Douce plume acariâtre

 Texte déposé en registre de propriété intellectuelle.

  

               

 

 

 

Chapitre 1    Qui précède le 2.

 

 

 Comment pourrais-je me plaindre?

 Enfin !  Grâce à ma dernière enquête,  j'ai trouvé l'amour de ma vie. Ce gars-là n'a qu'un seul défaut, mais il est de taille…je ne le vois pratiquement jamais! Mais quelle idée aussi que de m'amouracher d'un flic! En plus, pas de n'importe lequel, un de ceux qui s'en vont aux quatre coins d'un monde pourtant tout rond. Avec ou sans cette contradiction, mon beau mec, lieutenant de police à l'Office Central contre le trafic des Biens Culturels, ne me tient pas assez souvent entre ses bras. Et quand je pense aux moments délicieux que j'y passe, j'aimerais mieux qu'il soit jardinier dans le square qui enchante ma vue, juste en face de son bel appartement. Heu, il ne sera à lui qu'après la dernière échéance de l'hypothèque…dans neuf ans si tout va bien.

Et oui, je me suis installée chez lui. Mon beau poulet adoré est actuellement à Oranienburg, ville que vous connaissez tous grâce à votre passion pour la géographie et qui depuis toujours se situe à environ trente kilomètres au nord de Berlin. Qu'y fait-il? Le secret de l'enquête m'interdit de vous révéler qu'il a bossé dernièrement afin que la France récupère d'importantes œuvres d'art spoliées par les serveurs zélés du petit moustachu hurleur, lors de l'occupation de nos gentils voisins allemands.

 Pour préciser, cette charmante ville abrita un temps la direction général des SS, très particuliers  soldats nazis dont une des  ramifications avait en charge les nombreux camps de concentration. Ça vous le saviez tous grâce à votre passion pour l'histoire. Lors de la mise en œuvre récente de nouveaux travaux urbains, une cache est apparue. Elle  contenait plus de quarante tableaux de maîtres et autres objets de valeurs inestimables. Fort heureusement, le tout en parfait état de conservation. Quelques dernières paperasses à remplir et il saute dans le premier jet disponible. Et bien sûr après le coucou, ce sera mon tour…j'en frémis !

Les vingt mille euros que j'ai gagnés dernièrement[1] vont vite s'évaporer si je ne bosse pas rapidement. Mon Jean François a réussit l'exploit d'obtenir de l'administration les dix jours de congé qu'elle lui devait depuis un lustre un quart. Et dés notre montée dans l'avion qui nous emportait vers La Guadeloupe, me transformant en Emmanuelle encore plus chaude, nous n'avons pas arrêté de nous envoyer en l'air. Après l'atterrissage,  la suite de nos ébats  aurait pu nous valoir le titre de marathoniens du sexe. Les sismographes se sont affolés et l'île magnifique en tremble encore.

SOS, tititi, tatata, tititi. Hé Gaston ya mon téléphone qui son de ce curieux appel en morse; ras le bol de voir tout le monde se préoccuper à la moindre sonnerie conventionnelle. Et puis, quand on fait appel à ma profession, c'est souvent pour demander au secours. Non?

           -Anne Muntanyet, détective privée. Que puis-je faire pour vous?

Cette petite question toute simple ne m'a rapportée en général que bien des emmerdes ; mais quand je la prononce, déjà  l'eau parfumée à la sauce piquante de la curiosité me vient à la bouche…Sur quel micmac vais-je encore tomber? J'étais prête à répéter mon interrogation quand enfin une voix lointaine avec un léger accent, espagnol je dirais, m'interpelle:

            -Il faut que vous m'aidiez! Vous pouvez venir chez moi?

                     -Je préfèrerais vous recevoir dans mon bureau, 22 rue du Plat à Bellecour. Vous connaissez?

                     -J'ai votre adresse sur les pages jaunes du bottin. Cet après-midi vers quatorze heures. Je m'appelle Enrico Massias!

                   -Comme le chanteur?

                   -Oui, enfin presque, ce n'est pas une blague. Mais pour pas que l'on se moque de moi, je donne toujours Henri comme prénom.

                   -Et bien d'accord, je vous attends, à tout de suite donc.

          Cela me donne à peine le temps de me préparer une bouffe. Avant mon entrevue avec l'homonyme d'un tout célèbre, une nouveauté dans ma carrière, la fainéante que je suis, vient de trouver un excellent prétexte pour faire une visite…au restaurant afghan qui enchante parfois mon palais. C'est à cinq minutes pedibus-jambus seulement de mon bureau-appartement. Pour m’emmener vers le centre de la ville, ma vieille Clio au compteur trop riche en kilomètres démarre au quart de tour. Signal que les froids de l'hiver ne sont pas encore arrivés.

           Un plat d'aubergines farcies à la viande d'agneau, rissolées dans une huile d'olive parfumée au gingembre et au curcumine, arrosées d'une sauce au poivre adoucie par un yaourt. Humm, un régal  tellement copieux que j'annule la suite du menu. Les mantus que j'avais prévus ne trouveraient plus de place dans mon estomac. Pour finir, un bon caoua accompagne une petite mais fameuse pâtisserie à la pistache, saupoudrée de cardamone et de sucre glace. Seulement dix euros à l'addition, verre de vin compris. Le gars est sympa, il me connait et a décompté le deuxième plat. Je file toute guillerette retrouver mon chez moi. Troisième étage, la porte de l'ascenseur n'est pas encore complètement ouverte que je comprends ma douleur. La suite de l'histoire risque d'être compliquée.

         Mais qu'ai-je fait au Bon Dieu pour que mes clients se fassent trucider systématiquement avant de m'avoir payée? Car j'en suis certaine, le cadavre qui git la tête ensanglantée devant ma porte n'est pas celui d'un chanteur pied-noir ; par contre, je parie qu'il s'appelle Enrico Macias. Il me semble que je vais devoir affronter une fois de plus ce pesant de commissaire Grandjean. En tout cas l'arme du crime ne fait aucun doute. Il faudra chercher du côté des plongeurs car c'est bien une flèche de fusil sous-marin qui est fichée dans le crâne du macchab. Contrairement à ce que la loi m'impose ou m’interdit, à votre choix, je lui fais les poches méticuleusement, récupère son portefeuille et un gros trousseau de clés. Une télécommande de voiture Mercédès  et beaucoup d'autres sésames à portes, d'appartement sans doute. Je ne touche pas aux quelques billets de banque froissés ni à la petite monnaie. Je récupère aussi un ticket de métro composté aujourd'hui même à douze heures quarante deux. Pas d'erreur sur l'identité! Personne ne peut voir ce morbide spectacle, le vieux d'en face est à l'hosto et la cabine de l'ascenseur n'a pas de vitrage. Je rentre donc chez moi, planque ma trouvaille, ressorts et enfin forme le numéro de police secours en précisant bien que c'est un crime que j'ai découvert….

                  -Alors Anne, tu les collectionnes décidément, et pour changer tu les amènes à domicile. Tu le connais?

                  -Je suppose seulement (il va vite trouver notre conversation téléphonique ce bon flic) qu'il s'appelle Enrico Macias !

                  -Et allez donc! Encore une fois tu te fous de ma gueule?

                  -Non, mais tu verras que moi aussi je sais faire marcher mes méninges, c'est sûrement le gars avec j'avais rendez-vous.

                  -Jamais vu auparavant?

                  -Promis, juré. Croix de bois croix de fer!

                  -Évite avec moi, tu m'as si souvent menti!

                  -Je peux rentrer chez moi ? J'ai horriblement envie de faire pipi.

                  -D'accort, mais avec un gars à moi.

       J'ouvre enfin la porte et file à toute vitesse vers la minuscule salle de bain en criant:

                  -Je n'ai besoin de personne pour me passer le papier!

       Une heure avant qu'il me lâche la grappe. Une heure de blabla, une heure en affirmant que je n'avais touché à rien, que je n'avais pas la moindre idée du pourquoi du comment de l'appel. Décidément  les flics n'ont pas confiance dans les honnêtes détectives. Deux heures de plus pour d'éventuelles empreintes dans mon bureau. Mais la femme de ménage a tout astiqué et quand j'ai planqué le portefeuille, j'avais des gants…que dalle messieurs de la police. Je vous dis toujours la vérité, moi! Ouf, ils sont partis après avoir évacué la viande morte qui souillait mon palier, mais je n'ai pas le droit d'effacer la marque de son contour. Et une fois de plus, comme de bien entendu, je dois restée à la disposition de la justice, ne pas quitter Lyon sans l'assentiment de l'abominable Grandjean.

        Je possède néanmoins un léger levier de manœuvre avec lui. Il a lourdement essayé de me draguer et j'ai enregistré sa déclaration enflammée. Nous sommes tous certains que sa charmante épouse n'apprécierait pas trop...En fait je n'ai aucune preuve, je me sers très mal de tous ces bidules électroniques et je n'avais pas eu le reflexe du minuscule magnéto incorporé…Mais le commissaire croit en l'enregistrement! Il a fait une drôle de tronche quand je lui ai montré mon portable en rigolant après sa folie d'un instant.

         Au boulot! Personne ne va me payer mais il faut que je sache. Je vais me faire une fiche sur le défunt gazier.

                           Enrico Massias. Ha, homonyme mais différant. Né le 10 mars 1971 à Saint Etienne dans la Loire. Tiens, un Gaga!

                  Adresse 18 rue Marcel Dutartre 69100 Villeurbanne

  Je ne sais pas si mon interdiction de quitter Lyon sera prise en compte mais dans son agglomération, il suffit de traverser une rue pour passer à Villeurbanne, la délimitation suit un tracé parfois rocambolesque. Problème, les poulets doivent déjà être sur place, et ils vont tout fouiller. J'attendrai un peu avant de me contenter des restes. Vidons donc, que cela est agréable à prononcer, le portefeuille.

Une dizaine de cartes de visite, toutes en relation avec le milieu littéraire sauf une d'une clinique psychiatrique privée à Truro en Cornouailles, Angleterre. Et hop, deux cent dix euros que je n'hésite pas à empocher comme premiers frais pour mon enquête. Un quelque chose me dit que je vais en dépenser beaucoup plus sans espoir de retour, mais mon insatiable curiosité doit être satisfaite. Permis de conduire voiture et moto toutes cylindrées. Deux cartes de crédit, une de la banque Morin Ponce, whao ! L’autre de la Caisse d'Épargne. Et c'est tout. Pas une photo, pas le moindre gribouillis  sur un bout de papier, un peu étonnant. Non?

Je regarde les coutures, rien d'anormal. Pas de compartiment caché dans cette pièce de fin cuir véritable, certainement cousue à la main. Bel objet peu commun qui démontre un bon goût indéniable, et certaines possibilités financières.

Les clefs maintenant. Le sigle allemand de la voiture ne me donne pas le modèle mais mon pote le garagiste de la rue Tony Tollet va peut-être me renseigner. Pour ce qui concerne les clés d'appartement, il semblerait que notre homonyme de chanteur ait posé une grande quantité de verrous sur ses portes. Pourquoi tant de clés? Bof, on verra bien.

Il est bientôt huit heures du soir mais je sais déjà que la voiture à trouver est une Mercédès grand sport. Si elle n’est pas à l’adresse du défunt quidam, je ne me vois pas m'amuser en parcourant les rues de Villeurbanne pour trouver le bolide. Demain matin  j'appelle mon pote de la préfecture et j'aurai au moins le numéro d'immatriculation. J'ai beaucoup de potes? Il faut ça dans mon job! Je file vers le métro Bellecour et m'adresse à un employé.

           -Bonsoir monsieur, si je vous montre ce ticket, vous pouvez me dire où il a été validé ?

 Accompagné d'un grand sourire et d'un billet de dix euros, le gars me regarde étonné et saisit son talkie-walkie. En quelque secondes j'ai ma réponse.

           -Station Henon, à la Croix-Rousse.

Le gars me regarde monter les escaliers et je peux parier sur quelle partie de mon anatomie côté pile s'attardent plus précisément ses yeux. Rue Henon? C'est très loin de Villeurbanne ça! Je ne veux pas revoir la marque sur le palier de ma porte, je retourne chez mon lieutenant à Tassin-la-Demi-Lune

Encore! L'affreux qui me file le train est un flic, à n'en pas douter. J'ai envie d'aller lui parler, lui dire que son commissaire est un idiot mais je n'en fais rien; finalement je ferais probablement la même  chose à sa place. Je vais me réchauffer des pâtes, me caler devant la télé et dormir du sommeil de la juste. Demain sera un autre jour. Un beau papillon bleu orne le pare-brise de ma vieille Clio. Et merde, une autre contredanse à faire sauter! L'année passée, en face, j'avais trouvé un trou sans interdiction entre une place de zone bleue et un passage pour piéton. Juste, juste. Paf! Stationnement gênant. Et quatre vingt à débourser. Une semaine plus tard la place dite était en bleu elle aussi ! Plus gênant du tout[2]. Ils nous emmerdent!

Il est onze heures et quart quand je me glisse dans les draps, hélas bien seule. À part un cadavre, un de plus dans ma vie, je ne suis pas encore "accrochée" par les évènements et m'endors de suite.

 Comment ai-je développé ce sixième sens qui me prévient d'un danger? Une légère pression sur mon réveil et sa faible lumière m'indique trois heures dix huit, quelqu'un essaye de forcer la porte d'entrée et ce n'est pas un poulet qui ferait ça.

Je me lève silencieusement, nue comme d'habitude, et sur la pointe des pieds vais récupérer mon flingue dans mon sac à main. Heureusement que je connais les lieux car l'obscurité est dense. La porte s'ouvre tout doucement. Mais pourquoi n'avons-nous pas de chainette de sécurité? Le joujou automatique 6,35 brandi devant moi j'allume la lumière.

          -Jean François!

          -C'est exactement comme ça que j'espérais te trouver !

Je me précipite dans ses bras et l'entraine de force vers notre grand lit; enfin il est légèrement consentant. Oh, mama mia! Combien de fois sur l'ouvrage avons-nous retravaillé? Combien de précisions pour toujours mieux connaître les tours et les contours de nos corps respectifs  et en jouir davantage? Jusqu'à l'épuisement! A dix heures du matin une légère toux suivit d'un raclement de gorge nous réveille.

         -Mais enfin commissaire, quelle inconvenance!

         -Excusez-moi, mais vous avez laissé la porte d'entrée grande ouverte! J'ai préféré vous réveiller d'abord plutôt que de vous apporter directement le petit déjeuner au lit.

         -La deuxième solution n'aurait pas été désagréable, attendez dans le salon, nous arrivons tout de suite.

 

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Nous en avons débattu à voix basses mon amour et moi et invitons son confrère de la Crim à partager notre café du matin. Le commissaire attaque d'entrée.

         -Anne, tu…heu…vous…

         -Tu peux me tutoyer, tu le fais bien sur le terrain !

Probablement intimidé par le lieu et la présence de mon amant, Grandjean continue avec des vous que je ne lui connaissais pas. Me respecterait-il enfin?

         -Le gars que tu, vous avez trouvé hier, et bien il n'existe pas! Plutôt il est mort à l'âge de quelques mois seulement après sa naissance. En 1971 des suites d'une malformation cardiaque.

          -Et…que puis-faire pour toi?

          -Tu n'as vraiment rien trouvé sur lui qui puisse nous faire avancer?

Punaise, heureusement que ce pesant n'a pas eu l'idée d'une fouille pendant notre sommeil. Il faut dire qu’au domicile d’un autre flic cela aurait pu être assez mal vu.

          - Et chez lui, tes collègues n'ont rien découvert non plus?

          -Le mystère s'épaissit, une carte d'identité a bien été établie, à l'adresse indiquée une boîte à lettre et l'appartement qui correspond est certes de très bon goût, avec des meubles qui valent une fortune pour certains, mais il n'est pas habité. On dirait un décor de cinéma. Rien dans les tiroirs, dans les armoires, dans le frigo. Les lits n'ont pas de couverture ni de drap. Et, si aucune trace de vie n'est visible, le plus étrange est qu'il n'y a pas le moindre grain de poussière! Mieux, il appartient à une société fantôme. Aucune trace de cette dernière sur les listes officielles!

          Autre chose, au nom d'Enrico Massias il n'y a qu'une moto immatriculée, une 750 Honda, nous la recherchons mais c'est encore l'aiguille dans la botte de paille!

         -N'en fais pas un foin mon épingle[3], mais je suis désolée pour toi. Je ne vois pas en quoi je peux t'aider. Par contre, évite de me faire suivre, ne mobilise pas inutilement l'un de tes mulets. J'ai besoin de liberté pour bosser sur une autre affaire. Un détective accompagné comme son ombre par un flic ne va pas bien loin!

         -Tu es sur quoi?

         -Allons voyons, et le secret professionnel?…Sans t'en dire plus, une histoire d'adultère. Le pain de fesses, quotidien savoureux des privés. Mais rassure-toi, si par hasard et en ne cherchant pas, je trouve quelque chose, je t'appelle aussitôt.

Après des patatis patatas sans importance le commissaire s'en va déconfit mais je ne le sous-estime pas, il trouvera pour ronger son os. Je ne doute pas qu'il soit malgré tout un bon flic.  En tout cas, moi j'ai mon fil à tirer et comme une bonne chienne, je sais suivre une piste. Laquelle? Mon petit doigt me dit qu'en me baladant du côté de la rue Henon, je devrais trouver une Mercédès grand sport. Je rêve. Si j'avais disons…une certaine aisance, je me paierais une belle limousine  et un chauffeur qui n'aurait pas peur de perdre des points sur son permis. Ou un van avec un grand lit et J.F prisonnier, menotté  à disposition…

Sur une carte de Lyon, j'ai tracé un cercle autour de la station de métro. Bien regardé si d'autres moyens de transport seraient plus rapides à partir d'un périmètre plus grand. Après élimination, une zone relativement restreinte me reste à explorer. En emmerdant tous les automobilistes qui me suivent jurant et klaxonnant, je roule  lentement depuis plus de deux heures, quadrillant systématiquement ma zone. A chaque Mercédès je presse le bouton de la télécommande. Je m'arrête dans toutes les allées qui conduisent à un parking derrière un bâtiment.

Rien! Un sandwich dans une main, une bouteille d'eau minérale sur le siège passager, je ne désespère pas. Et je la trouve. Il est presque vingt heures. Stationnée sagement sur le parking privé et couvert d'un petit immeuble où trois appartements en triplex sont côte à côte. Résidence de grand luxe à première vue. Pelouse impeccable, grille coulissante automatique qui verrouille tous les accès, arbres taillés à la perfection et massifs de fleurs entretenus de main de maître jardinier. Facile de voir à quel appartement correspond le coupé C Classe gris aluminium, un bidule qui doit allègrement dépassé les trois cents à l'heure et les deux cent mille euros. Un seul triplex n'est pas éclairé. Petite, tu as les clés. Attend plus tard car tu risques de chercher pour trouver la bonne sur le trousseau. Je reviendrai…et je note le numéro d'immatriculation du bolide dans ma boîte à info personnelle, profond entre mes deux oreilles.

La chance me sourit parfois. Malgré la grogne de Jean François, j'ai découché à une heure du matin…après un très gros câlin et  un demi-hectolitre de café bien noir. Je traverse Vaise puis la Saône sans la voir et me hisse sur le plateau par la Montée des Esses. Je stationne ma Clio difficilement en dépassant chouïa chouïa sur un arrêt de bus, aïe, aïe, aïe, volontairement assez loin du lieu de ma mauvaise action à venir. Pratiquement seule dans la rue, je suis maintenant certaine que personne ne m'a suivie.

Sur la gauche de la grande grille, une porte plus petite réservée aux piétons m'attend. Surprise, pas de Massias sur la plaque des résidents! La caméra de surveillance me fixe d'un œil tout rond où ne se reflète aucun sentiment. Avec mon foulard sur les cheveux,  mes grosses lunettes noires et mon maquillage excessif, je me permets de lui faire un petit sourire accompagné d'un geste amical. La troisièmement clé est la bonne. L'objectif est le triplex de droite. J'enfile une paire de gants latex style  chirurgien et en avant. Au dessus d'une boîte aux lettres incrustée en acier inoxydable, un nom : Henry Méloir. Henry, Enrico? M ? Cette fois ci trois serrures différentes à affronter, patiente et tranquille je m'active et suis dans la place en moins de cinq minutes chrono.

Sans gène j'allume la lumière. Ho Vingt Dieux, quel luxe! L'appartement est beaucoup plus grand qu'on peut le supposer de l'extérieur J'entreprends une première et rapide inspection. Par la suite je reprendrai pièce par pièce et en détail, j'ai tout mon temps. Première découverte et de taille XXXL, des photos où s'affiche fréquemment mon Enrico, en fait on ne voit presque que lui. Quelques splendide beautés féminines aussi mais qui à mon avis (celui d'une jalouse) font un peu trop putes. Beaucoup de livres dans un immense bureau hyper moderne. La baie vitrée qui donne sur l'arrière du bâtiment fait bien ses cinq mètres sur deux, l'ordinateur m'attire comme un aimant. Pas de mot de passe pour accéder à tous les programmes. Je laisse de côté l'icône Hotmail, car là je suis sûre de l'échec, et clique sur Mes documents.

Une impressionnante liste de Documents Word s'affiche. Une bonne  centaine de textes, de toutes tailles, de celle d'un simple feuillet jusqu'à deux cent trente pages d'ordi mais qui commencent tous invariablement par la semblable phrase:

     "Texte déposé en registre de propriété intellectuelle"

Alors je sors un à un les classeurs alignés sur deux étagères et je trouve ce que tout cela signifie. Ces textes ont été enregistrés au nom de Henry Méloir. Le premier datant de1992. Écrivain? Cela ne fait plus un doute quand j'observe que les raccourcis présents sur le bureau de l'écran de l'ordinateur mènent à des textes en cours d'écriture. Aucun d'entre eux n'est terminé.

Mais alors, qui est le pseudo Enrico Massias désormais locataire non payant de la morgue? Je commence à soupçonner vraiment que les deux noms sont attribués à une seule et même personne. En tout cas j'ai beau avancer dans mes recherches, mon homonyme de chanteur n'apparait nulle part. Mystère et toujours boule de gomme. Il est cinq heures du mat et j'appelle l'amour de ma vie pour qu'il ne se fasse pas de mouron. Sa réponse me stupéfie.

          -Ouvre moi la porte, je poireaute près de l'entrée dans ma voiture depuis que tu t'es introduite dans le triplex! Je surveillais tes arrières mais je crois que cela ne vaut plus le coup, personne ne va te déranger. Nous allons pouvoir être tranquilles tous les deux...et faire un bon kiki matinal! Je vais me garer plus loin et je reviens.

Tu parles que je vais m'empresser de lui d'ouvrir! Et moi qui me croyais non suivie. Il est doué mon mec !

Stop! En y pensant bien, avant de faire l'amour, et je suis bien sûre partante, j'ai besoin de savoir. Je suis crevée mais il faut que je trouve et je continue. Décontenancé, mon beau lieutenant de police m'aide dans ma recherche, très conscient d'agir en toute illégalité. A huit heures du matin, nous n'avons rien trouvé de concret et nous écroulons en travers sur un des vastes lits. Il n'est pas loin d'une heure de l'après-midi quand mon estomac, encore lui, me réveille par des tiraillements…

Mon dieu, quel appartement magnifique, quelle tranquillité aussi. Un frigo bien garni va nous permettre de reprendre des forces. Je prépare un breakfast à l'anglaise  et me pointe vers mon homme avec le plateau…en tenue d'Êve. Ouvrant les yeux, pour la deuxième fois depuis  peu de temps il prononce la semblable phrase:

          -C'est exactement comme ça que je t'espérais en me réveillant…

…Les œufs et le café sont froids, le bacon est tiède. Nous n'avons pas pu résister. Mais maintenant, avec des petites étoiles dans les yeux, nous engloutissons sans presque respirer tellement nous avions faim. Je continue mes recherches et Jean François part à la découverte des quelques deux cent cinquante mètres carrés, sans compter le garage communiquant qui ouvre sur l'arrière. Un ascenseur aussi silencieux que rapide relie les quatre niveaux. A peine dix minutes plus tard, mon homme me rejoint et me demande:

          -Tu peux m'accompagner en bas, je crois que j'ai trouvé un nouvel élément qui va faire avancer ton Schmilblick!

Excellente nouvelle. Dans une petite pièce attenante au garage, Jean François s'arrête devant un congélateur et ouvre le couvercle.

Nouvelle fraîche apparemment, le cadavre d'une bonne femme y est recroquevillé. Poum, et de deux!

Il me semble que cela sera difficile de cacher ce léger détail au commissaire Grandjean! Quant à m'aider pour mon enquête, je dirais plutôt que la purée de poix s'épaissit. Un énorme problème se pose maintenant, il nous est impossible de dissimuler totalement notre passage en ces murs. En briquant et astiquant partout, en effaçant nos empreintes, en brûlant les draps, les gars de la police scientifique trouveront toujours quelque chose, pardon pour la vulgarité mais un poil de cul suffit dans ces cas-là. Je propose une solution, risquée, mais pas trop. Ne rien révéler pour le moment, remettre tout en place, nettoyer sommairement les traces et quitter la place à la faveur de la nuit.

          -Nous reviendrons plus tard et ferons semblant de découvrir le corps à ce moment-là.

Et ainsi soit-il! Avec minutie, nous nous efforçons pour laisser les lieux impeccables sans oublier un autre câlin rapide, directement sur  un magnifique tapis persan. A neuf heures du soir tout est calme et nous pouvons quitter la place sans nous faire repérer. J.F. (ça va plus vite à écrire) fait comme moi avec la caméra de surveillance.

Surpriiiiise! La fourrière a embarqué ma Clio. Ils sont enragés ces maudits flics municipaux. Les mauvaises langues qui prétendent une paye ou un avancement au rendement ont certainement raison. Pour un peu plus du pare-choc dépassant la ligne! Rapaces, sangsues du petit peuple, misérables, tout ce pognon pour que des salopards politicards puissent le planquer en Suisse. Je hurle ma déconvenue pendant que mon homme se marre.

          -Ne t'inquiètes pas, on va la récupérer gratos.

Et c'est vrai qu'une carte de poulaga fait des miracles, nous avons même le droit au salut réglementaire en quittant le dépôt. Et maintenant, que va-t-on faire ? Heureux que le chef local de L'OCBC ne soit pas un enquiquinant. Son lieutenant favori s'est absenté sans motif pendant une journée entière

          -Sans motif? Mais non ma belle, je lui ai téléphoné en prétextant un léger torticolis. Il a bien rigolé en chantonnant "Anne, sœur Anne ne vois-tu rien venir?"

    Petit détail que j'ai oublié de vous préciser. J'ai piqué une clé USB marquée d'une chiée de Gigas dans l'appart du sieur Méloir et y ai enregistré tous ses textes. Il va falloir regarder, étudier cette petite montagne pour pouvoir, peut-être, trouver la suite de cette histoire abracadabrante.

 

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Je vous ai bien dit que le commissaire Grandjean est un excellent flic. Voici qui le prouve. Son appel ne me surprend pas.

          -Anne, passe à mon bureau, tout de suite!

Merde, il a du trouver la bonne femme du congel. Il ne me faut guère plus d'une heure pour être devant lui, pas fière du tout mais faisant front avec figure de joueuse de poker. Je n'ai que de bonnes cartes en main.

         -Alors, madame la détective, que faisiez vous à la Croix-Rousse au moment où la fourrière a embarqué ta voiture mal garée?

L'ami commence la déconne, un début de phrase avec le "vous" et la fin avec le "tu". Il est mal à l'aise et ne sait sur quel pied danser. Probable que l'enregistrement de sa déclaration enflammée avec une allusion à de possibles galipettes y est pour quelque chose!

          -Comment as-tu su?

          -Un de mes hommes t'a vue hier discuter avec un employer du métro…et voilà. Alors je répète, où étais-tu? Tu veux que je te le demande en majuscules?

         -Je ne sais pas ce que tu me reproches, mais j'ai un alibi en béton armé. Un lieutenant de police, et la décence m'empêche de te préciser combien de fois nous avons baisé.

Là, je suis méchante si l'on considère que mon vis-à-vis fut aussi prétendant un jour. Mais ce flic est un obstiné bien intentionné, et il dit certainement la vérité en continuant.

          -J'espère pour vous deux que cela a été très agréable, mais…où?

Je sais qu'il ne sait pas. Et il sait que…ne continuons pas. Je me réfugie une fois de plus derrière le secret professionnel.

           -Bon dieu Anne, il a eu un mort, ceci est une enquête criminelle!

J'avais raison, ils n'ont pas encore découvert le congélateur macabre.

          -Et c'est pour ça que tu m'as dérangée? Ta seule obsession dans la vie est donc de me faire perdre mon temps? J'en ai marre, je crois que je vais visiter ta bonne femme ou arrête une fois pour toute de m'emmerder.

J'ai crié, peu soucieuse d'un voisinage oreilles aux aguets.

         -Au fait, le nom de Colette Vigier, ça te dis quelque chose?

         -Absolument pas! Tchao! Je m'en vais!

Il n'est pas bête l'ami, il vient de me donné un nom lié au premier meurtre, et il sait que je vais me précipiter pour profiter de la perche qu'il…ho nom de Dieu! Je crois connaître l'identité d'une locatrice provisoire de l'annexe du pôle sud. Là, le commissaire marque un point colossal…et s'il savait réellement, s'il était meilleur que prévu au poker?

Je descends à toute vitesse un escalier intérieur de la maison poulaga et me ravise, puis fais demi-tour. Je frappe à la porte du bureau et rentre sans attendre la réponse. Le commissaire est affairé sur son ordinateur.

         -Plusieurs points à éclairer. Premièrement je m'excuse pour ma méchanceté; tu ne fais que ton boulot et tu le fais bien. Deuxièmement avant de te répondre au sujet de ta Colette Vigier, j'aurais au moins pu te demander son portrait.

          -J'accepte tes excuses Anne, je sais que tu ne m'aimes pas, mais je reconnais aussi que malgré ton aspect de petite bonne femme fragile, tu es une nana de première  doublée d'une grande professionnelle.

          -Arrête, tu vas me faire pleurer. (Cela n'empêche que je suis touchée par la flatterie).

Après quelques clics, il retourne l'écran de son ordi. Je fais semblant de fouiller dans ma mémoire en regardant le visage d'une femme entre deux  âges mais il n'y a pas l'ombre d'un doute, c'est bien celui de la meuf-hibernatum-congélarium.

           -Franchement, inconnue au bataillon!

Grandjean m'a scrutée attentivement et je réalise que j'ai commis une erreur. Je sais qu'il sait. Et il sait que…Souriant, il me laisse repartir. Avec toute la technologie moderne dont disposent messieurs les poulets, il va falloir que je surveille mes arrières plus que jamais. Écoutes téléphoniques, bips de repérage par satellite, nombreuses caméras de la ville, sous-marins[4] et j'en passe… se faufiler au travers sera difficile mais je me sens d'attaque pour essayer.

Il est onze heure du matin, je suis dorénavant le centre d'intérêt prioritaire de toute une équipe de flics qui ne vont pas me lâcher d'une semelle…c'est ce qu'ils croient. Je file dans mon bureau, devant ma porte la marque fatidique est toujours présente. Immédiatement je vois qu'une fois  de plus "on" s'est introduit dans les lieux. Je referme et prends mon petit automatique en main.

 Le tour de piste est rapide, personne dans les virages, personne dans les lignes droites. Je garde mon arme dans la ceinture de mon pantalon, une balle engagée dans le canon et avec la sécurité enlevée. Celui ou ceux qui sont passés par ici sont des grands keks. Rien n'a été volé. Les flics? Je vais vite le savoir. Le petit voyant de l'air conditionné (toujours en panne) n'est que l'œil indiscret d'une mini caméra déclenchée par un détecteur de mouvement. En deux temps trois mouvements la bande défile sur l'écran plat de ma télévision. Du véritable cinéma  à la maison. Quand je pense que je n’ai jamais le temps de le regarder, voilà un investissement vraiment peu rentable.

Un type cagoulé fouille avec une hallucinante rapidité, remettant immédiatement tout en place. J'ai beau zoomer, je ne peux voir son visage. Puis il allume mon ordinateur et branche une de ces tablettes dernière génération dessus. Des clics et des clacs pendant dix minutes et il poursuit son inspection  en laissant son bidule branché. Merde, il a tout copié ce con-là, pourtant j'ai un mot d'accès. Et vas-t-en savoir s’il n'a pas goupillé un bidule pour me contrôler désormais à distance? Je regarde bien mon visiteur et en zoomant de nouveau, découvre un détail intéressant. L'index de sa main gauche ne bouge jamais dans le gant; conclusion, soit ce doigt est amputé et remplacé par une prothèse, soit il est rigide!

SOS SOS SOS Téléphone!

L'amour de ma vie passe me chercher dans dix minutes, nous irons chez lui avec sa voiture; économie d'essence et vue les prix à la pompe, ça vaut le coup. Sous une lame de parquet maintenue par le bas de mon armoire, il y a un téléphone. Celui-ci, personne ne connait son numéro; ne le dites pas, je l'ai acheté avec des faux papiers! La cachette  est bonne, elle a résisté à plusieurs inspections[5]. Au moins mon jules pourra me joindre et vice-versa. Je descends  et alors qu'une pluie fine commence à tomber, la Peugeot de Jean François stoppe devant l'allée. Direction Tassin-la-Demi-Lune. Pas de filature, ils sont déjà sur place!

Les Anglais ont débarqué, il n'y aura pas de gros câlin cette nuit. Je parle du cas qui s'acharne sur mes épaules avec un spécialiste; enquêteur lui aussi, ses conseils ne sont pas à dédaigner. Monsieur Google va nous aider à mieux cerner la personnalité d'une telle Colette Vigier.

0,3 seconde et  48731 réponses!

Je ne pense pas toutes les  consulter mais j'apprends beaucoup de choses  sur cette dame insuffisamment couverte pour le froid où elle se trouve. Comment ai-je pu ignorer son nom?

Directrice du plus grand groupe éditorial français, elle a sous sa férule je ne sais combien d'organes de presse écrite, influences et participations sur les ondes aux travers des radios et télévisions. En creusant ma mémoire il me semble en effet que ce nom ne m'était pas inconnu. Pas étonnant que Grandjean m'ait fait la gueule!

Fatiguée je branche la télé et sélectionne une chaine d'information en continu.

Il n'y a pas de hasard.

"Nous sommes toujours sans nouvelle de Madame Colette Vigier depuis l'atterrissage de son jet privé à l'aéroport de Lyon-Bron. Elle et son chauffeur ont purement disparu cela fait maintenant  deux jours. Et patati et patata…La limousine Audi demeure également introuvable. C'est l'hôtel Le Royal où elle avait réservé une suite qui, ne pouvant la joindre, a alerté les autorités. La directrice d'un empire de la presse pensait….et blablabli et blablabla…."

Il y a au moins trois personnes qui savent. Le lieutenant de police Jean François Costa, bibi, pour ceux qui prennent le train en marche Anne Muntanyet détective privée, et bien sûr le ou les gugusses qui l'on mise en hibernation. Les deux premières doivent fausser compagnie aux copains de la crim poireautant devant chez nous. Mais un peu de sommeil d'abord. Mon  amour de flic a une idée de génie.

         -Ma voisine de palier est une vielle fille proche de la retraite. Elle décarre tous les matins vers sept heures pour choper son bus. Son aspect est très semblable au tien. Elle sait que je suis lieutenant de police et, avec un pieux mensonge, acceptera de nous aider.  Demain je vais l'emmener à son job en voiture…avec ta veste et ton foulard! Bien sûr qu'elle sera ravie d'aider la police à semer un méchant bandit!

         Toi, tu attends un peu et tu retournes à la Croix-Rousse, tu fais semblant de découvrir le corps et tu m'appelles avant de prévenir Grandjean!

Ca c'est un bon plan! Jusqu'au moment où, à dix heures et demie, j'ouvre de nouveau le fameux congélateur…il est vide! Boudiou quel patacaisse!

 Des sirènes hurlantes s'arrêtent devant la grille métallique, se font ouvrir et envahissent le parking. Mon commissaire préféré se pointe avec toute son escouade et accompagné d'un serrurier. J'ouvre la porte fenêtre et  envoie du balcon le trousseau de clé en bas sur le gazon.

          -Essaie avec ca mon poulet, ce sera plus facile!

          -Encore toi! Mais tu es une calamité, une plaie! Une…une…Ho nom de Dieu !

Vue la tête du vociférant, je vais passer un sale quart d'heure. En tout cas je n'ai pas la moindre idée du bobard que je vais inventer. Et si je racontais seulement la vérité? Je ne peux pas, ce n'est pas dans ma nature!

Ah, j'ai oublié de vous dire. En arrivant ici, la première des choses que j'ai faite…j'ai légèrement esquinté le disque dur de l'ordi…et oui, je sais l'enlever. Avec la trempette infligée dans le vitriol de l'armoire aux produits de ménage, personne ne va le lire avant un bon bout de temps. J'ai aussi scanné et copié  dans ma clé USB un étrange document en Anglais découvert entre deux déclarations d'enregistrement de textes puis détruit l'original. Il n'y a plus de cadavre, donc les scientifiques ne vont pas débarquer et avec un peu de chance, le passage de J.F. dans les murs ne sera pas détecté. Ouf, pour le moment pas trop de casse !

Mais que diable vais-je raconter pour justifier ma présence? Je crains qu'une subite crise d'amnésie soit mal comprise. Les yeux rageurs du monstre du Sherloch Holmes Ness me fixent.

        -Anne, sœur Anne ne vois-tu rien venir?

 Combien de fois faudra-t-il encore que j’écoute cette sempiternelle rengaine barbebleusienne dans ma vie ?

        - Non pourquoi?

Et c'est parti pour vendre ma salade. Un tout petit peu de vérité, un soupçon de vraisemblable, une pointe d'improvisation, un dé de culot, vous ajoutez quelques grammes de chance de cocue… ah non pas ça, si Jean François me trompe je lui arrache tout. Je reprends ma recette, quelques grammes d'optimisme pour terminer. Je mélange bien et je sers…

         -Le jour où tu ne me prendras plus pour une banane n'est pas encore arrivé. Alors si j'ai bien compris…En rentrant dans ton bureau, tu as remarqué que tout avait été fouillé, que l'on ne t'avait rien volé et tu as trouvé un trousseau de clé dans ta boîte aux lettres? L'excellente détective que tu es, a reconnu une télécommande de Mercédès grand sport. Puis, madame privée est remontée du côté de la rue Henon, grâce au préposé du métro, pour chercher la voiture et, par miracle, en cinq minutes elle l'a trouvée. Tu m'arrêtes si j'ai mal compris.  Tu me soutiens que tu es ici pour la première fois de ta vie?

          -Absolument!

          -Et  le ticket de métro, tu l'as trouvé où?

Aie, aie, aie. Je le savais. Il n'est pas aussi bête qu'il en à l'air!

          - Au fait ton mec des affaires culturelles de mon chose, il va se faire souffler dans les bronches pour le tour qu'il nous à joué ce matin. Et pour ton mensonge, on verra bien les bandes vidéo-caméra

         -Jaloux, tu veux reprendre la guerre des polices?

         -Embarquez moi cette nana, elle me sort par les trous de nez. Et mettez-lui les poucettes, pas de ménagement!

Bon, c'est reparti pour un tour. Moi j'appelle ce type un empêcheur de travailler en rond. Quand je pense que je n'ai strictement rien à gagner dans cette histoire, je vais d'ici peu me traiter d'imbécile. Une demi-heure plus tard je suis toujours menottée et asphyxiée par les cigarettes dans un bureau où, théoriquement, il est interdit du fumer. Les salopards savent que j'ai arrêté la clope et se régalent de ma toux. Alors, rien que pour les emmerder je maintiens mes déclarations. Si l'on interroge mon homme, il ne dira pas autre chose que de ne s’occuper  des mes affaires! Nous en avons parlé hier et j'ai totale confiance en lui. A part pour quelque chose d’extrêmement grave, et encore, il ne me trahira pas.

          -Allez, vide tes poches!

Mais ce n'est pas possible d'être aussi bête, j'ai encore toutes les cartes de visite du soi-disant Enrico Massias sur moi. L'USB, je n'ose pas vous dire où je l'ai planquée.

         -Dis donc, c'est quoi tout ça.

         -J'ai l'intention d'écrire des polars et je m'informe.

         -Ben voyons, et comme par hasard ces compagnies ou ces personnes sont en contact voir directement travaillent sous la coupelle de Colette Vigier?

Aie, aie, aie. Vite, un beau mensonge!

          -Bon, tu aurais fini par trouver. En fait le macchab devant ma porte, m'a effectivement contactée pour un boulot. Mais il a aussi précisé que c'était pour cette fameuse Colette, cette cheftaine de la presse. L'Enrico voulait mettre au point une rencontre très discrète entre nous; il a été tué devant ma porte et je lui ai fait les poches. C'est sur lui que j'ai trouvé ces cartes de visite et le ticket de métro. Pour les clés, je ne t'ai pas menti.

         -Pas de papiers, pas de fric, rien d'autre?

         -Il lui restait quelques billets dans les poches, mais ce n'est pas mon genre de voler les morts!

         -C'est vrai, nous les avons trouvés, mais pourquoi n'avoir rien dit plus tôt?

         - Je fais mon job. J'ai voulu chercher la dame toute seule …c'est que j'ai besoin de fric pour payer mon essence moi aussi.

         -Tu es incorrigible, je vais voir avec le juge ce que l'on va faire de toi. Si ce n'était que de moi je t'embastillerais à vie.

          Sergent, au gnouf !

         -S'il te plait, il faut que je prenne des Tampax dans mon sac et que j'aille au petit coin.

          -Vas-y.

 Cet affreux m'a gardée toute la nuit. Au matin il me tend mon sac avec mon flingue, les lacets de mes pompes de sport et comme d’habitude me raccompagne en me précisant…oui oui, une fois de plus, le  sempiternel refrain:

           -Interdiction de sortir de Lyon.

Ses hommes n'ont pas vu l'étrange situation de mon deuxième téléphone portable et ne me posent aucune question sur sa provenance. Piège? Lyon ou Tassin, c'est la même agglomération. On ne va pas chipoter. Gros problème, les clés de mon appart et de ma bagnole sont chez J.F ; quand je le joins enfin au bigophone, j'ai une petite surprise.

          -Anne mon amour, je me suis fais sérieusement remonter les bretelles et ne peux plus te voir tant que cette affaire n'a pas été élucidée. Un de mes hommes t'attendra en bas de chez toi pour te donner tes clés dans une petite heure.

De peur d'une éventuelle écoute; je n'ai pas osé parler de la disparition du cadavre congelé. Quand Jean François va savoir que la fameuse Colette n'a toujours pas été retrouvée, il ne va rien comprendre. Je vais expliquer la situation à son collège.

 J'en ai vraiment marre, je ne suis pas faite pour un job pareil moi. Vous m'avez regardée? Toute frêle, un mètre soixante et un, quarante huit kilos toute mouillée…rien à voir avec les zhéroïnes de la télé, hyper-sportives, infatigables et qui ne s'arrêtent jamais pour pisser, enfin vous les voyez toujours impeccablement maquillées. Moi c'est tout le contraire, alors vous pensez, détective privée! Il y en a plus d'un qui rigolent. Quand je rencontre le pote de Jean François il me saute dessus et m'embrasse avec effusion. Normal non, je lui ai sauvé la vie il y a moins d'une quinzaine de jours[6]. Avec lui, j'obtiendrai tout ce que je veux. D'ailleurs, avant quoi que ce soit il me tend un nouveau téléphone en précisant "Celui là est sûr"

         -Merci Yves, tu montes pour un caoua, j'ai des trucs à te dire pour JF.

Un bitoniot électronique me confirme que pas un micro ne tend une indiscrète oreille. Devant un bon petit noir je résume les événements et j'avoue aussi mon impuissance pour trouver un nouveau fil conducteur à tirer. Yves aussi est flic, et il a des idées.

          -Commence la lecture des textes qui sont sur ta clé USB, si tu ne trouves rien tu enrichiras au moins tes connaissances littéraires. Il faut que je file, je bosse parfois. Ah, mon chef, pardon Jean François m'a donné ce bidule pour toi.

          -Ho les belles boucles d'oreille! Tu lui diras que je l'aime.

          -D'accord, mais une des deux est avant tout un brouilleur pour micro et pour les puces de repérage. Dernier cri, efficacité à cent pour cent. Pour lutter contre cette minuscule mais puissante merveille de technologie il faut du matos vraiment costaud. Je te laisse ma belle et je te dis merde. Vingt dieux, si tu étais libre et si je n'étais pas marié…

          -File, idiot! Je ne prétends pas que tu fasses une bise à J.F. de ma part!

Il y a longtemps que je ne portais pas de boucles et elles sont difficiles à mettre. Je réfléchi. Attention ma cocotte, rappelle-toi le gars à l'index gauche. Mon ordi est peut-être piraté! Je vais m'installer chez ma frangine. Je vérifie et graisse mon vieil automatique 6,35, un bijou dont je me sers très mal. Pour preuve, la dernière fois j'ai voulu blesser un type à l'épaule et je lui ai collé une balle entre les deux yeux. Quant à son copain qui voulait me larder de coup de rasoir, avec tout le chargeur, je ne l'ai touché que deux fois. Bon, une dans le cou l'autre dans l'aorte…il n'emmerdera jamais plus personne. C'est pour vous dire que quand je tiens cette arme en main…chaud devant! Prévoyante,  je prends une bonnes vingtaine de balles supplémentaires. Ces petits bidules riquiquis ne pèsent rien.

J'adore ma grande sœur. Seule, quarante deux balais mais encore désirable, elle ne cherche pas un jules depuis l'accident de moto qui lui a volé son mari…Trois ans déjà. Un fils de vingt ans qui sera bientôt officier de marine du côté de Toulon, ma Ficelle, c'est le surnom que je lui donne depuis toujours, s'enquiquine sans boulot et, tristounette, elle dépérit à vue d'œil. M'en vais te la requinquer, moi!

J'ai bien un frangin quelque part, le gars du milieu ou le jamais-là, je l'appelle comme ça car il a six ans de plus que moi et six de moins que Ficelle. Lui il n'aime que son camion, comme notre défunt papa. Il est toujours Parmont Zéparveau et voit sa famille du côté de Roanne tous les 36 du mois. Nous avons, jusqu'à présent, eu la chance de pouvoir réunir notre petite famille presque à chaque Noël.

Me voici installée dans la toute simple maison de ma grande sœur. Pas plus de soixante-dix mètre carrés habitables, de plein pied dans une vaste propriété de trois cent cinquante mètres tout aussi carrés; je me plonge dans les textes de mon inconnu Henry Méloir alias Enrico Massias. Car mon petit doigt me dit de plus en plus que ces deux là…c'est du kifkif la bourrique. Immédiatement une étrange sensation de déjà vu ou déjà lu me saute aux yeux…puis je fais un saut de carpe en arrière. Mais boudiou….je suis complètement idiote. Le personnel du Registre de Propriété Intellectuelle doit connaître mon bonhomme. L'INPI est dans le deuxième arrondissement, entre Saône et Rhône pas trop loin de chez moi, allez, on  retourne au turbin ; il faut battre le fer quand il est chaud.

           -Ficelle, refais-toi une beauté, je t'emmène en ville et t'invite au restau !

Juste avant d'éteindre l'ordi, une curieuse page attire mon attention. Rien à voir avec le texte que je feuilletais auparavant. Au verso la nouvelle suit son cours normal, mais au recto une suite de mots incohérents mêlés de chiffres, majuscules et minuscules se côtoyant  parfois dans le même mot… Je l'imprime et décide de la planquer au milieu d'un bloc de feuilles vierges. J’efface l’historique de l’imprimante et la fameuse clé USB a sa cache toute trouvée dans un de mes Tampax bricolé par mes soins. Vieux truc qui m'a servi avec succès bien des fois.

Quelques clics et je suis prête à partir.

           -Ficelle? Tu me réponds? Hou hou!

J'ai beau tendre l'oreille, pas un mot, je retourne dans la salle à manger. Ma frangine git sur le sol. Je n'ai pas le temps de me pencher vers elle, pas le temps de comprendre, de supposer, un coup derrière la cafetière et je la rejoins au pays des songes.

                                   

                                    xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx

 

  En principe, avant d'ouvrir les yeux j'attends, j'écoute autour de moi et essaye de recueillir des indices sur ma situation. Cette fois-ci mon esprit trop embrumé n'en fait rien. J'ai horriblement mal au crâne, tellement que cela couvre ma faim; et pourtant les gargouillis dans mon estomac doivent s'entendre de loin. Il me faut quelques secondes pour récapituler et mon premier souci réel est pour ma frangine, je murmure:

        -Ficelle?

Le noir absolu me répond. Je me palpe pour voir si je suis encore entière. Ca va, rien ne manque, sauf mes vêtements qui sont partis en terre inconnue. Nue mais tout est en place et libre de mouvement…apparemment. Lorsque j'essaye de me lever, ma tête, encore elle, heurte quelque chose. Aie, aie, bobo. Mes mains partent en exploration dans tous les sens…je suis dans une cage! A quelques mètres, de minuscules lucioles de toutes les couleurs, clignotent sans rythme précis et sans vraiment éclairer la zone où elles se trouvent. Qu’est ce que ca peut bien être ?

Oserais-je dire que je n'aime pas ça du tout? Un seul bon point dans ma situation peu enviable, je suis toujours  vivante. Et on ne m'a pas engrillagéepour me supprimer par la suite, ou alors « on » m’a accordé un sursit.  Je manifeste mon retour à un brin de lucidité en demandant le plus fort possible:

          -Hééé hooo ! Ya quelqu'un?

 Une serrure en mal de graisse et fouillée par une clé me répond. Bruit caractéristique que tout prisonnier redoute car il soulève bien des points d'interrogation et il est  trop souvent présage d'un funeste moment. La lumière fut. Crue, blanche, forte, elle me révèle un insupportable spectacle. Mes yeux s'agrandissent d'horreur. Prisonnière en enfer.

Si je suis en cage, au moins, ce n’est pas entravée comme ceux et celles que je vois maintenant dans cette abominable pièce. Un laboratoire sans aucun doute. Mais ici, les cobayes n'ont rien d'animaux. Les autres infortunés, une bonne douzaine, qui partagent ma détention le font dans des conditions où ils n'ont plus que l'apparence de l'humain.

Chacun rivé à une machine compliquée, le corps nu où des dizaines de fils électriques s'entrecroisant sont reliés à une grosse boîte pleine de voyant multicolores. La tête littéralement couverte d'électrodes, les yeux maintenus ouverts par de fins écarteurs et le regard fou, perdu dans des souffrances au-delà de l'imaginable. Je n'ai rien mangé depuis lulure mais je vomis mes trippes.

Le gars qui me parle s'exprime dans un Français  excellent, sans le moindre accent mais à un je ne sais quoi, je devine qu'il doit encore mieux parler Anglais. Ce type est  sujet de sa Gracieuse Majesté, sans l'ombre d'un doute. Détail, pas d'index gauche rigide!

        -Bien venue, mademoiselle Muntanyet. Je suis persuadé que notre collaboration va produire de très bons fruits. Voyez-vous, nous n'avions pas encore de détectives à notre actif et nous sommes par hasard tombés sur une des meilleures!

         -Bonjour cher monsieur, merci pour votre fielleuse pommade. Aurais-je l'honneur de visiter la Cornouailles avant que vous me trucidiez?

Bang! Un léger froncement des sourcils me prouve que je ne me suis pas trompée. On m'a fait franchir le Chanel.

          -Bravo mademoiselle ! D'ici peu vous allez vous retrouver identique aux braves que vous voyez ici. Comme il est impossible que l'on vous localise ou que vous puissiez vous échapper, vous avez le droit de savoir. N'est-il pas beau de connaître son avenir? Pour ca, il y a bien des gens qui payent.

         Si nous réussissons, car hélas il y a beaucoup de pertes,   vous allez devenir notre chose. Votre cerveau va emmagasiner des informations qui seront utiles par la suite quand nous vous relâcherons. C'est pour nous que vous travaillerez sans sourciller, sans vous plaindre et sans jamais nous trahir. Jusqu'au jour où vous deviendrez soit inutile soit dangereuse pour nous…Alors…by by ! Des individus, hommes ou femmes, de toutes professions sont déjà sous notre coupe et vous serez la première détective privée.

         Vous n'imaginez pas combiens sont nos "Exécutants", c'est le nom que nous leur donnons,  répartis sur tous les continents, dans tous les pays et bien sûr à des postes importants. Même un commandant de sous-marin nucléaire…avec les bombettes qu'il transporte! Des PDG, politiciens, journalistes, policiers, juges, agents de services spéciaux, hauts dignitaires religieux, militaires je viens de vous le dire et bien d'autres encore.

         -Des nègres de la littérature aussi?

Bang, bang! Retouché le gugusse.

                  -Pas tout à fait, mais décidément si vous survivez, nous ferons de vous un magnifique outil de travail !

Toi l’ami, tu parles trop ! Je commence à me faire une idée de qui était Enrico Massias. Quelqu'un ayant certainement fait un séjour ici et qui, par je ne sais quel prodige, a voulu se libérer du joug de sa condition d'esclave.  Supposition…supposition…

Par contre, tous les textes que j'ai parcourus sommairement m'ont rappelée des bouquins hyper connus. Si le gars était un nègre, il n'aurait pourtant pas du déclarer les œuvres comme siennes. Encore des nouveaux points d'interrogation qui s'ajoutent aux premiers. Il me semble qu'une vérification s'impose. Mon voisin du dessous, rue du Plat, est bibliothécaire et possède une culture littéraire hors du commun.  Ce sympathique vieux loustic va me renseigner, lui qui ne manque jamais de me saluer quand nous nous croisons, qui toujours me demande comment je vais et patati et patata. Je le soupçonne d’ailleurs d’avoir aussi des envies de baisser son pantalon quand il lève poliment son chapeau. Il va bien me dire si un texte choisi au hasard lui rappelle quelque chose.

Vous ne trouvez pas que mon optimisme déborde un peu? Prisonnière dans une cage et condamnée à d'épouvantables expériences, j'envisage encore la suite de mon enquête. Incurable la petite Anne! Ca c'est du détective!

         -J'ai faimmmmmmmm!

         -Vous avez de la chance, j'éprouve une certaine sympathie pour vous et je vais vous  faire apporter un plateau repas.

Ben voyons, deux vilains yeux trop rapprochés qui courent sur mon anatomie légèrement dénudée ne sont pas étrangers au sentiment apporté par le bonhomme. Peut-être une carte à jouer de ce côté? Il ne me plait guère d'user de mes charmes mais avouons qu'en cas de force majeur…pourtant ce coup-là je ne le sens pas.

          -Non petite Anne, pas avec moi! Pour vous préciser, il n'y a que les hommes qui me font craquer.

Ou le gars lit mes pensées, ou c'est un grand crack en psychologie. La deuxième hypothèse me semble la plus certaine; mais dans les deux cas, ne pas compter sur ma séduction pour me tirer de ce mauvais pas.

Peu de temps après, une infirmière ou une aide soignante pose un plateau tout semblable à celui d'un self-service, avec un petit pain  chaud, une belle tranche de viande baignant dans une sauce indéterminée. Quelques patates qu'une prétention pourrait nommer frittes et une bouteille d'eau minérale sans la moindre étiquette dénominative. La sauce est réellement indéterminée, du n’importe quoi. Mais comment font-ils pour que cela n'ait gout à rrrrrrrien?

Bien qu'il m'ait fallu manger au travers des barreaux de ma geôle, et qu'un couteau en plastique ne soit pas l'ustensile le plus pratique pour couper la viande, je n'en laisse pas une miette.

Ce doit faire partie de leur jeu, mais le repas suivant est le même. Entre les deux, un laps de temps impossible à déterminer pendant lequel tout est plongé dans le noir absolu. Puis un troisième repas arrive, du pareil au même. Quelle variété dans les menus! Personne pour m'emmener aux chiottes. Le truc chimique qui est dans un coin de ma cage commence à puer vraiment. A chaque venue, le semblable bruit de clé sans pour autant voir l’extérieur du labo.

Bizarre, il me semble entendre des sirènes de police qui s'approchent. Mais, mais, c'est bien des coups de feu qui s’échangent maintenant.

La porte de fer gondolée, style tube Citroën, est pulvérisée par un engin genre tractopelle, la lumière fut et une voix que je reconnaitrais entre mille hurle à pleins poumons.

        -Annnnnnne!

        -Jean François!

Je pleure pendant qu'un flic en noir, cagoulé et blindé de parre-balle, coupe mes barreaux à l’aide d’une disqueuse. Ils sont bien équipés par ici ! De nouveau je pense à ma frangine, pourvu qu'ils ne lui aient rien fait.

       -Comment va Ficelle ?

       -Qui?

       -Ma sœur!

       -Pas de bobo à part d'être morte d'inquiétude à ton sujet!

En moins de cinq minutes, un autre poli à l’uniforme impeccable et moins agressif, m’a dégottée des vêtements qui doivent me faire ressembler à un épouvantail. Bon, c’est toujours mieux que de rester à poil. A nos côtés œuvre bientôt un groupe de personnel hospitalier qui prend en charge avec une grande délicatesse quatorze personnes de tout âge dont une ne parait qu’une frêle préadolescente. Les zombis sont évacués sur des civières pendant que les gars de la scientifique, tout de blanc vêtus, prennent possession de ce très particulier laboratoire.

Une porte vient d’être enfoncée, celle par laquelle devait venir l’infirmière des plateaux repas, celle par laquelle est arrivé mon salopard aux yeux de fou vicieux. La pièce derrière est minuscule, un escalier descend vers les profondeurs, suivi d’un étroit boyau faiblement éclairé où courent, fixés à un mur, de nombreux câbles électriques.

      -Non de Dieu, un sous-terrain ! Je parie qu’il file vers la clinique privée qui jouxte le terrain. Un bidule psychiatrique je crois.

 Trois policiers anglais, deux français dont Jean François, et petite Anne foncent maintenant dans le tunnel, chacun le pistolet au poing. Tu parles, avec le ramdam de la descente toutes sirènes hurlantes, ceux qui avaient un petit quelque chose à se reprocher ont eu largement le temps de prendre la poudre d’escampette. Effectivement, après une deuxième porte enfoncée, nous débouchons dans la buanderie de la clinique. Médecins, infirmières et gros malabars de garde sont éberlués. Ils nous affirment bientôt que la moitié d’entre eux  se sont carapaté quand le terrain d’à côté à été investi. Pas grave. Avec une bonne traque, tous ces braves gens qui acceptaient de se faire des heures extra en un boulot peu reluisant, seront embastillés rapidement. Ceux qu’il va falloir attraper avec plus de difficulté seront les toubibs. Quant aux commanditaires….

      -Au fait, je n’ai pas eu le temps de te demander. Comment diantre m’a-t-on retrouvée ?

     -Tes boucles d’oreilles mon amour !

     -Quoi ?

     -Je t’ai juste un peu menti ! L’une d’elle est munie d’un minuscule émetteur sur une fréquence hors de la gamme ordinaire. Dernier cri et…pratiquement indétectable. Pour preuve, ils ne l’ont pas trouvé !

     -Salaud !

     -Mais non, il me semble que tu oublies que je suis un policier, que je reçois des ordres. Et que ces boucles d’oreilles t’ont sauvée la vie. En très haut lieu, certains responsables se sont rendu compte que tu étais involontairement tombée sur « une grosse affaire » comme ils disent, et ils ont donné des ordres pour que je travaille  dans ton ombre.

Au fait je te présente Mathieu  Ferrandier,  fonctionnaire hors cadre du ministère de l’intérieur et accessoirement fournisseur en boucle d’oreille.

    -Ho ! Que cela est bien dit pour désigner une barbouze ! Enchantée.

L’autre se marre en me serrant la main.

    -Anne, vous allez nous accompagner dans le saint des saints de Scotland Yard.

Un jour entier d’interrogatoires avec ou sans la présence de Jean François avant que l’amour de ma vie et moi-même soyons rapatriés sur Paris. Je n’ai strictement rien lâché sur des détails sans importance ; comme celui du congélateur pour dame de l’édition littéraire par exemple !  Encore un jour de plus dans un bâtiment discret, non loin du ministère de l’intérieur puis un vol en jet d’affaire (d’état), s’il vous plait, pour le retour sur Lyon. A Bron une surprise de taille m’attend.  Un homme serre la main de Mathieu, se présente à Jean François avant de se tourner vers moi en s’inclinant légèrement. Grandjean l’accompagne et reste muet, juste un geste de la main pour me saluer

     -Henri Périn, commissaire spécial, attaché désormais à votre équipe sur cette rocambolesque histoire.

J’espère qu’il ne remarque pas trop mon émoi. Dans sa main gauche qui reste gantée, l’index tendu  ne peut se plier.

     -Ravie de vous connaître !

 Là, je ne mens pas. Pour un peu je rajouterais « enfin ». Lui, je gagnerais une fortune en pariant qu’il sait où se trouve dame Colette Vigier-Congélatus.

     -Monsieur le commissaire, dois-je comprendre que désormais je suis libre de mes mouvements ? Ou que l’on m’oblige pour continuer l’enquête aux côtés des autorités ? Dans ce dernier cas, quelle sera ma rémunération ?

     - Vous ne perdez pas le nord madame !

     -Impossible, je n’ai jamais été foutue de savoir où il se trouve, mais ma situation économique ne me permet pas de longs moments de calme plat.

     -Vous pouvez disposer, il vous faudra toutefois…

     -Je sais, ne pas sortir de Lyon. Je connais la rengaine !

J’ai presque envie de me remettre à la clope mais je résiste. Avec effroi, je réalise qu’en plus de la volaille, j’ai désormais  une équipe de barbouzes aux fesses. Et ceux-là sont aussi des coriaces, des très méchants. Anne, sœur Anne, tu devrais abandonner cette histoire de fous avant de te faire bouffer toute crue. Je file vers un arrêt de bus n’ayant pas envie de débourser pour un taxi. Pas un de ces messieurs ne s’est proposé pour me raccompagner, ni J.F. qui m’a regardée un peu gêné en se dirigeant vers une voiture aux trois couleurs de la république. Avec tout plein de gyrophares sur le toit. Il n’y a plus de galanterie de nos jours.

Message sur mon portable…de J.F….

     - 20 heures chez toi. Je t’invite à souper.

     -OK !

        A partir de maintenant je sais qu’ils vont tous savoir de moi, ils seront plus collants que mon ombre, je suis probablement filmée en permanence, ma boucle d’oreille…tiens, je l’avais oubliée celle-là ! Je la garde au cas où ! Ma voiture, quand je la reprendrai sera équipée d’un tas de bidules électronique…intimité parfaite assurée. Je pleure, soudainement fatiguée à l’extrême. Décidemment la circulation dans ma bonne ville ne s’améliore pas, presque trois quarts d’heure entre l’aéroport et la place Bellecour…Cela me laisse le temps de remémorer tous les événements. Faire le point sur l’intrigue. Impossible pour ma petite cervelle de penser à autre chose. Mon fameux Périn, bien que je l’ai piégé en fouillant chez moi, n’est peut-être pas du mauvais côté de la barrière. Les services spéciaux pouvaient fort bien s’intéresser au mystérieux Enrico Massias. Et finalement, il ne connait  pas forcement la congélation de madame Vigier. Heureusement que je n’ai pas parié la fortune que je ne possède pas.

        Moi aussi j’aime à garder quelques atouts dans ma manche, je n’ai encore rien révélé à mon amour de flic sur le détail d’un index. Dois-je le faire ?

Mon restaurateur afghan se montre fort content de me voir accompagnée et souriante. Je me suis refait une beauté pour rien, il n’y a pas de préambules et la conversation reste professionnelle. J’apprends qu’en Cornouailles deux célèbres médecins d’une clinique psychiatrique de renom se sont soi-disant entretués avec des armes à feu, un troisième  associé est porté disparu.  La police soupçonne une vague histoire de jalousie, de mari trompé sur fond de gros sous et poursuit son enquête. Coïncidence, plusieurs membres du personnel de cet établissement si sélect ont été incarcérés pour des mauvais traitements sur certains patients. Ceci étant la version officielle. En réalité Scotland Yard décortique toute la documentation de la clinique, espérant découvrir les noms de certains « exécutants » et of course, pour savoir qui tire les ficelles de cette abomination.

Serait-ce un hasard si le plus gros actionnaire de la clinique, à plus de quatre-vingts pour cent, est le dirigeant fort connu d’un parti d’extrême droite?

Je me fais toute petite en constatant avoir mis les pieds, bien contre ma volonté, dans une semblable affaire. Ces gens là ne plaisantent jamais. C’est le moment où Jean François me pose la question insensée, celle qui trottinait à cent douze millions d’années lumière de mes neurones préoccupés.

       -Et si nous faisions un enfant?

J’en renverse le peu de vin qui restait dans mon verre et que je voulais porter à mes lèvres gourmandes. Je me sens rougir comme une prude collégienne surprise par son prof goguenard alors qu’elle visionne une revue coquine de beaux mâles en petite tenue. Je vais pour parler mais ne trouve plus de mot dans mon répertoire crânien. Je pleure. De joie certainement. Mon cœur envoie un message à mes lèvres sans que le cerveau pour une fois ne serve d'intermédiaire de communication. Mon humour ne peut, y compris en cette circonstance, s'empêcher de resurgir.

      -Il faut bien commencer par un premier!

      -On y va?

On ne va pas avoir le temps d'y aller. En sortant du restaurant, des gentils bien-intentionnés nous attendent. C'est à la mitraillette ou à la Kalachnikov qu'ils veulent nous souhaiter une bonne fête. Jean François m'a plaquée au sol et déjà la voiture démarre en laissant la bonne moitié de ses pneus sur l'asphalte. Je ne suis pas blessée mais je m'affole, j'ai du sang partout.

       -Jean François! Non!

 Je hurle ma rage et pleure de nouveau, penchée sur le corps de mon bel amant qui laisse fuir sa vie par plusieurs blessures…

 

Chapitre 2.    Qui, en toute logique, suit le 1.

 

  -Nous ne savons pas s'il va s'en sortir. Une des balles a touché le foie, une autre perforé un poumon  Il est trop tôt pour qu'un pronostique soit établi. Les premiers jours vont être vitaux. Nous ferons notre maximum pour le sauver madame. Mais votre mari est costaud et, personnellement, j'ai réellement bon espoir.  Ce n’est pas  pour vous faire plaisir, le cas contraire, je vous l’aurais dit également.

Sans lui préciser que nous ne sommes pas encore mariés, je remercie l'homme en blanc d'un balbutiement. Me voici seule, face à une situation où des barbouzes, certainement de plusieurs pays, des policiers et pire, une puissante organisation secrète, vont se tirer dans les pattes.  Innocent bout de femme de un mètre soixante et un pour quarante huit kilos, inconsciente qui maintenant  jure que le tireur, son ou ses mandants ne vont pas l'emporter au paradis. Si l'amour de ma vie ne me revient pas, je vais faire un massacre ! Au bazooka si nécessaire ! La haine est mauvaise conseillère, je me calme. Puis une évidence me vient. Je me rappelle un détail donné par Grandjean, seulement une moto au nom d'Enrico Massias. Mais bon dieu!

Une fois encore je me traite de tous les noms. Qui donc est le propriétaire  de la Mercédès? Comment, ais-je pu passer à côté de cette évidence? Creuse ta mémoire petite, retrouve ce numéro d'immatriculation. Monsieur le commissaire cette fois  doit avoir une longueur d'avance…

Impossible de m'en rappeler. Il me reste l'homme à l'index rigide et immobile dans son gant. Je dois le faire parler! Autre chose aussi, avec un petit automatique de rien du tout, je ne vais pas aller bien loin. Donc je vais suivre le conseil de Jean François. Une artillerie plus précise me sera nécessaire, mais pas du gros calibre. Je file à la Croix-Rousse voir mon pote l'armurier.

Il est certain que les flics ou les barbouzes, voir les deux, ont du truffer ma vieilles Clio asthmatique de bidules pour la suivre à la trace mais pour le moment je m'en fous. Tout ce beau monde peut savoir où je suis en permanence. Je veux désormais être armée jusqu'aux dents. Alors pour me mettre à la hauteur, avec le flingue, je vais me payer un beau holster en cuir.

Jérémie est homme de sages conseils, du moins dans son domaine. Il me propose un automatique au canon pas très long, facile à dégainer et ayant peu de recul. Avec aussi un chargeur de bonne contenance; vu ma maladresse j'aurai besoin de pas mal de cartouches. Prix d'ami à trois cent quatre vingt euros quand même, plus les cartouches! Plus le holster! Me voici l'heureuse propriétaire d'un Colt modèle 1911 version 22LR, enfin une arme plus pratique que mon Pocket qui n'a qu'un seul avantage, sa petitesse.

Première désillusion, j’ai retrouvé  le numéro dans un tiroir caché de ma mémoire mais, mon pote de la préfecture, celui qui me renseigne pour les proprios de bagnole, se refuse à me communiquer le moindre renseignement! Ordres strictes de son supérieur rachitique, impossible de m'aider sans qu'il ne risque un blâme voir une mise à pied. Je vais voir si Grandjean me file un autre tuyau, l'adresse de l'appartement inoccupé qu'il a trouvé et je vais partir de ce seul point qui me reste. Seul ? Une intuition, sans qu'une véritable logique ne s'y rattache, cogne dans ma caboche. J'ai souvent bien fait de suivre ces étincelles qui me titillent au cours de mes enquêtes. Et si la belle résidence de luxe des trois triplex,  dont celui où un congélateur était légèrement funèbre, si donc toute la résidence était mêlée à notre affaire? Les deux autres locataires ont du répondre à bien des questions de la police puis suivre tranquillement leur petit bonhomme de chemin sans être inquiétés. Honnêtes ou pas?

Apparemment la flicaille ne surveille plus la résidence, mais les barbouses? Anne sœur Anne, tu es un génie. A peine dix minutes en planque et je viens de reconnaître un gars qui rentre dans le triplex opposé à celui que je connais trop bien. Le type  a changé d'aspect, il a certainement grandi de quelques centimètres grâce à des talonnettes, ses cheveux sont teints mais il ne me la fait pas. Le chauffeur de madame Vigier est toujours bien vivant! Celui là va parler je vous l’assure. Il me chantera Ramona même !

Comment le coincer ? C’est fou ce que les questions se bousculent pour agiter mes neurones délicats. Encore une, et balaise ! Si tout le coquet ensemble d’appartement est relié à mon affaire, pourquoi n’y a-t-il eu aucune réaction quand j’ai, puis nous avons avec J.F., visité l’antre  du sieur écrivain ?…Moi yen na pas comprendre bwana ! La visite ne pouvait être ignorée car je n’ai pas hésité à allumer maintes lumières. Une chose devient de plus en plus certaine, les barbouzes obéissent à des lois incompréhensibles aux quidams quelconques. Ils ne savent pas par contre, que je ne me sens pas ordinaire. Et que pour dénicher le ou la, car les nanas aussi sont capables de tout, qui a bastonné l’amour de ma vie, je suis prête à tout ! Je continue ma planque bien m’en prend. Deuxième révélation qui, plus que la première, me fait avancer sur le dur chemin de la réalité. Un deuxième homme, au bras d’une pulpeuse beauté sort à son tour des lieux. Le couple s’engouffre dans une berline Audi. Quel modèle ? Aucune idée et je m’en fous, par contre une chose m’intéresse au plus haut point. Lui est un certain Perrin, Henri de son prénom, si tenté que le loustic s’appelle réellement ainsi. Je me fais encore plus petite…

          -Mama mia, quel jus de boudin !

Pourquoi faut-il que j’avance comme une bagnole dont le moteur a des ratées ? Il me semble parfois raisonner avec des hoquets. Un détail me vient qui doit avoir son importance. Le prétendu Enrico, le fléché devant la porte de ma crèche, ce ne doit pas être une barbouze française qui l’a exécuté. Nos gars, sur leur territoire, ne s’encombrent pas de fusils sous-marins. Ils ne craignent pas d’utiliser leurs flingues avec silencieux et si la maison poulaga intervient, ils ont leur carte sésame, elle aussi tricolore. En plus ils s’arrangent pour faire disparaitre leur victime. En principe donc, je ne dois pas craindre une entourloupe du côté des « spéciaux » français. En principe…

Tititi tatata tititi. SOS Mon téléphone ! Pas le temps de me présenter que mon interlocuteur  parle !

      -Salut mis détective, Ferrandier. Pour votre information et éventuellement savoir si cela précise quelque chose pour vous. Les toubibs n’ont pu maintenir en vie que trois des quatorze personnes qui étaient cobayes dans le labo du diable en Angleterre.

      -Oui, et ?...

     -Curiosité remarquée par un légiste ayant autopsié les autres, un des hommes avait été congelé auparavant, congelé alors qu’il était encore vivant !

    Clinc ! Boudiou ! Si le gars me raconte ca, c’est qu’il est du  gentil côté de la barrière!

              -Il faut que je vous parle immédiatement et en présence du commissaire Grandjean ! Venez tous les deux chez moi au plus vite !

              -Impossible Anne, je vous appelle de Paris !

              -Alors je vais voir Grandjean, je ne le quitterai pas d’une semelle, je sais que je suis en danger. Je lui dirai pourquoi ! Nous vous recontacterons, ou l’une ou l’autre !

       Une partie de l’incroyable vérité me saute aux yeux. Dame Colette Vigier était comme moi destinée à la robotisation,  et monsieur index rigide trempe jusqu’au coup dans cet abominable micmac. Lentement, le jour se fait !

      Si mon Jean François s’en sort, je promets de lui fabriquer une demi-douzaine de chiares et de me mettre au tricot pour les vêtir tous décemment. Trop, c’est trop !

     Par précaution, plus question d’utiliser ma bagnole et je vais perdre mon téléphone dans un autobus . Depuis mon retour en France je ne suis pas filochée, donc une puce non sauteuse ou un quelconque autre bidule de repérage par satellite m’a été collé. Vingt dieux !  Depuis quelques temps me trotte en tête un excellent film où Lino Ventura barbouze était suivi à la trace grâce à une balle trafiquée de son flingue. Vérifions !

      Banco ! Merci ange dans le ciel qui m’envoie de bonnes informations. La dernière bastos dans le chargeur est nettement moins lourde que les autres ! Je la mets dans ma poche et vais m’en débarrasser bientôt. Action…

      Pratiques ces soufflets d’autobus urbain articulés. Mon portable s’y cache tout seul. Immédiatement je téléphone avec celui que J.F. m’a refilé pour signaler un vol à la compagnie de couleur, entre jaune et  rouge,  qui me ponctionne allégrement chaque fin de mois. A la maison royco, je ferais également une fausse déclaration…mais sans mentir à Grandjean.

        Pour une fois, je vais lui dire toute la vérité, rien que la vérité, je vous le jure et me confiée à lui entièrement. Je suis certaine qu’il me protègera efficacement…

 

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               -Voilà monsieur le commissaire, après ma boucle d’oreille restée sur ma table de nuit, mon téléphone faussement perdu et une balle- émettrice qui se ballade à l’arrière d’une grosse fourgonnette de livraison, vous en savez désormais autant que moi sur cette affaire.

               -Incroyable ! Mais tu, heu vous êtes dingue de ne m’avoir rien dit plus tôt !

               -Tutoyons-nous le flic. Tous les deux dans le même sac aujourd’hui, nous devons travailler la main dans la main. Si nous nous tirons la bourre c’est la cata au bout du chemin. Ah, pour te prouver que je vais jouer franche avec toi ; tu sais le coup de l’enregistrement… quand tu as voulu me draguer …Et bien c’est du pipeau ! Pour faire fonctionner le magnétophone de mon portable, je suis nulle ! Et de plus, jamais je n’aurais été capable de raconter ca à ta bonne femme. Je m’en voudrai à vie de bousiller une famille heureuse !

              -Finalement, je crois que je t’apprécie vraiment…en temps que bonne professionnelle. Tu m’as bien eu coquine !

        Et le gazier de poulet de me « péter une grosse miaille[7] » sur la joue  en précisant :

             -A partir de maintenant,  je ne te quitte plus d’une semelle. Apelle-moi Gégé comme mes potes.

       Le téléphone sonne sur son bureau, il décroche et immédiatement un sourire s’affiche sur sa face costaude au fort tarin.

              -Ton Jules est tiré d’affaire…il n’aura aucune séquelle de ses blessures.

      Du coup, c’est petite Anne qui lui pette la miaille !

      SOS, ce coup ci c’est pour bibi. Une voix que j’ai grand peine à reconnaître m’affirme qu’elle appartient à un homme qui m’aime et que…il ne peut plus parler et j’entends son téléphone qui tombe parterre.

       Monsieur le commissaire Gérard Grandjean se racle la gorge en précisant :

               -Si c’est ton homme, dis-lui qu’il devra attendre encore avant de te retrouver. Il vaut mieux qu’il ne sache rien des derniers développements de l’affaire et je te communique deux ordres. A partir de maintenant tu ne peux te confier à personne. Le ministre de l’intérieur en personne est venu me voir. Il n’a pas osé téléphoner, c’est pour te dire… ! A part lui-même, le gars Ferrandier et bibi, tu dois considérer le monde entier comme un potentiel ennemi.

              -Jean François ?

              -Il est hors-course et sera placé sous discrète surveillance. Il retourne  chez sa vieille môman pour récupérer tranquillos quelques temps.

               -Heu…le deuxième ordre ?

               -Piéger un certain Henri Perrin qui a curieusement insisté pour être affecté sur notre affaire. Le grand patron du SDECE a trouvé ca bizarre et aussitôt contacté  son ministre.

               -Il me semble que pour cette fois, je vais devenir une petite soldate disciplinée. Et bosser avec grand plaisir. J’ai une idée. Nous allons bricoler une fausse liste de chiffres et de lettre, fort semblable à celle que j’ai trouvée, au recto de la même page de texte et je vais contacter le loustic pour soi-disant la lui refiler. A tous les trois on devrait pouvoir le coincer.

               -Un grand pote de Ferrandier loue des meublés et toute la bâtisse est disponible, en attente de proches réfactions.  Un modeste studio nous suffira. Tu vas attirer notre objectif en disant que tu seras sur place après demain matin et que tu l’attendras dans l’appart. En fait tu vas y allé tout de suite. Lui se pointera probablement bien en avance, pour examiné les lieux. Dés qu’il rentre tu l’assommes et on se pointe à notre tour. Vu ?

                -OK, on met ca au point !....

 

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            Je poireaute depuis plus de dix heures quand à une heure du matin, un fourmillement dans la serrure, bien que pratiquement silencieux, attire mon attention. Le visiteur ne semble pas aussi doué que moi pour crocheter, ce n’est pas vraiment un homme de terrain. Plus de douze minutes d’attente avant que le battant ne  s’entrouvre avec un horrible grincement capable de réveiller tout le quartier. Mais il n’y personne.  Le Perrin, si c’est lui, se fige sur le palier. Rien d’alarmant et il entre en place conquise, une minuscule lanterne pointée devant lui, cherchant le tableau électrique pour mieux visiter avant le petit matin. Boum ! Une grande chaussette pleine de sable constitue décidemment un assommoir on ne peut plus efficace !

        La porte refermée je refile un coup de sécurité…au cas où…Puis vais remonter le disjoncteur… c’est bien notre proie ! Comme les militaires israéliens qui inventèrent le truc, j’attache mon gars avec des brides électriques. Grosses et serrées et pour ne pas être en manque je double avec une forte et large bande collante de plastique isolant. Un dernier morceau sur  le museau en laissant respirer et j’appelle Grandjean…pas de réponse. Une voix impersonnelle me conseille d’essayer plus tard…

          Ferrandier…aux abonnés absents lui aussi. Mais c’est fort embêtant ca ! Voyons voir ce que cet affreux portait dans son mini sac à dos ! Tout simplement une preuve qu’il n’avait pas, en entrant ici, de bonnes intentions à mon égard. Un fusil sous-marin à air comprimé, armé, prêt à l’emploi mais sécurité mise et trois redoutables dards de rechange.

        Qu’est ce que je vais faire de mon quidam ? Je fixe à l’un de ses poignet un fil de pêche (j’en ai toujours sur moi, du 20 centième) et relie celui-ci à deux canettes de bière vides posées l’une sur l’autre

 au bord de la table…Et je m’endors !...

          Bling, blang, le bruit de la quincaillerie qui tombe sur le carrelage me prévient que monsieur a repris ses esprits. Il a du mal à comprendre, tel est chopé qui croyait piocher ! Il me roule bientôt des yeux furax et m’insulte copieusement quand je tire avec violence sur son bâillon collant.

             -Gueule pas mon gars, nous les femmes usons la même chose pour nous dépiler ! J’attends mes potes et nous allons te faire chanter la javanaise !

            -Tu peux toujours attendre,  ils ne viendront pas !

            -Ecoute-moi bien minable. Je veux tout savoir et encore plus. Et tu me diras aussi pourquoi Grandjean et Ferrandier ne peuvent venir !

             -Cause toujours ma belle, je ne dirai plus un mot

             -C’est tout simple cher monsieur. Si vous restez muet, je vous bousille un genou. Style règlement de compte de L’IRA du bon temps où les Britishs chatouillaient des plantes de pieds irlandais.

              -Tu n’oseras jamais, je travaille pour la France, moi. Fonctionnaire d’état.

              -Et pourriture de surcroit !

         Je vise à côté de sa jambe gauche et presse la détente. Avec ma dextérité au pistolet automatique…je lui brise réellement le genou ! Et dire que j’ai dépensé du fric pour me munir d’une arme plus précise ! Le meuchant barbouze devient vert puis s’évanouit. Si j’avais voulu, je n’aurais pas pu mieux faire. La blessure saigne à peine, seul l’os est en compote et je suis certaine de ne pas avoir vraiment esquinté le bonhomme. Je file chercher une casserole, la remplis d’eau froide, résiste à l’envie de lui piquer une clope avant de finalement lui asperger la tronche. Perrin  se réveille, s’ébroue,  perd son vert qui vire au jaune puis au blanc crayeux. Ignorant ma maladresse au tir, il lit dans mon regard une folie que je n’ai pas. Mon air farouche et décidé d’aller bien plus loin va lui délié la langue.

             -Ou tu parles ou…il te reste encore une jambe valide mais pas pour longtemps! Et si besoin est, je te découille !

        Je ne pense vraiment pas qu’avec une balle dans un genou, en étant certain que l’on restera estropié pour la vie, la menace d’une deuxième bastos dans l’autre rotule, et la perspective de devenir énuque, un homme normal puisse encore mentir. Je vais donc prendre pour argent comptant ce que l’abominable Perrin me confesse. Sachant que lui-même ne connait pas tous les tenants et les aboutissants de l’affaire. Il a mal. Il a du mal pour parler mais la peur lui donne la force de le faire. Mon schmilblick avance à pas de géant.

          J’apprends ainsi que la fameuse Colette avait pour amant un  certain  Emilio Castro, véritable nom du Henri ou Enrico par ailleurs et sans lien de parenté avec  Fidel, venu bébé de l’Argentine y retournant fréquemment, et qui pondait autant de romans que sa Sainteté le Pape pouvait en bénir. Madame de l’édition a su monnayer le talent du type en question en proposant ses services à de nombreux écrivains-charlatans incapables d’aligner deux mots consécutifs. Cette même dame de l’édition ayant des idées disons très à droite, encore plus que ca, fut un jour contactée par un important homme politique d’outre-manche.

         Un génie semblable à celui d’Emilio pourrait être utilisé d’une forme…un peu particulière. Horreur ! Madame qui, en comité restreint, avait cautionné les formations d’ « Exécutants » n’a pas accepté et a prévenu son amant.

       Colette Vigier était désormais dangereuse et l’on décida de mener à bien, avec elle, une expérience ayant hélas souvent échouée. Celle de robotiser un humain congelé vivant. Inaugurant ainsi d’immenses possibilités pour les temps futurs. Il fut un jeu de convaincre le chauffeur de madame pour qu’il collabore. Carte de flic en main et montage d’une invraisemblable histoire masquant la réelle. Le gars a cru sincèrement travailler pour son pays avant de se faire refroidir. Il tient aujourd’hui compagnie à un mort et enterré depuis lulure qui se sentait bien seul dans sa boîte en sapin.

         Je m’interroge.

         Mais comment  le sous-fifre qui maintenant s’affale devant moi, sait-il tout ca ? Je presse la gueule de mon arme un centimètre au dessus d’une bosse dans la braguette du gars en question et pose la mienne,  pesant également un peu sur son genou blessé.

                -Mais qui es-tu pour connaitre  tant de détails ?

                -Le responsable de la partie « action » sur sept pays européens ! Et si tu me laisses tranquille, ta fortune est assurée.

                 -Où sont Grandjean et Ferrandier !

                 -J’ai donné des ordres pour qu’ils soient arrêtés par des minus de mon service. Mes gars n’ont rien compris mais ils ont les ont exécutés.

                  -Hein ? Tu les as fait flinguer ?

                  -Nooon ! Les ordres, exécutés les ordres ! Je devrais m’occuper de tes deux comparses plus tard. Putain, j’ai mal ! Appelle une ambulance !

      Ouf, ils sont vivants !

 

                  -O ù est le cadavre de madame Vigier ?

                   -J’ai encore manipulé mes hommes pour le planquer il vous sera facile de le retrouver. Libère moi petite et demain il y a un million d’Euros sur un compte en banque à ton nom aux Îles Caïman.

                   -Tu sais où tu vas te le mettre ton fric ?

       

         Je n’ai pas le droit, je ne peux pas, je ne suis pas une criminelle, mais mon index ne m’obéit plus…j’aurais eu honte de laisser pareil salopard en acte de marche derrière moi. Qu’il puisse continuer à procréer des monstres lui ressemblant…beurk, beurk…

          Pan !

          La flaque de sang qui s’élargit sous lui annonce qu’il va rejoindre, très vite, tous les misérables restés en tant qu’échecs dans le laboratoire maudit. Quand cette ordure sera morte, je ne me rappellerai même plus de ma légère participation pour son passage à trépas. Il ne me reste qu’à maquiller tout ca sommairement. Faire croire à une auto-défense va être facile, surtout que le premier sur les lieux sera un commissaire de police éminemment connu pour son grand professionnalisme, sa compétence, son incorruptibilité, sa… et son… et davantage encore. Surtout que je n’ai jamais effacé l’enregistrement d’une certaine perquisition illégale en mon domicile. Surtout que j’ai retrouvé un certain fusil sous-marin à air comprimé. Surtout que….Je suis tranquille, la balistique va faire une monumentale erreur en ne reconnaissant pas les balles de mon nouveau pistolet 22. Et enfin, surtout que je file voir directement un ministre.

        J’ai sur moi un mot qui me servira de sésame afin de l’atteindre. Vous pouvez toujours essayer de tchatcher avec un très haut perché. Mieux vaut se payer l’Everest en vélo avec des roues carrées !...........

 

      Trois jours d’explications et de paperasses. Avec des gars  du SDECE ou la DGSE, de Scotland Yard ou du Fortdingue-Office, des représentants du TRUC, de la CIA, du MACHIN,  des M 16, 17, 18, 19, FSB russe, Mossad et de la Gendarmerie Belge, même un Chinetoque  du GUOANBU. Réunion de ce beau monde de l’hombre pour confirmer à la Terre Entière que je ne suis qu’une simple petite privée et que, presque toute seule, j’ai sauvé la planète de LA BÊTE immonde ! Demain, j’ai la certitude de recevoir une multitude de propositions d’emploi, performance inouïe en ces durs temps de chômage !

        Retour sur ma vieille et bonne ville de Guignol, en train cette fois. Face à un Gégé, pleine forme,  guilleret,  tout content de retrouver ses pénates de la crim, à qui je promets qu’il sera le parrain de mon premier enfant…Tititi tatata tititi.. Téléphone. Ils ne vont pas déjà me contacter ?

              -Anne M…

              -C’est moi mon amour ! Malgré  l’avis  défavorable du toubib, je suis sorti de l’hosto. Il me semble que nous en étions restés à une proposition intéressante ! Ca tient toujours ?

              -Et comment, je pensais justement à ca !

 

                Une semaine plus tard…..

 

 

        Mon voisin du dessous, cet homme si poli et fort instruit, a vite reconnu des grands noms de la littérature, entre parenthèses qu’il n’apprécie pas personnellement, quand je lui ai présenté plusieurs extraits de la production « massiassienne ». Les titres changés, le nègre intelligent devait prétendre garder un espoir possible de reconnaissance…un jour. Ce qui me prouve aussi que les employés du Registre Propriété Intellectuelle ne lisent jamais les textes qu’ils emmagasinent.

         Je n’ai donné à personne une certaine page codée, je me la garde sous le coude en me foutant éperdument de son contenu. Pour moi, l’affaire est terminée et mon compte en banque s’est ratatiné comme une peau de chagrin. Une fois encore je n’ai  pas gagné une tune et les petits frais sont inexorablement tombés. ! J’aurai pu devenir millionnaire mais j’ai la poisse économique !

        De nouveau un Falcon de la république  attend sur le tarmac de Lyon Bron.

        Sur mon bureau, le micro desserti de ma boucle d’oreille ressemble à un grain de riz, que je colle, a fin de ne pas le perdre, entre deux pages de mon calepin avec un morceau de fort sparadrap. La technologie moderne réalise de véritables  miniatures miracles sans pour autant que la qualité en souffre. Il ne reste qu’un seul récepteur, et je le possède dorénavant couplé à mon nouveau portable. Je vais pouvoir travailler comme les grands espions, il ne me reste qu’à trouver une occasion de me servir de ces engins.

        Grandjean m’a appelée il y a deux heures, notre notoriété est telle tout en haut que Monsieur le Président, écrit avec des majuscules, va nous recevoir à les Lizer, pardon l’Elysée, où il nous serrera la main et consacrera aux héros (dans l’ombre) du moment  deux minutes de son précieux temps. La gloire ! La discrétion assurée pour une détective qui n’aura bientôt plus rien de privée ! Il ne manquerait plus que la presse soit présente avec un grand tralala de caméras et de preneurs de son.

         Gâcheur de métier  lui aussi !

     

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          Il m’est arrivé d’écouter certains commentaires de la bouche de Grandjean et je peux vous affirmer que ce commissaire, au demeurant fort compétant, ne porte pas les hommes politiques en profonde estime. Il doit, comme moi, avoir envie d’envoyer sur les roses monsieur le président sans majuscule, alors qu’il écoute ses blablas insipides. Je lis dans les yeux du chef suprême de l’état qu’il préfèrerait nettement me recevoir en aparté, plus intimement, et que la médaille qu’il me promet pour bientôt serait assurée si… Le pouvoir doit transformer les hommes en composteurs !

         Quelle idée ai-je eue dans ce bureau présidentiel?  Une folie ! Une incongruité ! Mettre délicatement un grain de riz, coincé et invisible entre le rempaillage et le bois de la chaise qui a reçu mon auguste pétard ! Je n’avais absolument pas l’idée de le redonner à son propriétaire. Sur la fréquence du minuscule émetteur, seulement deux récepteurs dont un probablement brûlé ; le deuxième fixé sur mon téléphone portable et un écouteur dans une oreille. Par pure curiosité, sans aucun objectif, et ne pensant pas que  le bitoniau en question pourrait être fort utile plus tard dans mon job.

         Je veux seulement savoir…

         Que diantre allait dire un président de la République quand il recevra officiellement, pour une première fois dans l’histoire, la chef incontestée de l’opposition ? Avec ses 59 pour cent et demi des voix exprimées aux dernières élections municipales, la majorité au Parlement et au Sénat…allait-il la nommer Premier Ministre ?

  Cette bête, pardon cette tête[8] pensante du principal parti d’une droite qualifiée d’extrême, attendait fière et jubilante dans l’antichambre. Elle devait pénétrer dans le saint des saints bureau présidentiel quelques instants après que Grandjean et bibi votre serveuse allions le quitter.

 Les premières phrases resteront encrées pour toujours dans la mémoire d’Anne Muntanyet, insignifiante et chétive détective privée, qui va bientôt pleurer, mais pleurer…

 Peu de préambule avant d’attaquer un sujet déjà connu :

 

      -Asseyez-vous ma chère. Rassurez-vous, ILS ont remis enfin de l’ordre. Ils ne feront désormais plus confiance aux possibilités anglaises. Rien d’envisageable en Europe, et l’Afrique reste un terrain instable, primaire, peu sûr. Après avoir hésité entre plusieurs pays sud-américains, ils ont découvert un lieu merveilleux où les malades mentaux n’ont encore aucun statut. C’est donc dans les faubourgs d’Oulan-Bator en Mongolie, pays à l’expansion fulgurante, que le laboratoire sera très bientôt réimplanté..

       Réjouissons-nous, la première pierre  de la prochaine fabrique de marionnettes, nos futurs précieux « Exécutants », vient d’être posée !

 

 

 

   

 

         

               

                      

 

 

       

 

[1]              Voir "Les dessins polissons de Pablo"

[2]              Vécu par l’auteur en personne !  Place Antoine Vollon à Lyon

[3]              Grandjean n'a pas saisi!

[4]              Véhicules banalisés et équipés de nombreux systèmes de surveillance.

[5]              Voir "Les dessins polissons de Pablo"

[6]              Voir "Les dessins polissons de Pablo"

[7] Faire la bise dans la langue de Guignol.

[8] Simple faute de frappe.

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