablement bonne ! Et pour mes étoiles, comme elles vont m’empêcher de naviguer, alors je ne suis pas pressé de les recevoir.
-Gardez la bouteille mon commandant, la France vous en fait cadeau !
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Béni soit celui qui n’existe pas ! Ce hasard merveilleux les ayant tous deux fait asseoir face à face. Mathilde décidemment est une cuisinière hors pair. C’est le devenu profondément athée qui remercie en une petite phrase. La potée tient la promesse que son fumet présageait.
-Mon dieu que c’est bon ! Merci Thilde !
-Tu devrais me parler plus souvent Augustin. Tu rumines seul dans tes méninges pendant de trop longs moments sans un mot. Mets-toi au yoga ou à la méditation. Oublie, tu vas en crever !
-Tu sais bien que j’ai tout essayé sans résultat. Il m’arrive de pouvoir fuir quand j’écris mais dés les doigts hors du clavier, le cauchemar éveillé revient au galop. Il faudrait que je me gave de tranquillisants. Et ca, je ne le veux pas.
-Fromage ?
-Plus de place pour lui, je suis plein, archi plein. Je vais chauffer ce qui reste du café de ce matin. Il y a longtemps que je ne bois plus d’alcool autre que le vin et je regrette aujourd’hui d’avoir balancé la bouteille de ce salopard de ministre.
-Non, tu as bien fait, chaque gorgée t’aurait étouffé.
-Cette fine était pourtant si bonne….
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Mathilde n’a pas été très contente du réembarquement immédiat mais la belle propriété achetée face à la presqu’île de Giens a vu son crédit amputé d’une somme rondelette avant d’être renégocié.
Cinq ans et demi plus tard, la dernière traite payée depuis six mois, les Gaillant ont décidé la mise en vente. Trop grand, trop d’impôts, de frais de maintenance, d’énergie à mettre en œuvre pour que la maison reste belle et que les deux mille cinq cents mètres carrés qui l’entourent ne ressemblent pas trop à une friche. Dés les premières annonces proposées sur les catalogues de prestigieuses agences, plusieurs acheteurs potentiels se sont manifestés, très intéressés. Avant que…
Léger problème aujourd’hui, les menaces qui pèsent sur la planète viennent de freiner brutalement le marché de l’immobilier. Freiner restant un verbe non adéquat…plus rien de se vend ! À part les bunkers souterrains qui se creusent par milliers, surtout dans les coins les plus reculés, les moins habités. Beaucoup de gens n’ayant aucun moyen financier campent et survivent déjà médiocrement près de grottes où ils pensent pouvoir survivre…
L’ère des troglodytes revient. Dans cette terrible situation, enfin s’effacent les religions, les idéaux politiques et les couleurs de peau, il faut attendre la mort ou affronter la survie tous ensembles. Ceux qui, comme autrefois ils l’étaient, se font oiseaux de mauvais augure et profitent de la situation pour embrigader dans leurs croyances, sont maintenant vite remis en place.
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Sur les cinq spécialistes embarqués, un n’est pas revenus son petit sous-marin a été perdu. Le dispositif d’autodestruction au cas où ayant parfaitement bien fonctionné, la première mission fut qualifiée de succès complet par ses instigateurs. Ses deux premiers Tritons posés, la France allait cette fois pouvoir en mettre plein la vie à ces yankee arrogants et envahisseurs. En silence de surcroît !
Le submersible resta trois semaines en révision complète et de nouvelles torpilles furent embarquées. Telle ne fut pas la surprise du commandant avec comme prévu, le même équipage que celui de la mission exceptionnelle, de découvrir à l’embarquement deux nouveaux officiers. Le chef du commando de plongeur en personne en temps que responsable des transmissions. Et un inconnu qui remplaçait au poste du géo-positionneur, le guide, le gourou de l’électro acoustique, les yeux de la bête…
Avant même l’immersion qui allait isoler le submersible pendant une durée indéterminée, Augustin eut un très mauvais pressentiment. Il se comporta néanmoins comme ses hommes attendaient qu’il le fasse, en excellent commandant.
Le cap fut donné par des ordres normaux, consigne d’une mission de routine qui les emmena cette fois près des côtes désertiques et gelées du continent antarctique. 8430 miles nautiques à une vitesse moyenne en plongée de vingt nœuds représentent, sauf imprévu, dix-sept jours et demi de navigation. Nul besoin de pousser davantage le propulseur que l’énergie de l’atome actionne ; la vitesse optimale bien supérieur restant secrète.
L’ordre a laissé le commandant Constantin Gaillant pantois mais il l’a exécuté. Fait armer le tube vertical de lancé avec un missile de faible portée et donner les complexes instructions de la mise à feu. Une base antarctique des États-Unis d’Amérique allait être anéantie quelques douze minutes plus tard ! Périscope et multiples antennes radio hors de l’eau, le fameux plongeur spécialiste de la communication confirma bientôt que l’objectif était atteint. Le monstre d’acier replongea dans sa solitude salée, confiant aux instruments de haute technologie un destin qui l’amenait maintenant vers la côte Est américaine. Au large du New Jersey. Quelques degrés de latitude au sud de Philadelphie, précisément là où deux balises avaient été « manipulées » auparavant, à égale distance de New York que de Washington.
« L’ordre…jusqu’où aller ? » La brève discussion avec monsieur le ministre repassa en boucle dans la tête du commandant. Incroyable ! Il était le premier homme depuis le 9 août 1945 à avoir presque cent ans plus tard, comme l’imagerie populaire le dit, appuyé sur le bouton. Pas à des fins expérimentales! Combien de militaires, de civils étaient ils morts ? Certes rien à voir avec Hiroshima ou Nagasaki. Une centaine. Un millier ? En tout cas des hommes et aussi des femmes qui n’avaient aucune intention belligérante contre la France et, ou, ses intérêts. En mimétisme avec son « Cap de veau », l’équipage devint soucieux. Une bombe de faible puissante venait d’être lancée et plus personne ne s’imaginait désormais en paix. L’imagination faisait déjà exploser des grenades anti-sou marines sur la coque d’acier qui les protégeait. Il sembla soudain à tous que la transpiration était devenue plus abondante et, pour la toute première fois, le médecin du bord eut à distribuer quelques légers calmants.
Un navire scientifique océanique de la COMEX, en mission d’étude des complexes courants et contre courants liés au Golf Stream au niveau du tropique du Cancer, confirma en une brève liaison radio codée, l’ordre de suivre à la lettre les instructions de l’officier « un peu spécial » embarqué, dés la destination atteinte.
Cette fois-ci Constantin devint encore plus soucieux. L’anormal de la situation le prévenait d’un insoupçonnable danger. Mais à qui se fier ? Comment partager le doute qui envahissait immuablement son cerveau ? Des années de préparations pour effacer de son langage le mot infaillible et entrevoir aujourd’hui la possibilité de flancher…jusqu’à quel point… ?
-Peut-être devrais-je en parler avec Doudou ?
Tout le monde à bord sait que le lieutenant de vaisseau, traditionnellement surnommé « le loufiat » Edouard Vidal est l’officier de liaison avec le fameux Deuxième Bureau, le service des renseignements militaires. Il en est un dans chaque unité de l’Armée de terre, comme de l’air ; et la Royale n’échappe pas à la règle. Où qu’elle soit dans le monde, la plus petite compagnie française, même isolée, possède aussi son « espion ». Mais s’ouvrir à lui ne constitue-t-il pas déjà un manquement aux instructions données ? Constantin décida de garder cette possibilité sous le coude et, plus que jamais, de progresser avec lenteur sur un terrain paraissant miné.
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-Thilde, je vais promener les chiens.
-Tu es fou mon homme. Avec le temps qu’il fait ? Un vent pas possible et la pluie qui ne va pas tarder.
-Justement, un temps de chien.
-Couvre-toi bien.
-Je ne descends pas, je resterai sur le petit chemin de la crête. Je veux profiter de lui avant qu’il ne soit à son tour asphalté et que ces diables de promoteurs ne s’emparent du dernier bois de la commune. Ce salopard de maire a du recevoir une enveloppe colossale.
-Fais comme tu veux, tête de mule ! Il y aurait encore plus de vent qu’en bas ! Reste donc et plonge-toi dans tes romans. Le début prometteur de celui que tu écris en ce moment « Le vent des profondeurs» me plait beaucoup.
-A tout de suite !
C’est l’écriture qui lui a redonné goût à la vie, sans elle il n’aurait pu promener les chiens des heures durant. Par chance, les maisons avoisinantes ne sont occupée qu’aux moments des vacances et de voir un marin qui jamais ne reprend la mer aurait pu soulever quelques questions. Depuis très longtemps son nom ne figure plus parmi ceux cités par les médias et son visage oublié ne refera certainement jamais la une. Il est redevenu un anonyme. Le passé réel une fois de plus chasse la trame jaillie de son imagination littéraire.
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Monsieur le ministre de la défense avait bien précisé que la deuxième partie de la mission serait plus délicate ! Mot judicieusement employé !
« Si tu ne vas pas à Lagardère, Lagardère ira-t-toi ». Expression populaire amusante faite d’un mauvais Français mais ce fut celle qui vint à l’esprit du Cap de veau quand son second, le Doudou, vint pour avoir un entretient très particulier.
-Mon commandant, je m’adresse à vous d’une forme peu usuelle, en temps qu’officier du deuxième bureau militaire !
Augustin se garda bien de préciser qu’il désirait aussi cette conversation.
-Êtes-vous au courant de la rumeur qui coure à bord ?
Le « Pacha » tomba des nues.
-Non. De quoi s’agit-il ?
-L’équipage murmure que nous transportons des armes bactériologiques !
-Nom de dieu ! Mais comment cela est-il venu à vos oreilles ?
-J’ai mes petits récolteurs d’informations parmi les hommes. Pardonnez-moi de ne pas pouvoir vous dire qui ils sont. Je sais aussi qu’à terre, un des sous-officiers du chargement des missiles et autres armes est le beau-frère de l’un gars affectés aux torpilles. Par pure déduction, ce dernier serait l’origine des bruits malsains.
-Faites le venir immédiatement. Ne parlez qu’à lui et soyez attentif pour que les deux « étrangers » ne se doutent de rien…
Le quartier-maitre de première classe Robert Azoulay était visiblement fort gêné devant les deux officiers qui l’interrogeaient. Il dut s’expliquer en se retenant de pleurer à l’éventualité de redevenir simple matelot. Il savait la faute grave. Combien de temps allait-il, de toute façon, passer aux arrêts ?
Il expliqua donc que son beau frère intrigué avait vu une simple feuille de papier marquée de deux courtes frases « Produit hautement dangereux. Manipuler avec extrême délicatesse » Mais ce qui l’avait encore plus surpris, c’était une petite étiquette collée sur la feuille. Avec un seul nom en majuscule. EPSIUM.
Le mari de sa sœur cadette s’est empressé d’empocher le papier et n’en a parlé à personne. Enfin presque personne. Le nom de ce laboratoire franco-allemand s’était étalé quelques mois auparavant en première page de bien des journaux pour une histoire de virus incontrôlé en Afrique.
Sous peine d’être mis aux fers comme autrefois, le quartier-maitre Azoulay fut sommé de ne rien révéler de cette conversation. Quelques derniers mots le plongèrent dans une peur permanente.
-Tout ceci relève du « secret défense » et peut vous conduire devant une cour martiale…à moins que des barbouzes n’interviennent avant… Vous pouvez disposer. Pour le moment vous ne recevez aucune punition, aucun blâme. Rompez !
Une fois le « torpilleur » parti ; le « Pacha ordonna a son second qu’il fasse réduire la vitesse à quinze nœuds. Ensemble les deux hommes purent ainsi plus longuement se consacrer à la réflexion avant d’arriver sur le site prévu. Lenteur. Prends ton temps Constantin, prends ton temps…Un bon point apparent, le second maitre à bord, le « loufiat » qui ramènerait le navire à bon port au cas où, a paru de son côté et non apparenté aux deux loustics des services spéciaux. A paru ?
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Constantin croise deux promeneurs encapuchonnés qui n’ont la politesse répondre à son salut. Malotrus d’hommes modernes ! Les chiens tenus en laisse grognent puis aboient et sont rappelés à l’ordre plusieurs fois. Ils ne se taisent qu’une fois les deux individus disparus. D’autres événements terribles viennent à sa mémoire.
Il n’avait que treize ans en 2019 quand éclata la première guerre mondiale de ce siècle. Une blitzkrieg qui n’avait duré qu’un mois et demi avant que les politiciens ne réagissent en retrouvant un peu de bon sens. Un milliard deux cents millions de morts seulement. Des spécialistes de l’époque avaient considéré que cela constituait une saignée favorable, bien qu’à leurs yeux insuffisante pour la race humaine !
Il se rappelle l’immense peur des populations. A elle seule, la frénésie des rassemblements pour la paix avait déjà provoqué des mouvements de foules meurtriers. La télévision ne savait plus où donner de l’image et les commentaires devaient presque utiliser de nouveaux mots tant cela était inédit. La quintessence de l’horreur ! La France fut épargnée et certains jurèrent à l’époque que les tonnes de cierges brulés avaient réalisé ce miracle!
Le vent devient décidemment trop fort.
- Demi-tour. Abrégeons la promenade !
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L’abominable plongeur s’appelait, ou du moins disait s’appeler, Vincent Huguenot et ne se prétendait pas pour autant protestant. Mais il savait calculer. Une distance et une vitesse donnent une durée. La plateforme continentale américaine devait être atteinte plus vite. Le Mid Ship Huguenot se présenta fort courroucé devant la cabine de Constantin et entra sans frapper. La beuglante qui le reçut, dut s’entendre jusqu’à la mère patrie. Mais après s’être excusez, il exigea donc que les vingt nœuds s’affichent de nouveau sur les instruments.
-Refusé. Il est précisé que je devrais ne recevoir d’ordre de vous que lorsque nous seront en place. Prêt à l’action. Nous n’y sommes pas encore. Rompez !
Le soi-disant officier des transmissions qui avait déjà fait ses preuves en plongée profonde commit un imper. Une bourde de taille en tendant la main au Pacha pour demander la paix.
On ne se serre pas la main dans un sous marin. Pas plus qu’on ne prononce les mots corde et lapin sur un bateau y compris les voiliers. Cela porte malheur ! La poignée lui fut donc refusée avec sa logique courte explication. Deuxième excuse de l’étranger à bord et début d’une haine profonde entre les deux hommes. A cent cinquante mètre c’était vraiment le cas de le dire !
Au niveau précis du 38 IIème parallèle nord, le submersible fila plein ouest, propulseur pratiquement silencieux, à moins de dix nœuds de vitesse. Il passa juste entre les deux réalisations françaises nommées Triton. Espérant fortement qu’elles allaient se montrer à la hauteur des espérances de ses créateurs. Huit heures plus tard le Redoutable se posa sur un fond sablonneux en forme de cuvette, à trois-cent soixante dix mètres de profondeur. La seule chose que désormais il pouvait craindre était d’être détecté par des tout aussi redoutables que lui, des navires spéciaux de la Navy, chasseurs de sous-marins.
Le monstre guerrier sur place et comme il était prévu, Huguenot vint pour donner les ordres. Le Cap de veau Constantin exigea la présence de son second, celui que trous à bord appelait le loufiat Doudou. Cérémonieusement, devant ses deux interlocuteurs extrêmement attentifs, Huguenot fit sauter le cachet de cire d’une grande enveloppe marquée du sceau de la présidence.
-N’importe quel ordre ?
Après l’opération antarctique, elle aussi incompréhensible car il n’était pas nécessaire de s’approcher autant de la banquise et la finalité restait un total mystère, les nouvelles instructions renforcèrent l’énigme.
Le submersible de combat devait armer puis lancer sur une petite ville américaine un missile équipé d’une ogive très spéciale ! Celle que la rumeur dont on ne parlait plus maintenant avait désignée comme arme bactériologique ! L’objectif assez isolé indiquait donc qu’une rapide expansion du sale produit ne pouvait pas se produire. La découverte hasardeuse d’une étiquette au nom des laboratoires Epsiom indiquait pourtant clairement un agression caractérisée qui allait faire plusieurs milliers de morts, parmi une population d’un pays allié et non en guerre !
Le Pacha se mis à trembler et sous prétexte à la préparation du tir demanda à rester seul avec son second.
-Pas question ! Conformément aux instructions que vous avez reçues, je dirige désormais les opérations.
Monsieur le plongeur en eaux troubles ne s’attendit certes pas à la réaction, encore moins venant d’un homme calme et jamais pressé, sinon son entraînement poussé de commando lui aurait fait éviter un formidable coup de poing en pleine face. Alors que son nez pissait le sang un petit pistolet automatique ultra plat apparu comme par magie dans sa main.
Lenteur. Penser avec lenteur. Une idée pour neutraliser ce fou…Trouvée !
Constantin, en reculant s’approcha de son bureau et appuya sur un petit interrupteur, invisible car quelques feuillets de papiers le couvraient.
-Faux marin, véritable barbouze, ce n’est pas parce que vous braquez une arme sur nous que vous allez prendre possession de ce navire. Si vous nous abattez, l’équipage va vous lyncher. Vous ne rentrerez jamais vivant en France !
-Commandant, je vous ferais passer en conseil de guerre pour refus d’exécution d’un ordre.
-Moi, Commandant de vaisseau Constantin Gaillant, chef suprême à bord, ordonne à l’équipage du Redoutable d’arrêter et de mettre aux fers comme autrefois les deux soi-disant enseignes qui ont rejoint nos rangs pour cet embarquement.
-Et vous croyez que vos gars vous entendent ? C’est impossible !
-Erreur monsieur le barbouze. J’ai actionné un micro qui me permet à tout moment de communiquer à l’ensemble des hommes, où qu’ils soient. Ils ont parfaitement capté notre intéressante conversation. Cinq sur cinq !
Ordre de se préparer pour quitter notre position. Cap sur notre pays.
A ce moment précis une alarme très particulière retentit. L’officier des écoutes sonar cria.
-Nous sommes repérés, notre coque répercute des échos de sonar. Fréquence des navires de la Military Sealif Command. Un chasseur de sous-marin doit se positionner au dessus de nous ! Tout le monde aux postes de manœuvre. En attente des ordres !
-Ici votre Commandant, chassez les ballasts. Stabilisation à deux cent cinquante mètres. Propulseurs un et deux en avant demi. Cap à l’Est un quart Sud.
Trop tard !
Impossible de savoir à quelle distance, mais un premier chapelet de grenades anti-coumarines ébranle le Redoutable. Aucun dégât…pour le moment. Un surprenant message de la surface arrive par ondes basses fréquences, en morse, non codé et…en Français !
Avis au sous-marin. Faites immédiatement surface ou les prochaines salves seront mieux ciblées. Vous n’avez reçu qu’une semonce pour le moment. Quatre navires sont prêts à attaquer.
Vous avez exactement une minute.
-Alors, monsieur le vilain barbouze, vous qui êtes si fort, que feriez-vous ? Rengainez cette arme ridicule, mes hommes vont vous lyncher, je me répète car vous semblez ne pas avoir compris.
-Vous me payerez ca !
-Sortez !
Les yeux plein de haine monsieur Huguenot s’avança vers les hommes qui l’attendaient.
-Que fait-on commandant ?
-Mon brave Doudou, vous voyez une autre alternative que de se rendre ?
-Mourir !
-En temps de guerre j’aurais déjà entamé le combat quitte à se que nous affrontions toute une flotte. Nous seuls. Je suis moi aussi prêt à rejoindre mes alleux ; mais pas pour des fèves aujourd’hui !
-Avis à tous les hommes ! Transmission, répondez que nous faisons surface. Immersion immédiate puis faites hisser les couleurs ainsi que le pavillon américain. Aux postes de manœuvre !
Le spectacle qui attendait les Français fut tout à fait inattendu. Les navires de guerres yankees présents sur place étaient innombrables. Quelle manipulation avait du faire les deux salopards pour qu’ils ne soient pas entendus ? Un hélicoptère se posa sur le pont encore ruisselant et un officier supérieur descendit, salua militairement et ne tendit pas la main…ce type devait connaître la tradition !
-Vous êtes la Commandant de Vaisseau Gaillant ?
-Lui-même !
-Commander[2] Ian Bavery, le Rear Admiral Henry Missinger vous attend à son bord. Vous montez avec moi je vous prie !
-Juste un ordre à donner.
Se tournant vers « le loufiat » et à voix basse :
-Sous aucun prétexte vous laissez entrer. Pas même un « observateur » dans le kiosque ! Ils n’utiliseront pas la force.
Vraiment impossible que les yankees aient cru un seul petit instant la version du commandant d’un sous-marin nucléaire français. Définie en des thermes techniques les plus précis possible, l’incompréhensible panne dans les systèmes de repérage avait fait sortir le submersible des eaux internationales. Evidemment que Paris se chargera bientôt de présenter ses excuses officielles, de toute bonne foi.
Constantin a du faire preuve d’un sang-froid peu commun quand l’Admiral lui a précisé :
-Quelle coïncidence que d’être passé précisément entre deux balises…qui ont été, disons, légèrement trafiquées !
-Je ne vois absolument pas ce dont vous parlez !
Plus d’une heure de discussion, polie, très courtoise, où chaque interlocuteur joua son rôle à la perfection. Constantin brulait d’envie d’orienter le débat sur un terrain antarctique mais rien ne vint. Il n’osa pas. Pendant ce temps les échanges entre Washington et Paris étaient ininterrompus.
Quelques heures plus tard les télévisions du monde entier transmettaient des images de l’incident. Le lendemain, le Redoutable et son commandant faisait la une de tous les journaux alors qu’il rentrait au bercail en immersion. L’Admiral Missinger, un large sourire illuminant son visage, c’était permis un beau trait d’humour en laissant son hôte repartir.
-Essayez de ne pas vous perdre sur le chemin du retour Commandant !
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Les deux chiens tirent sur la double laisse sachant qu’une bonne pâtée leur sera servie à la maison. Le vent fort dans le dos et la pente favorable, Tintin a bien du mal pour ne pas courir. Moment incertain où le loup va remplacer le chien, les lampadaires blafards viennent de s’éclairer. Une courbe assez serrée et la propriété sera en vue.
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A Brest, le Redoutable était attendu. La nuée de journalistes présents est restée sur sa faim. Personne n’a pu interviewer un seul membre de l’équipage. Aucun officier supérieur ni membre de l’amirauté pour prendre le journal de bord. Une simple enveloppe scellée remise par une enseigne de corvette. A l’intérieur, trois mots, un ordre. Le dernier de sa carrière.
Rentrez chez vous
Pas même signé !
Et depuis huit longues, très longues années, l’attente d’une simple explication qui n’est pas venue !
Que c’est-il passé en Antarctique ? Rien ! Aucune nouvelle…Le premier tir, certainement dans l’eau, ne devait être destiné qu’à valoriser la capacité du pacha « N’importe qu’elle ordre ? »
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Au sortir de la courbe du chemin, les chiens les ont vus en premier et aussitôt ont aboyé. Les deux promeneurs attendaient…
-Mais qu’est-ce qu’ils veulent ces loustics ?
Deux chocs d’une violence inouïe dans la poitrine répondirent à sa question.
-Connard ! Ca t’apprendra à ne pas vouloir me serer la main. Ya un bail que j'attendais cet ordre!
Le reste de la soupe d’hier sera suffisant et se réchauffe doucement sur une plaque de céramique. Mathilde attend son mari qui devrait déjà être là. Dans un instant il va franchir le seuil et se débarrassera de son cardigan avant de venir tendrement l’embrasser. Elle a peur de ce qu’elle va voir et entendre mais allume le téléviseur.
Des larmes vont la ravager deux fois.
11 novembre, une date anniversaire déjà marquante pour notre beau pays, elle le sera doublement dorénavant. La France vient à son tour, avec le prétexte d’honorer les engagements de ses dernières alliances, de déclarer la guerre à la Fédération des Républiques Russes...
Un peu moins de deux ans après la spectaculaire prise du pouvoir du CPL avec une écrasante majorité, comme dans presque tous les pays européens, l’extrême droite règne. En France elle a pour doux nom le Comité Patriotique de Libération, digne émule de ceux qui l’ont enfanté, le Frond National .puis le Rassemblement National.
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