Douce plume acariâtre

   Ce  texte   n’est pas destiné à offenser qui que ce soit. Les croyances sont respectables dans la mesure où tout individu, d’où qu’il vienne, possède le droit de se tromper dans son incarnation actuelle,autant que dans sa future Errare humanum es.

    Si l’un des lecteurs se voit choqué par l’Evangile selon le sain d’esprit, il est positionné sur la même échelle que ceux qui sèment la terreur pour une simple caricature. Un peu moins haut certes. Mais attention, sur cet ustensile prétendant monter jusqu’au ciel, la poussée de bas en haut ne se contrôle que très mal…elle fait souvent tomber dans d’infernaux précipices !

                  Vous voici donc avertis.

 

À Alicia.

 

     L’EVANGILE SELON LE SAIN D’ESPRIT.

  Evangelium secundum sanum

        הבשורה על פי השפוי 

          الإنجيل وفقا لعاقل                            

                                                               

 

                          Comme des milliards de petits matins auparavant, l’astre chaud se prépare pour émerger de l’horizon. Cette ligne dont les détails vallonnés sont indiscernables dans une brume lointaine et que les yeux dans un instant ne pourront fixer qu’en se plissant fortement.

       Il fera beau aujourd’hui ! D’ailleurs, pour Eslse Anje Rhynca, le mauvais temps ne peut exister. Il sait que la perception que possèdent les hommes sur la nature météorologique n’est que subjective. Le minuscule voilier dans un trop grand vent voit son capitaine jurer contre les éléments alors que son éolienne se réjouit de pouvoir recharger la batterie. Les feux qui dévastent une terre après une sécheresse maudite laisseront place à une nouvelle vie. Peu de temps après que le magma ne se soit refroidi, une graine intrépide apportée par le miracle d’un oiseau, germera puis donnera la première touche d’un vert pinceau mouchetant le sol noir et tourmenté.

        Il n’est pas de bourrasque qui soit mauvaise, pas de pluies aussi diluviennes soient elles, qui n’aient leur utilité. Seul monsieur l’Homme possède la prétention de décider du bien et du mal de la nature, en fonction de ses désidératas. Lui donc pourra dire fort content, que le soleil brillera et que nulle tourmente ne viendra s’abattre prochainement sur ses épaules en ce territoire que l’on qualifie de biblique.  Cet antique berceau de l’humanité qui avait tout pour être un petit coin de paradis. Une terre que le bipède devenu « intelligent » aurait pu partager dans la fraternité et qui n’a vu que l’aboutissement de l’horreur absolue…

        Il n’a pas fallut longtemps à Eslse pour gravir, alors que l’obscurité de la nuit s’enfuyait devant la poussée inéducable de la lumière quotidienne, les quatre cents mètres de dénivelé entre les ruines de la ville et la cime de la montagne. Peu sont capables de suivre le rhytme rapide et régulier de ses pas légers et silencieux. Montagne, bien grand mot pour cette haute colline qui culmine à moins de neuf cents mètres d’altitude. Mont Garizim chargé d’histoire. Sacré pour ceux qu’autrefois on appelait les Samaritains…Existences cachées, presque inconnues, qu’eux même considèrent comme insignifiante, ils sont  aujourd’hui relégués dans le profond puits de la désuétude, la Terre entière les ignore.

        Ils se sont installés sur ces terres.

       Le Tout-Puissant ayant demandé à Abraham de sacrifier son fils, c’est sur cette même proéminence que le fondateur du peuple serait monté. À leur soi-disant retour d’Egypte puis surtout après les guerres de successions de Salomon, fils de David, déjà vient la discorde. Cette version transmise de génération en génération, ne plait qu’aux Samaritains qui vont créer le Royaume d’Israël au nord. Pour ceux du sud, Abraham aurait gravi  le simple monticule où sera un jour édifié le Temple de Jérusalem. Ils s’y implanteront donc avec le nom de Royaume de Juda et s’appelleront Juifs !

      Samaritain. Le mot en ancien Hébreu signifie «observateurs ». En l’occurrence de La Loi.  Dans la même langue presque disparue Garizim veut dire sacrifice. Les mots viennent-ils des faits accomplis ou des croyances du temps passé ? Basés sur des incertitudes, sur une improuvable vérité ou contre-vérité, les hommes imbéciles trouvent toujours prétexte à se chamailler. Excédés de ne pouvoir imposer leurs idées par ce qui leur semble raisonnable, ils en viennent aux armes. Si l’on se fait la guerre entre frères d’un même sang, comment va-t-on essayer de comprendre l’étranger ?

 

       Mars 2031 de l’ère chrétienne. Radjad 1452 musulman. Véadar 5791 hébraïque. Peu avant la désolation, les chiffres parlaient…On pouvait compter à peine un millier de Samaritains pour des dizaines de millions de Juifs disséminés aux quatre coins du monde ! Et ceux du sud ont volé le nom d’Israël pour le donner à leur pays.

 

        Celui qui aujourd’hui va méditer face au levant, sait que les deux parties qui s’opposèrent jusqu’à la violence guerrière, avaient, ont, et auront tort pour l’éternité. Rien ne s’est passé comme les écrits, qu’ils soient du nord comme du sud, le laissent supposer. La pierre où il va s’asseoir vient d’un édifice religieux. Rescapée on ne sait comment des pillages qui bâtirent la ville dans la vallée, personne ne peut dire si elle a appartenu au premier temple construit sur le sommet. Le plus ancien, celui que le grand prêtre et neveu de Judas Maccabée, Jean Hyrcan a fait détruire ou celui que Hadrien, empereur romain, a fait reconstruire une bonne centaine d’années après qu’un barbu ne soit crucifié. Les modes changent et Rome se convertit un jour…Nouvelle destruction pour édifier une église, chrétienne cette fois. Et dont l’accès devient interdit aux mauvais  comme aux bons Samaritains !

       Et pourtant la pierre n’est que pierre. Bien que sur elle…

       La première capitale du Royaume d’Israël fut Sichem, puis Sirça, puis Samarie qui est devenue Naplouse. Cette dernière  n’est maintenant qu’un champ de désolation. Ne soyez pas heureux, vous du sud ! Il n’y a plus pierre sur pierre à Jérusalem !

       Et tous autant que vous êtes, ne feignez pas de vous étonner et n’ayez pas de crainte, vous trouverez demain  un autre Mur où vous vous lamenterez. Comme à l’habitude vos pleurs, si semblables à ceux de tout autre humain, sont des prises en pitié de vos avenirs incertains. Car en bons hypocrites, vous vous réjouissez d’être des survivants, incapables de faire revenir les disparus ; fiers de votre rôle nouveau, mettre en marche l’anneau de la vie qui doit se perpétuer. Vous qui conterez aux fils, petits-fils, arrières et arrières petits fils l’exploit de ne pas être morts ainsi que le sacrifice de ceux dont un jour on fera la liste pour la vénérer…

         Plus loin, vers l’ouest, la capitale des adorateurs du Crucifié est également anéantie. Ce qui reste des vestiges du passé,  comme les constructions récentes, vitriolés par la chaleur d’une seule bombe. Rome accompagnée de son chancre de Vatican a rejoint Sodome et  Gomorrhe,  deux villes que Dieu prétend avoir châtiées pour leurs vertus non sanctifiables. Hiroshima et Nagasaki deux autres qui devaient servir d’expérience pour constater les effets du progrès atomique sur une population…Sur tous les continents, monte dans le ciel en bien d’autres volutes noires et contaminées, le parfum apparemment indestructible de l’imbécilité humaine. Eslse connait les maux actuels de la Terre. Les mêmes qu’il y a des milliers d’années, appliqués avec le facteur multiplicateur d’une science toujours plus inventive à tuer qu’à bien faire vivre.

        Vers l’est, les non-violents de l’Inde ont péri par dizaines, voir centaines de millions. Leurs proches voisins continentaux, au-delà de la haute barrière himalayenne, trop regroupés dans d’invivables mégapoles, veulent en masse retourner vers leurs agréables campagnes d’origine et meurent en longs cortèges sur des routes où rien ne peut les alimenter. A part en de très rares endroits, le point de non retour de la politique de l’autruche a porté ses fruits. Chronique d’une mort annoncée de la société, que tous voyaient venir, et qu’aucun n’a voulu stopper. Ceux qui prétendaient pouvoir s’échapper, qui avaient monopolisé l’ensemble des richesses de la planète à leur unique profit pleurent aussi de ne pas être épargnés. Quelle injustice !

                   -Pierre, sur toi je vais m’assoir !

      Longue expiration paume des mains vers le bas. En vidant la partie haute des poumons dans un premier temps, puis le diaphragme remonte en se contractant et en chassant les dernières molécules  subsistantes d’air vicié. Paume des mains vers le ciel cette fois, l’inspiration fait pénétrer Prânha qui ré oxygénera le sang. Mouvement inverse du diaphragme et  des poumons…inspiration, expiration…rythme lent…cœur qui ralentit ses pulsations…

        Au moment précis où le premier rayon du soleil touche son front, Eslse Anje Rhynca entre en vibration. Son corps se dissout en une infinité de particules qui partent  voyager sur des ondes énergétiques encore inconnues des humains. Celles du temps. Ne reste sur le bloc de pierre qu’une image tridimensionnelle et impalpable.  Un quelconque observateur pourrait s’étonner de sa parfaite immobilité, troublé par le rayonnement  non visible mais audible qui maintenant émane du personnage, il ne s’approcherait certainement pas.

   

       « Chevauchant » les  ondes du temps le voyageur resurgit en de multiples lieux et en de différents  moments, tous infiniment proches sur l’échelle de l’existence de la vieille Terre et tous ayant trait à l’histoire d’un certain Jésus.

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      Pablo déjà exilé une fois, revenu à Rome, s’en réfère comme la loi lui permet, au jugement du César.

        Néron consciencieux, nageant comme poisson dans une eau politicienne toujours boueuse et parcourue de traitres méandres, compulse les tablettes personnelles de Ponce Pilate qu’il a faites tout spécialement apporter de Vienne en Gaule. Ville qui vit périr l’ancien simple Préfet de Judée. Homme que des textes farfelus du futur élèveront au rang de Gouverneur avant de le maudire ou encore, selon des études imaginaires, de le sanctifier après une soi-disant conversion au christianisme.

     On raconte ici l’invraisemblable hypothèse du suicide de Pilate sur les rives d’un beau fleuve aussi majestueux que souvent dangereux.  Aucune inscription dans le marbre n’a jamais mentionné cette anecdote. L’émissaire de Néron a seulement eu confirmation d’un seul fait établi : Le représentant sur les terres du levant de l’Empire aux Légions Invincibles, aurait tranquillement finit ses jours de l’autre coté du fleuve, au flanc d’une montagne que les anciens Celtes déjà vénéraient et où leurs chefs se faisaient enterrer. On l’appelle d’ailleurs la Montagne de Pilate aujourd’hui.[1]

          Les  tablettes ayant gravé sa mémoire sont précises. Elles indiquent la mort sur la croix d’un homme que le préfet et suprême juge romain de l’époque en ces lieux, ne croyait pas coupable. Il y écrit avoir cédé à la pression des dignitaires juifs indignés par le comportement d’un dénommé Jésus dit le Nazaréen. Sur les injonctions de la population, monsieur le haut fonctionnaire romain, pressé de gracier un des deux hommes en jugement pour raison de fête religieuse, a finalement opté pour un certain Barabbas. Un qui aurait fait meilleur effet sur une potence. Dont il était, lui, réellement un gibier.

       Néron se gratte la tête. Les mémoires du fonctionnaire Pilate ne lui servent pas à grand-chose. Savoir si le fameux Jésus a été coupable ou non, ne lui importe peu. En tous les cas l’individu en question devait être un danger public ! Mort depuis vingt-sept ans, il embarrasse encore fortement l’Empire. Ne serait-ce qu’à travers de ce nouveau fauteur de trouble qu’est  Pablo. L’histoire gênante se répète en un autre lieu. La communauté juive de Rome veut la peau de cet érudit farci de culture hellénique  qui prétend que le Jésus en question a revécu après sa mort. Lui, Empereur Néron Claudius Caesar Augustus Germanicus se doit de maintenir la paix dans les murs de Rome. La stabilité du régime, et non pas comme beaucoup le prétendent, son seul plaisir personnel. La paix sociale est garante d’un beau lendemain.

        Et qu’on se le dise, le futur de Rome se doit d’être harmonieux. Les provinces vont apporter davantage de richesses que par le passé. Et la capitale sera la plus moderne du monde connu.  Ce n’est pas le retour d’un Juif minable et mythomane qui va empêcher ce grandiose projet. Si lui avait été présent en cette lointaine Jérusalem, la croix serait toujours debout et les restes d’homme qui s’y trouveraient, pourris depuis longtemps, sans possibilité de venir troubler l’ordre romain en sa propre capitale !

        Ce fouteur de merde de Pablo aujourd’hui distille son venin dans les ruelles étroites, ce semeur de zizanie a réussi l’exploit de diviser la communauté juive jusque-là tranquille et aujourd’hui agitée. Ces nouveaux « chrétiens » qui complotent contre l’autorité, crachent dans leur soupe romaine. Ils doivent être contrôlés, voir manipulés. Et si je ne peux le faire, je dois le faire. Je les détruirai tous, sans pitié.

               -Prenez les ordres ! Puis brisez les tablettes une fois qu’ils seront exécutés ! Faites décapiter ce tel Pablo. Pas de risque qu’il descende d’une croix à son tour. Ceci est le jugement du César !

                Brisez également les tablettes de Ponce Pilate. Tout ce qui se réfère à l’ancien préfet doit disparaître. Ici comme à Vienne. Retrouver pareilles sornettes serait dangereux plus tard. Réduisons ainsi  les risques de voir ce démoniaque Jésus transformé en Dieu !

        Dans l’ombre de son ombre, une force vibrante qui vient du futur a enregistré la délibération mentale de Néron, puis l’ordre fatidique donné. Cet Empereur n’ayant travaillé que pour le bien de ses sujets, ne les oubliant qu’un peu au moment de faire construire son magnifique palais après le Grand Incendie, celui qui a fait de Rome une ville où deux chars peuvent se croiser dans la même rue. Cet empereur-là ne sera pour  les  historiens, at. vitam aeternam, qu’un sadique et un vicieux. Un histrion se rendant aux spectacles en petites jupes, qui aurait assassiné son frère, sa mère et une paire de ses nombreuses épouses.

       Un homme impardonnable qui a brûlé la ville,  qui a transformé en torches vivantes ou fait dévorer par les animaux du cirque ceux tenus pour responsables du grand feu, qui va bientôt se marier avec un castra à peine pubère, qui, qui, et chaque jour encore de davantage de « quis ».

      Pour juste un peu d’ordre social incompris, le jugement du César a fait choir sur les épaules de Néron les plus grands mensonges que les hommes sont capables d’inventer.  Surtout pour défendre la pureté et la justice d’une nouvelle croyance, d’une nouvelle religion. Le dogme anti-néronien n’arrêtera jamais de casser du bois sur le dos d’un bon politicien, si tenté que ce qualificatif puisse être attribué à cette catégorie d’individus. La durée de son mandat et ses réalisations en témoignent.  Il reste un des hommes les plus cruellement haïs  d’une  église au demeurant charitable et prêchant le pardon.

                         Mais il y a tant et tant d’autres dogmes!...

         …Tout avait commencé soixante et un ans auparavant. Et ici vient le enfin dernier évangile, texte qui contrairement aux autres ne sera pas réécrit, traduit[2], transformé, raturé, tronqué, déformé, amputé d’un contenu incompréhensible. Auquel « on » ne rajoutera nul complément complaisant à une idéologie de domination religieuse, moraliste ou seulement seyante à la mode politique du moment. Texte relatant la vie la vie d’un homme hors du commun et de grande bonté, écrit une fois encore par quelqu’un n’ayant pas connu le principal protagoniste de l’histoire…

                              Bien que…

      

Chapitre Premier.

En ce temps-là…Gabriel.

                            Joseph le charpentier est  patriarche du clan. Lui, descendant de David, a tenu sa place dans la société juive.  Les devoirs que Dieu demande à tout homme, toute sa vie il s’est évertué pour les accomplir. Jamais il n’a eu la prétention d’avoir atteint la perfection. Comme responsable, il souhaite pour les derniers venus dans la famille de poursuivre le chemin de clarté. Celui que la loi, stricte, que nul n’a le droit de qualifier d’injuste, trace pour tout Juif qui se respecte. Sa figure emblématique de chef s’est dégradée cette dernière année. La vieillesse le marque et il sent venir sur lui les affres de la mort.

       Il n’aura pas l’immense joie de connaître le Messie. Celui que le prophète Isaïe a annoncé, celui qui d’après
les textes viendra d’une femme n’ayant jamais reçu l’homme !

         Comment admettre, comment  confesser devant les siens que cela le dépassait. Seulement que de parler, rien que d’avouer qu’il avait toujours vu en la prophétie  une absurdité, ou plutôt une métaphore que seuls des initiés pouvaient comprendre, lui aurait valu les foudres de tous les grands prêtres, tous les professeurs de la Foi, les enseignants de la Torah. Et  aucun de tous les hommes rencontrés dans sa longue vie ne lui avaient révélé faire partie de ces initiés. Alors…

          Attendait-on un sauveur en lui posant par avance une impossible barrière pour son arrivée ? Aucun Juif ne pourrait admettre que la mystérieuse prophétie puisse s’accomplir un jour au pied de la lettre. Que cachait donc-elle ?

             Un nouveau jour de répit est accordé au vieillard par le Tout-Puissant.

             Décidemment l’hiver fut bien long, les premiers pas du printemps ne se sont manifestés que tardivement et l’or des arbres, cette fine poussière, qui s’infiltre dans le plus petit recoin de la maison, qui souvent fait tousser, est apparu avec presque un mois de retard par rapport à la normale.

             Le jour se lève, le coq a chanté depuis longtemps déjà sans attendre que le bord supérieur du soleil ait dépassé l’horizon. La maisonnée en pleine effervescence matinale, prend son premier repas que Joseph a béni. Depuis quelques temps il a l’impression de ne servir qu’à ca…donner ses bénédictions. Plus personne n’écoute ses jérémiades, il sait que dans son dos le mot sénilité est très souvent prononcé mais il possède encore la force, le caractère,  de ne pas le faire remarquer. Dehors les chiens aboient soudain alors que plusieurs enfants regardent le débouché du chemin.

                      -Un visiteur ! Un visiteur !

                       Regardez, il semble couvert d’or !

        Si matinal ! Comment va-t-il juger l’état de la maison ? Quelle inconvenance que de ne pas être toujours impeccable pour recevoir dignement celui qui passe ! Les servantes s’affairent en une puérile tentative de rangement avant que l’inconnu ne franchisse le seuil de la porte. L’une d’entre elles, une jeunette nommée Myriam  se précipite à l’extérieur avec la bassine d’eau et le linge blanc brodé de l’étoile bleue de David.  Les pieds qui ont avalé tant de poussière du chemin doivent être symboliquement lavés.

         L’ancien s’est levé avec peine et l’un de ses fils le soutient alors qu’il se présente et donne la traditionnelle bienvenue. L’homme a-t-il prévu que juste derrière lui, le soleil maintenant brille, le peignant d’une aura extraordinaire, le transformant en un être lumière ? Quand il entre dans la maison, une étrange vibration l’accompagne.

                    -Je m’appelle Gabriel !

          Le miel de sa voix harmonieuse fond dans le cœur de Myriam.

                    -Il faut que je te parle Joseph! Mais avant, permettez-moi de me changer !

          Une flèche fend le cœur de Myriam. Elle sait. Avant tous ceux de la maisonnée, elle sait que l’étrange visiteur est venu pour elle. Le trouble de sa chair lui parait si fort qu’elle rougit et dissimule son visage. Comment peut-elle penser en ce moment précis, n’ayant jamais connu un homme, qu’elle a été choisie. Elle, une simple serveuse, qui en une fraction de seconde vient d’être dévorée par les feux de l’amour. Immédiatement la phrase du visiteur confirma sa proche vision de l’avenir.

                      -Soit sans crainte Myriam !

                      -Moi ? Mais je ne suis que la serveuse du seigneur de la maison !

                   Pardonne-moi Dieu tout puissant, mais que ton émissaire est beau ! La merveilleuse vibration qui émane de lui entre en  moi et semble vouloir me liquéfier. Si cela est un péché, qu’il me le soit reproché, mais je suis déjà pleine de joie !

       Myriam s’évanouit. Ignorant que l’histoire s’intéresserait un jour à elle en ôtant seulement les trois derniers mots de sa réponse à Gabriel, et en écrivant seigneur avec une majuscule peinte d’un plus grand respect. Quand elle reprend la connaissance de son entourage, Gabriel parle encore avec Joseph. Conciliabule inaudible qu’essaye vainement d’écouter Elisabeth en se tenant au plus près d’une épaisse tenture.

         Elisabeth, la malheureuse épouse de Zacharie, qui n’a jamais enfanté et qui depuis plus de deux ans n’a plus ses sangs. Elle ne prie Dieu, tous les jours et à chaque instant, que pour voir l’accomplissement d’un miracle. Le visiteur est-il un envoyé de l’Eternel ?  Sa foi en l’improbable lèvera la montagne de l’impossible, car Jean viendra.

       Cette nui-là en la maison de Joseph une étrange vibration est audible de tous. Zacharie retrouve une vigueur oubliée auprès d’Elisabeth.  Alors que, couchée au flanc de Gabriel, Myriam la simple servante vibre d’une onde merveilleuse nommée Amour. Car la Loi précise bien « qu’il ne peut pas avoir de naissance  sans amour ».

       Pour Myriam, certains textes diront bien plus tard en lui inventant un nouveau prénom, Marie cela sonne moins juif, qu’apprenant qu’elle deviendra mère, elle  posa une question : «comment cela se fera-t-il ?». L’Ange expliquera que le  Saint-Esprit la couvrira de son ombre avant d’entrer en elle.

       Dans l’ombre de son ombre, une voix s’adresse à Gabriel :

               -Toi qui connais le futur. Toi qui sais ce qu’il adviendra de ton fils. Ne peux-tu pas refuser d’engendrer également un grand simulacre qui va diviser les hommes plus que  les unir ?

      Gabriel se montre sourd. Et comme le proverbe « tel père tel fils » a parfois de bonnes bases, son fils nommé Jésus lui aussi rechassera la voix venu de l’Univers.

        Tout n’a pas été qu’un rêve, la réalité du moment n’affole pas Myriam bien que son Ange de Lumière se soit évaporé aussi mystérieusement qu’il était apparu. Que dit la Loi quand une femme non mariée va concevoir ? Sous le toit de David on ne fera pas l’exception aux textes. Il est donc inscrit  sur les rouleaux de parchemin du clan, que Joseph se déclare père de l’enfant à venir du ventre de Myriam. Et Mathieu aura raison demain en écrivant (soi-disant) dans son  évangile 1 :25 « Mais il ne la connut point jusqu’à ce qu’elle eut enfanté un fils auquel il donna le nom de Jésus »   Omettant de préciser que le vieillard en était incapable et que peu de temps après, il allait rejoindre le Royaume de l’Ombre, celui d’où personne ne revenait.

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 Chapitre Deuxième

 En ce temps-là…La nativité

     Erode Premier le Grand a fait tout ce qu’il a pu pour être aimé des juifs qu’il dirige. En vain. Après la grande sècheresse, il s’est démunit de ses richesses personnelles, du moins une grande partie, pour acheter du blé à une  Egypte plus chanceuse dont les greniers étaient pleins. Cet Iduméen a pourtant le sang de ceux qui vienne d’Isaac !

     Comment diriger un pays, déjà minuscule, et où de surcroit chaque branche de l’arbre généalogique veut avoir son propre roi. Pas étonnant que les Romains aient conquis toutes les terres que Dieu attribua à Abraham ! Ces permanents comploteurs maintes fois ont essayé de le faire assassiner. Ces fous qui interminablement décortiquent la Torah jusque sa plus petite virgule, se battant pour des broutilles depuis des centaines d’années sont décidément irréconciliables. Pas étonnant encore que les Romains lui fassent confiance. Depuis quarante sept ans, c’était du temps de Caïus Julius Caesar Octavianus Augustus, les occupants lui ont confié la gestion du pays.

      Il a réussi à payer un tribut moins pesant que d’autres régions bordant la Marae Nostras. Et les querelles permanentes entre juifs favorisent la puissance militaire de Rome. La guerre civile qui résultat de la succession de Jules César ne l’a pas affecté. Au contraire, ne prenant aucun parti, Hérode a poursuivi un mandat renforcé.

       Il a réussi à reconstruire le Temple de Salomon que Nabuchodonosor avait démantelé (il est vrai avec l’aide des Iduméens de l’époque). Fait de Jérusalem une ville digne de ce nom. Grande, belle et facilement défendable. Le réseau routier mis en place sur ses indicatives, reste en permanence bien entretenu et carrossable. Sous sa houlette et aux fins de développer le commerce, la ville nouvelle de Cesárea avec son  port moderne plus grand que celui du Pyrée et où désormais peut s'amarrer n'importe quel navire, est devenue fleurissante. Un vent de facilité pour mieux vivre qui ne devrait lui valoir que des compliments des habitants de la région. Lui qui est un visionnaire, lui qui voudrait débarrasser tous les hommes qui ont la foi d’Abraham du carcan des lois, n’est que critiqué. Car c’est vrai que chez les Juifs…

       Du petit matin quand le coq chante, jusqu’au moment où le chef ordonne le silence des hommes et la mise en demeure des lumières, tout, absolument tout, est régit par des textes de la Torah. De la façon de se lever, de comment utiliser, puis laver les ustensiles de cuisine, de qui doit s’effacer au devant d’un autre dans un couloir, un escalier, une porte. Comment ranger les armoires, sur quel critères l’on choisira les prénoms des enfants et aussi l’inconcevable complexité dans la préparation des repas. Les centaines de tabous sur les aliments, purs ou impurs. La façon de marcher, de regarder son vis-à-vis, les salutations, les formules immuables de politesse. Jusqu’à la manière dont on se comporte  pendant l’expulsion des « matières sales » ! Tout ce qu’il est convenant est écrit. Y compris la forme d’honorer une de ses épouses dans un ensemble de parchemins très particulier, relatant le sain comportement entre les sexes. La Tsniut ! Il est des gestes dans l’acte qui sont qualifiés  d’indécents.

         La Tsniut veut que chaque membre du corps que les femmes ont l'habitude de couvrir restera couvert. Ainsi aucune n'aura le droit de découvrir ses jambes à partir du genou vers le haut, et ses bras à partir du coude  vers le haut, ou encore de porter un habit tellement décolleté que l'on peut voir ni les clavicules ni la partie supérieure du sternum, interdiction formelle d’habits moulants ou attirant par la couleur. Enfin  une femme mariée est contrainte de couvrir ses cheveux en public et d’éviter une excessive onction de  parfum.

        La femme par contre peut découvrir ces parties du corps devant son mari, la Tsniut précise que l'homme n'a pas le droit de regarder avec fixation l’organe intime de sa femme (à plus forte raison le toucher, l’embrasser ou le lécher). Il est heureusement permis de découvrir ces parties du corps devant d'autres femmes, et devant un médecin en cas de nécessité extrême.

        L'homme est lui aussi contraint à la pudeur bien qu'avec beaucoup plus de modération. Se déshabiller ou s'habiller pour se coucher ou se lever (si l'on dort nu) devra se faire sous le drap. Certains dévots jusqu’au-boutistes convulsifs,  évitent même de découvrir leurs épaules ou toute autre partie du corps que l'homme n'a pas l'habitude de montrer.

        Selon le Talmud, les parties  sexuelles des enfants  ne sont considérées comme sexe au sens vraiment juif. Il est conseillé, voire obligé, d'éduquer les enfants en particulier les filles à la Tsniut, comme à tous les autres commandements.

        Il n’y a qu’une forme d’aimer, et uniquement quand le but est d’assurer la descendance de la tribu. Sinon, cela peut déplaire au Tout-Puissant.

       Avec un drap, spécial, qu’il faudra soigneusement lavé puis plié, comme toute pièce de la lingerie, d’une certaine façon. Un drap spécial  laissant une ouverture au bon endroit et qui permet l’accouplement évitant ainsi que les corps ne puissent se toucher au-delà de la nécessité, plus loin que la bienséance ! Dieu Tout Puissant est content ! D’ailleurs rien n’est permis de ce que les non-croyants appellent le plaisir de la chair.

       Hérode a voyagé. Il a connu le peuple des Hellènes aujourd’hui lui aussi sous la coupole des Romains. Il a rencontré les Celtes  dans le nord et plus loin encore les Germains, les Baltes et les Slaves. Aucun d’entre eux n’est astreint à de telles imbécilités. Les barreaux de leurs religions respectives  ne forment pas des cages dans lesquelles ils ne peuvent bouger. La Loi, la Loi, encore la Loi et pour varier un peu…la Loi ! Tous les autres humains vivants sur  la Terre sont moins châtiés par Dieu que les Juifs par la Loi qu’ils s’imposent.

                  -Nous sommes un peuple de fous !

       Hérode Premier le Grand ! Comme il serait beau demain d’allonger ce titre en y rajoutant  le Libérateur. Celui qui arrêta la perpétuelle fuite, l’Exil, la Soumission. Non seulement aux hommes mais aux Textes. Surtout aux Textes. Quand il entend que des hommes du Temple prétendent qu’au début était le Verbe il rajoute mentalement « Et à la fin, les Liens ».

       Rien ne peut lui être reproché si ce n’est la disparition dans le sang de tous ceux qui ont voulu se mettre en travers de son chemin. Mais quel politicien peut-il se targuer de ne pas en faire autant ? Oui, il a fait exécuter trois de ses fils. Aristobule et Alexandre qui complotèrent puis Antipater qui avait essayé de l’empoisonner. Mais avec ses dix épouses, il a eu tellement de fils, qu’un de plus un de moins…De plus quelques unes devenues encombrantes n’ont pas fait long feu. Jusqu’au grand-père de l’une d’elles, cet enragé de Jean Hyrcan, qu’il a fallu éliminer !

       Un énorme problème arrive aujourd’hui. Une rumeur, persistante et qui ne se cache plus, raconte  que le roi des Juifs va naître, qu’un Messie unira toutes les branches qui luttent pour rester séparées du tronc en prétendant pouvoir vivre seules de leurs misérables feuilles. Une petite vingtaine de roitelets est contrôlable, un seul devenu puissant pourra le vaincre. Lui et sa descendance ! Ceci est intolérable ! Ce n’est pas pour le trône de sa fonction qu’il craint, c’est pour celui de la grande Histoire. Celle de son orgueil.  Libérateur et Messie sont des synonymes, et cela ne lui plait guère.

          Que faire ? Et Auguste qui, de Rome, ordonne bientôt le recensement du monde habité sous sa tutelle. Chacun devait retourner dans sa ville, avec sa famille. Tous les enfants,  bébés et nouveau-nés doivent être également inscrits sur les marbres romains. En délégant ses espions, Hérode connaitra le nom de cet imposteur à venir, celui que l’on dira différant…et ce petit qui ne peut être innocent, aura la chance de ne pas avoir une longue vie de souffrance.

          Joseph, qui à peine tient debout lors des haltes, monte avec tous ses gens de la ville de Nazareth en  Galilée, vers Bethléem, la ville de ceux de David. Plus une place en auberge, plus  un seul lit décent dans toute la ville alors que les premières douleurs de l’enfantement irradient le ventre de Myriam et que l’eau se solidifie encore la nuit.  Un habitant déjà envahit mais généreux, propose aux voyageurs la chaleur d’une étable. Il promet de revenir chercher la parturiente au plus vite afin qu’elle puisse dignement accomplir  son travail.  Il sera trop tard. Jésus est né !

         Huit jours plus tard, comme veut la tradition, le bébé est circoncis. En ce même jour Hérode reçoit ses informateurs. Et rien qui ne puisse inquiéter l’avenir de sa descendance ! On lui rapporte l’étrange histoire d’un bébé  à Bethléem, qui doit depuis être reparti avec sa famille sur Nazareth, et qui est né entre un bœuf et un âne.

          Hérode, après avoir ri à chaudes larmes de l’anecdote, a de mauvaises pensées. Prêt à donner des ordres pour que tous les nourrissons de moins de deux mois, et  des deux villes nommées,  soient purement et simplement éliminés. Combien cela pouvait-il faire de victimes ? Guère plus d’une trentaine ! Quand une vibration sonore, à la limite du supportable, entre dans son palais.

      Dans l’hombre de son ombre et au même moment qu’une main le paralysait, il n’entend qu’un mot…NON !

                          Par peur, Hérode va écouter la vibration.

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Chapitre Troisième.

En ce temps-là…Il disparait.

                             Hors il advint que de bébé, Jésus passa à l’enfant et que tout naturellement s’en suivit un adolescent. Jusqu’au jour où il fut considéré homme et soumis au mariage. À tout adulte de bonne constitution Yahvé ordonne de procréer. Pour les femmes, elles se doivent à  ce devoir avec un délai d’un an après leur premier sang. Les hommes considérés immatures plus longtemps, devront prendre leur première épouse à partir de leurs dix-sept ans. Et avant leurs dix-huit sinon ils offenseraient « Celui qui voit ».  La Loi respectée par tous les membres du clan ne doit pas faire exception sous prétexte que sort de l’ordinaire ce Jésus fils de Joseph disparu depuis longtemps et de Myriam. 

        Sa mère  remariée qui a engendré Jacques, Joset, Jude et enfin Simon, quatre frères qui se félicitent d’avoir un ainé parmi les plus instruits qui soient à son âge. Quatre frères qui se promettent de suivre « leur » Jésus jusqu’à toujours. Cet être admiré, rayonnant, a déjà passé deux années parmi les Esséniens à étudier les textes avant de rompre avec leurs idées trop extrémistes. Il n’est de jour où les prêtres, admirant son ardeur à s’enrichir de la Loi, ne le laissent compulser la Torah. Il a déjà pratiqué le jeune prolongé et purificateur sans tomber dans la tentation du boire et du manger.

         On donne pour épouse à Jésus une noble de Béthanie au nom de Myriam. À partir de ce moment le Nazaréen cache ses pensés,  après qu’il  accomplisse auprès de sa ravissante et jeune épouse, et au grand désespoir de cette dernière, il annonce son intention de voyager.

      « Mais où donc veux-tu aller ? Ne peut-on trouver ici toutes ces choses nécessaires pour bien vivre ? Pour t’accorder avec la Loi ? ».

        Les deux Myriam, mère et épouse, les frères et les cousins ne comprennent pas. Tous doivent se contenter d’un mensonge. Aucune importance, famille, amis connus ou inconnus pour lui ne sont pas des hommes sinon des moutons ou des loups selon qui soient faibles ou forts. En lui une résurgence d’eau claire parle. L’homme a le potentiel pour être l’égale de Dieu. Et en plus cela est écrit dans les Textes :

      « Et Dieu créa l’homme à son image ! »

       Alors qu’en lui une vibration forte accompagne une pensée devenue dangereuse.

      « Au diable les livres, les textes, la Torah. Au diable les imbéciles qui les ont écrits. Au diable les ignorants qui se chamaillent voir se battent pour un terme minuscule incompris. Pour une crotte de mouche égarée dans un rouleau. Des milliers de mots, des milliers de phrases qui peuvent se résumer en un seul mot. Un ordre : AIME.

        Au diable le carcan,  la geôle où le peuple de fous dont je fais partie, prend goût à s’enfermer »

           Des routes larges de félicité peuvent s’ouvrir devant eux et tous s’obstinent pour rester sur des chemins étroits, caillouteux et bordés de précipices…où eux-mêmes s’évertuent pour que Yahvé les pousse sans cesse.  Ils vont rester prisonniers  pour l’éternité !

        Il répond :

       « Mon esprit sain me demande d’aller dévorer d’autres livres. De ceux que le feu n’a pas détruits dans la grande bibliothèque d’Alexandrie ! »

           Il veut maintenant partir vers le levant, connaître des peuples qui communient avec Dieu par leurs sens, par la respiration de l’air, tout aussi sacré que la plante, que le soleil, que la simple pierre du chemin, que l’animal le plus insignifiant qui soit.     

          Surtout ne pas révéler la destination réelle, et encore moins le pourquoi. Objectif inimaginable pour ceux qui ont la prétention, l’orgueil incommensurable de se croire les petits préférés d’un Dieu.  Y compris ceux de sa propre famille seraient capable de le faire tuer !

        Sais-tu Jésus que, d’une certaine manière, tu es bien proche d’un l’homme disparu il y a quelques années, et qui dirigea toutes les terres où ceux de la race vivent. Un nom sur lequel on crache aujourd’hui de mépris, Hérode Premier dit le Grand ?

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Chapitre quatrième.

 En ce temps-là…Il reçoit le Baptême.

                             Avant de partir sur le chemin de la connaissance, Jésus décide d’une visite à son cousin Jean. Les hommes comme les femmes rapportent de lui, qu’il est devenu hors du commun.  Bien des gens, et l’on dit de quelque soit la tribu dont ils sont originaires, Pharisiens ou Gentils, Juifs ou Samaritains et d’autres aussi, viennent à lui pour un nouveau rituel. Celui d’une eau purificatrice, celui d’un bain qui sera le point de départ vers une nouvelle vie. Une forme différente de voir les choses de l’existence humaine. Il parait même que des Hellènes, des Syriens voir des lointains  Persans…

       Cette renommé d’un membre très proche de sa famille, du même âge que lui, va-t-elle rejaillir en une source avantageuse, ou n’apportera-t-elle que des ennuis ?

       Il n’est pas difficile  à Jésus de retrouver Jean, tous les voyageurs croisés ne parlent que de lui, en paroles de haute estime. Certains élèvent celui qu’ils nomment le Baptiste[3] au rang d’un  visionnaire, d’un prophète. Sur les bords du Jourdan, ils ont attendu en une longue file le moment où ils ont  été plongés dans l’eau qui lave des péchés.

      Cette eau ! Elément que l’on craint quand il vient en grande quantité, fleuves, mers, déluges sont signes du péché et de la mort qui engloutit. La foi de ceux qui attendent effacera l’image négative de l’eau. Enfin c’est le tour de Jésus !

       En un lieu où sans danger hommes et bêtes peuvent passer, certains de ne pas se voir emportés par le courant,  Jean saute maintenant de joie et embrasse avec grandes effusions son proche parent.

              -Toi ? Mais quel merveilleux honneur tu me fais ! Mon bonheur de  t’immerger est immense, toi le vénéré de la famille, toi qui connais les textes mieux que bien des vieux prêtres ! Mais, c’est toi qui devrais me plonger dans le fleuve !

              -Non, fait ton œuvre de Baptiste ! Nous parlerons ce soir plus longuement !

    Les assistants étonnés admirent celui qui repart, celui qui aura la chance de pouvoir converser avec Jean, celui  qui parait à son tour rayonner, et ils s’inclinent sur son passage.

      Et le soir venu, dans le campement de ceux de Jean, ils parlent…jusqu’à fort tard dans la nuit. Jésus qualifie l’idée de ce « Baptême » comme géniale. Elle est le premier pas vers une libération que lui aussi souhaite de toutes ses forces. En plongeant la tête dans l’eau et ressortant vivant de cette magnifique expérience, une première peur est déjà vaincue.

              Mais il y en tant d’autres avant de se voir libérer !

       À son cousin, Jésus révèle son véritable but. Celui de la connaissance hors du Verbe, mais dans la chair et l’esprit de l’homme sain. Il avoue, voix basse, son rejet devenu viscéral non pas de la Torah qui n’est formée que de mots, mais de l’incommensurable bêtise de tous les obtus qui s’y plongent  avec délectation. Ils feraient mieux de venir au milieu du Jourdain.

      Jean plaisante.

             -Il en est certains que j’ai connus, précédés d’une telle réputation d’intransigeance, que je les  aurais poussés volontiers dans le courant. Mais je ne dois pas juger, s’ils sont venus à moi, c’est que la bonne volonté les accompagnait.

        Alors que les deux hommes s’endorment, une étrange vibration les enveloppe. Des mots raisonnent :

        « Attention, parmi ceux qui viennent ou ceux qui viendront, il n’y a pas que la bonne volonté les accompagnant, la méchanceté rode. Le puissant désir de la possession des âmes ne se vaincra pas aussi facilement que vous le souhaitez tous deux ! 

         Et il y va de votre vie ! »

         Quand le soleil se lève, après le premier frugal repas, les cousins se séparent. Tous deux ayant cru faire un mauvais rêve !

Chapitre Cinquième.

En ce temps-là…Son corps s’éveille.

                     Quatre mois pour traverser le désert de la Syrie puis les autres nombreux sables de la Perse. Quatre mois où le jeune voyageur si érudit est accueilli toujours avec forte sérénité et respect. Toujours ?  Les hommes tourmentés ont des intentions douteuses et les dirigeants veulent tout savoir, tout contrôler. Leurs espions au fiel diabolique sont présents en tout lieu et les pièges qu’ils tendent aux visiteurs,  élaborés avec la précision  des mathématiques. Une science innée aux penseurs locaux.

         Que vient faire cet homme de haut rang venu du couchant ? Que veut-il ? Où va-t-il ?

        Lors d’une halte près d’un puits, un homme avenant et souriant s’approche de Jésus et lui demande :

                 -Toi qui connais tant de textes et de lois, toi qui parles plusieurs langues dont j’ignorais même l’existence. Toi qui te dis de la descendance du Grand David qui un jour m’a été conté...pourquoi ne lèverais-tu pas une armée ici ? Ces terres t’appartiendraient et tu pourras demain y lever tribut. Je serai le premier à m’incliner devant ton trône, car tu me parais homme capable  d’être un bon Roi !

         Jésus se met à rire, du moins méchant qu’il  peut paraître, et répond.

               -Je n’ai jamais désiré devenir souverain sur mes propres terres, et tu voudrais que j’aie une ambition sur celles d’un autre ? Non mon ami, je ne prétends qu’à me gouverner moi-même, et sache  combien cela est déjà difficile !

          L’homme ne comprend pas bien les derniers mots de la réponse. Bientôt, sur le petit rouleau serti à la patte d’un pigeon, le message qui part vers Persépolis est explicite. Ce Jésus ne représente aucun danger pour l’empire. L’homme est n’est qu’un respectable voyageur féru de s’instruire au contact de la riche  culture persane. Il ne désire pas s’établir, il poursuivra son périple vers les terres de l’Indus puis les hauts plateaux du Tibet.

           Comment l’espion peut-il soupçonner que sa minuscule intervention, une anecdote contée plus tard par le voyageur à son retour en ses terres, sera déformée dans plusieurs siècles ? Comme il serait fier de se savoir assimiler pour toujours au redoutable Belzébuth !

        Il y eut d’autres tentations.  Comme celle de sauter dans le vide, volant ou arrêtant sa chute, comme celle de transformer des pierres en nourriture là où il faisait faim. Stupidités, provocations balayées en trois paroles qu’il oubliera bientôt. Il n’a succombé que plus tard, délibérément, alors qu’il a connu la libération de ses chakras, le plus sainement du monde dans les techniques du Taoïsme, venues de Chine et fort connues dans le pays du Cachemire. Là où il espère retourner pour y mourir.

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          Au pays, on doit le croire mort depuis longtemps quand Jésus entreprend de revenir. Il a appris tellement de choses…Impossibles à révéler sous peine de mort immédiate. Mais il ne sent plus sur ses épaules le poids des Textes. Pourquoi n’essaierait-il pas d’aider tous les hommes de bonne volonté à se libérer eux aussi ? Pourquoi  tous ceux-ci ne pourraient-ils pas devenir rayonnant, ouvrir leurs chakras, faire la communion de leurs énergie corporelles avec leurs spirituelles ? Pourquoi ne marcheraient-ils pas, sereins, droits et sans peur, si légers sur les chemins qu’ils pourraient sembler ne pas toucher le sol ?

             Toutes ces choses magnifiques que ceux qui rencontrent désormais Jésus peuvent détecter en lui, sans pouvoir les définir !

           Il ne peut imaginer un Grand-Prêtre s’initiant à la méditation du Bouddha, il ne peut concevoir un érudit étudier le Taoïsme du peuple chinois où l’éveil vient par les sens ! Ce corps que lui-même a découvert comme un outil merveilleux qui affine la conscience. Et les beautés des relations sexuelles libres, heureuses et sans aucune contrainte, aucune interdiction  de moralité. Et il se dit que tant que la Terre tournera (oui, il a appris avec des mathématiciens et des astronomes perses qu’elle tournait), si personne ne fait rien pour ceux de son sang, ils resteront pour l’éternité des prisonniers. Et que jamais les mots extase et orgasme, occasionnés par la fusion parfaite des pôles males et femelles ne seront fontaines sous leurs toits.

        Jésus se prends malgré tout à rêver de l’impossible.

        Une vibration entre une fois de plus en son corps. Cette onde qu’il a réussi à dominer alors qu’il méditait comme le Bouddha, pendant les huit années où les sages de l’Inde veillaient à son enseignement. Et une voix grave pénètre son esprit sain.

               -Attention, personne ne t’attend plus comme un sauveur, comme Le Messie. Des beaux parleurs qui promettent, il y en a beaucoup d’autres dont pas un ne serait digne de lacer tes sandales. Les autorités  laissent ces moins que rien tranquilles. Ceux qui sont sérieux sont mis à mort. Ton cousin vient d’être décapité…gênant pour Rome et surtout trop dangereux pour le Verbe, pour les Textes de la Torah!

              Ne t’obstine pas, tu vas porter ta croix. Je sais que tu ne m’écoutes pas. Sache aussi que je ne t’abandonnerai jamais. Fais ce que tu dois faire. Mais n’aies pas d’illusion.

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Chapitre Sixième.

 En ce temps-là…Le bon Samaritain.

                                    Les Juifs considèrent les Samaritains comme un peuple impur. Des indignes refusant le livres des Prophètes et ayant osé élever un Temple sur le mont Garizim, avec l’insupportable prétention de le comparer à celui de Jérusalem. Les grands prêtres recommandent à leurs ouailles d’éviter de traverser les terres de Samarie, quitte à faire un long détour dans leurs voyages. Motif : en cas de nécessité, il est indécent de recevoir l’aide d’un porc !

      Le Nazaréen qui revient d’un long voyage d’étude, en Egypte parait-il, n’est pas un homme ordinaire. Il voit des foules qui se prosternent à ses pieds. Des foules intéressées pour que la misère les quitte, pour que la maladie s’en aille, pour que les Romains enfin soient repoussés hors de la Galilée, pour que les récoltes soient bonnes, pour que le bétail soit fort. Pas un homme ne vient à lui pour exaucer le souhait d’une bonne entente avec un voisin, un frère !

       Sur ses épaules, il sent le poids d’une mission, celle de réconcilier le Royaume d’Israël avec le Royaume de Juda.  Et pourquoi ne pas réconcilier l’homme avec l’homme ? Il n’est pas un lopin de Terre où la paix règne. Où le fléau des restes puissants de la bestialité de celui qui s’est levé sur ses pattes arrière ne sévisse. Il médite  et entre en vibration, ceux qui l’entourent s’affolent de le voir d’une immobilité de statue pendant plus d’une journée parfois ; alors qu’un son étrange, grave, faible mais audible, émane de sa personne. En ces moments précis, il se projette aussi bien dans le passé que dans le futur. Il côtoie un Prince de l’Orient qui dans son immobilisme peut vaincre toutes les armées, ou encore sort des limites de la Terre pour se fondre dans l’univers.

      Malheur à lui !

       Prêcher l’amour n’est pas interdit par les textes sacrés. Se prétendre fils de Dieu est un blasphème. Est-il inconscient du sort qui lui est réservé ? Ses paroles le démentent. Mais tout comme Bouddha, il ne va jamais prévoir que sur son personnage,  une idéologie naîtra, une religion….Et que jamais elle ne sera factrice d’amour entres les hommes.  Bien au contraire. Une question se pose à tout observateur qui verrait la scène d’un terrain neutre. Sachant cela, pourquoi se précipité-t-il malgré tout sur sa croix ?

        Une phrase de la dernière vibration reste en lui.

       Sache aussi que je ne t’abandonnerai jamais !

        Ceux qui le guettent dans l’ombre, un grand sourire hypocrite marquant leur cruel dessein, vont être dépités par la parabole du bon Samaritain. Leur haine n’en sera que décuplée…

         …Bientôt un enseignant de la Torah veut mettre Jésus à l’épreuve et demande : Maître, Tu nous parles de la vie éternelle. Que faire pour l’avoir ?  À cette question Jésus répond par une autre question : Dans la Loi, qu’y a-t-il d’écrit ? Que lis-tu ?  Le docteur de la Loi répond : « Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force,  Tu aimeras ton prochain comme toi-même ».

      Tu as bien répondu, lui dit Jésus ; fais cela et tu vivras éternellement.  Le docteur de la Loi va alors poursuivre par une nouvelle  question. Cette fois sur le sens du mot prochain et  à laquelle répond la parabole.

       « Un voyageur qui se rendait Jérusalem à Jéricho tomba sur des voleurs. Il fut roué de coup avant d’être dépouillé. Un prêtre qui vint à passer ne détourna pas le regard pour l’homme laissé pour mort. Un lévite fit de même. Quant enfin un Samaritain se présenta, il le secourut, le chargea sur sa monture après l’avoir lavé et pansé. Le laissa ensuite dans une auberge qu’il paya de son argent.

              -Homme de la Loi, qui s’est montré le prochain de l’homme attaqué ?

 À contrecœur et du bout des lèvres est venu la réponse.

              -Celui qui a secouru!

              -Fais comme ce Samaritain que tu traites de porc ! Le voyageur attaqué s’appelle aussi ton prochain ! »

           Jésus a-t-il entendu dans l’ombre de son ombre, une voix vibrante qui lui parlait ?

                -N’essaie pas de montrer à homme de mauvaise foi où est ce que tu appelles la vie éternelle. Celui-ci rumine déjà sa vengeance, il transformera tes mots d’amour en complots de fauteur de troubles.

               Pire encore. Dans des centaines d’années, d’autres hommes de Loi, de Textes, de Temples, d’Eglises, qui prétendront avoir compris ta parabole, laisseront des milliers de cadavres sur les chemins. Parfois tués de leurs propres mains ! Tu le sais, ils vont te crucifier ! Arrête ton utopique intention de modifier la nature de l’homme.

                Prends la vibration du Bouddha et de son sourire qui s’élève au dessus du bien et du mal. Oublie  ta conception digne de Confucius, ce moraliste perpétuel, éditeur de lois qui ne seront jamais appliquées. Cet enseignant de ce qu’il faut ou ne faut pas faire.

               Finalement Jésus. Tu ressembles par trop à ton professeur de la Torah !

               Mais, tais-toi donc un jour !

                                          Jésus n’a pas entendu.

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Chapitre septième.

En ce temps-là…Lazare.

                          Il ne lui manque que peu de temps pour rejoindre la maison des siens. Alors qu’il passe sur la terre de Béthanie, la foule le suit en commentant chacun de ses gestes. Devant lui, quelques hommes ouvrent le chemin et écartent un adolescent accompagnant les pas d’un aveugle. Jésus intervient et alors que l’homme qui ne connait plus la lumière lui parle, il regarde soigneusement son visage, détaillant ses yeux.

                  -Que l’on m’apporte un linge propre et de l’eau !

          Et Jésus nettoie avec grande douceur un liquide qui avait suppuré. Ayant durci il maintenait depuis les paupières collées entre elles.

                  -Tu continueras à baigner tes yeux plusieurs fois par jour dans une infusion refroidie de thyms et, normalement, ce mauvais liquide ne reviendra pas !

           Derrière lui,  la foule crie au miracle. Et Jésus se dit que, dans l’absolu,  bien peu de chose peut ôter la cécité des hommes. Comment prétendent-ils voir la beauté de l’univers alors qu’ils s’obstinent à fermer les yeux avec force et rage ? Ne les ouvrant que devant des mots sans fin ! Il continue  sur ses pas lorsque viens Thomas à sa rencontre. Le reconnaissant avec joie, ce dernier lui demande :

                -Si tu es venu visiter Lazare, il est trop tard. De malade, il est passé au trépas et depuis quatre jours ce soir, il git.

          Lazare ! De la famille d’une Myriam déjà prévenue de son retour et qui doit l’attendre avec impatience ! D’une Myriam dont il a eut récemment nouvelle,  et qui jamais n’a voulu d’un autre homme alors qu’elle aurait pu faire une demande aux prêtres. Moyennant quelques deniers…

                -Mène-moi en son sépulcre !

          Jésus a appris des choses inconnues sur ces terres, notamment qu’hommes, femmes,  enfants  et y compris les animaux sont entourés d’un halo d’énergie. L’aura qui ne quitte le corps physique, palpable, qu’au moment de la mort. Il  sait voir cette lumière invisible mais vibrante. Et elle irradie encore, bien que faiblement sous la pierre tombale.

                    -Sortez-le, libérez son visage des bandelettes.

         Il faut qu’ils aient tous grande confiance en lui pour ce faire. Alors Jésus presse fortement d’un doigt, un point précis dans le petit creux de la lèvre supérieure[4], juste sous le nez de Lazare. Qui, moins d’une minute plus tard, tout comme l’aveugle du chemin ouvre les yeux.

                  -Allez Lazare, mon ami, lève-toi et marche !

           Puis s’adressant  à Thomas et d’autres hommes pétrifiés d’effroi, il leur dit ;

                  -Mais, aidez-le ! Vous voyez bien qu’il reste encore très faible !

        Jésus redonne la vue aux aveugles ! Jésus ressuscite les morts ! Il est l’Envoyé du Tout-Puissant ! Il est le Messie ! La jalousie dévore bientôt les prêtres qui affinent leurs armes. Les médecins s’inquiètent pour un négoce dont ils ont l’exclusivité,  tout autant que ceux qui ont pour œuvre de creuser les caveaux…

Chapitre huitième.

En ce temps-là…les marchants du temple.

                                                 La seule raison du jugement.

                          La fête de la Pâque jour   est proche et Jésus, tout comme  des milliers de pèlerins se rend  à Jérusalem. Il entre dans la cour du Temple. Avec ceux qui l’accompagnent en tous les lieux depuis plusieurs mois déjà et que l’on nomme ses disciples, une petite troupe de douze fidèles auxquels s’ajoutent les femmes et la servitude, on pourrait les remarquer, mais il y a telle affluence ! Une véritable marée humaine  qui cherche son passage entre les marchants de brebis, de bœufs, de pigeons et autres volaille. Un carré spécial est aménagé pour les changeurs d’argent qui y dressent maintes tables. Dans l’enceinte sacrée, seules les pièces juives ou de Tyr sont acceptées. Et il est impossible de changer hors du Temple !

         Pour la première fois depuis qu’il a pratiqué la technique la méditation, le sang du Nazaréen bout dans ses veines. Insupportable spectacle que de voir en ce lieu de recueillement, de prières, une telle agitation purement mercantile. Jésus signe son arrêt de mort quand il fabrique un fouet d’une corde saisie, puis en vociférant que le lieu saint était devenu un repaire de banquiers, de brigands[5], il chasse hors de la cour du Temple bétails et marchants et enfin jette à terre le précieux argent des changeurs.

         Qu’il se dise Fils de Dieu est peut- être blasphématoire. Mais certains « décortiqueurs » de textes trouveront toujours moyens de le défendre. N’appelle-t-on pas Yahvé le père du peuple juif dans certaines allégories ?

         Qu’il soit Le Messie ? Pourquoi pas ! Depuis le temps qu’il est attendu ! Enfin il arrive et va débarrasser les terres d’Abraham de la plaie romaine.

         Qu’il veuille réunir toutes les tribus ? Un proverbe dit que le plus grand des déserts ne peut accueillir deux juifs…ils se chercheraient leur vie durant pour se quereller ! Quelques pièces d’or judicieusement distribuées et une heure plus tard deux villes, jusque-là en bon voisinage, lèvent des troupes pour s’affronter.

          Mais que cet illuminé empêche l’argent d’affluer dans le Temple ? Ha non. Jamais !

Jésus s’enfuit avec les siens mais les espions le suivent et il est arrêté.

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Chapitre Neuvième.

 En ce temps-là…Jésus est jugé.

                                    Jésus est conduit devant Pilate par les responsables du Sanhédrin, l’assemblée traditionnelle législative. La nuit précédente il avait été arrêté à Gethsémani par une foule armée de bâtons, ces mêmes braves qui s’exaltaient en louanges devant les miracles  quelques jours auparavant, maintenant exhortées par les grands-prêtres.  En une parodie de procès  il est condamné immédiatement sur une accusation de blasphème.  C’est finalement un tribunal romain, celui de l’occupant, qui doit décider de son sort.

         Pour les Juifs, la peine de mort est inéluctable. Mais…[

 

        L'ayant longuement interrogé, Pilate ne voit aucun motif de condamnation. A chaque faute reprochée, l’accusé, encore ensanglanté des blessures infligées par la  populace répond avec calme. Respectueux aussi bien de ceux qui veulent sa mort que d’une autorité romaine qu’il ne semble pas mettre en doute !

        Derrière les portes du tribunal la foule tumultueuse, encouragée par ceux du Temple, hurle à la mort ! S’il est une chose que l’autorité romaine représentée par Pilate redoute par-dessus tout, c’est l’émeute. Difficile à contrôler, meurtrière dans tous les cas, le pouvoir des lieux se la verra obligatoirement reprocher par Rome plus tard.

                -Que l’on me porte de l’eau. Devant vous je veux me laver les mains de ce cas qui ne regarde finalement que les vôtres. Pour moi cet homme est innocent. Mais,  bien que je ne les comprenne pas, je me dois de respecter vos lois et vos coutumes. Tant qu’elles ne s’opposent pas à celles de Rome.

       Alors que jubilants, les hommes des grands-prêtres emmènent le Nazaréen, une vibration étrange parcourut le corps de Ponce Pilate. Une voix, perceptible de lui seul, dit :  

                 -Écoute ce que tu vas faire…

   Épilogue.  

                                    Sur sa pierre du mont Garizim Eslse Anje Rhynca ne vibre plus.

          Aucun homme au monde n’est capable de suivre les prescriptions du Christ, du Bouddha comme celles de bien d’autres qui eurent la prétention de le guider. Prophètes ou gourous, sages des déserts ou grands penseurs non-violents, parfois révolutionnaires armés ou idéalistes aux paroles voulant le miracle de la liberté, de l’égalité, de la fraternité sur la Terre…tous ont échoués dans leur utopique projet de bonheur.

          Il a échu sur les épaules d’ESLSE, Evangile Selon de Le Sain d’Esprit de retenter l’expérience. Il écoute les voix dans les ruines palestiniennes encore fumantes au pied de la montagne :

             -C’est la faute des Juifs !

        Il écoute les voix  survivantes de Jérusalem :

             -C’est la fautes des Arabes !

        Il écoute les voix des rares rescapés romains.

              -C’est la faute de nos politiciens corrompus!

         Il écoute les voix de quelques ensoutanés du Vatican :

              -C’est la fautes de nos péchés. Le diable a gagné !

         Il écoute un nouveau Mur des Lamentations qui couvre la Terre entière désormais d’une nouvelle chape de haine. Sous cette incroyable coupole de bêtise, s’élèvent devant la dévastation, les voix de l’incompréhension. Toujours prêtes pour accuser le prochain, l’autre, le différant, l’étranger, l’inconnu.

          Pour revenir, il a pourtant choisit un nom composé très particulier : Anje Rhynca, les mêmes lettres que Jean Hyrcan, un des innombrable roitelets, celui qui détruisit le premier temple sur ce mont. Et que cela est bien. Mais aussi celui qui fut le père d’Aristobule I, un fou sanguinaire. Et que cela est mal.  Heureusement qu’il ne régna qu’une année.

         Sa mission est de retourner dans la vallée.

         Son désir personnel serait plutôt de visiter les flancs du mont Pilat presque en face de Vienne en France, pays lui aussi ravagé, sa population pleurant elle aussi ses  millions de victimes, et d’y déterrer des plaquettes. Cachées depuis mille neuf cent quatre-vingt deux  ans, elles prouvent que les hommes ignorent encore la date exacte de la naissance[6] de  Jésus. Leur marbre conte une histoire de procès tellement différente de celle qui fut écrite, réécrite, gommée, modifiée etc.etc. Quant à la mort du personnage dit le « Christ »…

         En l’an 781 après la Fondation de Rome, l’histoire est celle d’un Ponce Pilate Rome, émerveillé par la personnalité du Nazaréen, qui a donné plusieurs ordres quand l’accusé partait avec sa croix sur l’épaule.

         Celui de faire percer la plèvre du supplicié d’un coup de lance précis afin qu’il ne meurt pas étouffé par l’eau qui s’y formerait. Celui de lui donner un peu de vinaigre afin que les aphtes n’emplissent pas sa bouche et qu’il puisse  respirer correctement. Celui de ne pas briser ses jambes à coups de barre de fer comme il est coutume.  Une fête religieuse ne doit pas être altérée par la vue des condamnés agonisants trop longuement. Celui de faire croire à la mort et de transférer le corps dans un caveau d’où il pourrait plus tard sortir, à peine remis de ses blessures.

        Et enfin celui de faire préparer une expédition qui partirait très loin dans le levant. Raccompagnant le crucifié redevenu vivant en un pays qu’il connaissait déjà. Aux pieds de montagnes qu’on dit les plus hautes qui soient sur une Terre que les savants savent bien sûr, ronde depuis toujours.

       Qu’il aurait été beau que Ponce Pilate  lui-même puisse rejoindre, plus tard, cet homme exceptionnel !

 

        Eslse se dénude et maintenant face au soleil qui vient de culminer à son zénith, il entre de nouveau en vibration…

 

     …puis disparait avec la dernière pierre du premier temple.

 

                                      XXXXXXXXXXXXXXX

           

 

 

 

 

 

 

 

[1] Mont Pilat de nos jours.

[2] Ca, je ne le sais pas !

[3] Mot venu du Grec et qui signifie immersion.

[4] Point de réanimation sur un méridien  d’énergie. Les Chinois le nomment   « Centre de l’homme ».

[5]  Deux mots absolument synonymes depuis fort longtemps !

[6] Et pourtant ils en ont fait la base de leur calendrier.

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