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Douce plume acariâtre

                                  

 

      Non, il n’était pas une fois ! Il existe encore aujourd’hui un bien beau pays où….

      Sa Majesté le Roy est contente. Les derniers sondages de popularité le désignent comme le monarque le plus aimé entre tous. D’accord, c’est vrai que ses humbles sujets n’ont guère de points de comparaison. Aucun d’entre eux n’a jamais eu l’opportunité de sortir du royaume. Etant donné que  la perfection a élu  domicile fixe  en ce minuscule territoire, pourquoi donc irait-on  trainer ses hautes ou basses chausses en un autre lieu ?

      Sur ce qui se passe hors des frontières, beaucoup  d’histoires se transmettent de bouche à oreille depuis bien des générations. Elles parlent de tyrans, de guerriers impitoyables, d’assoiffés de sang et d’or, d’assassins de pères et mères, voir de frères,  dont les sceptres furent, et sont encore plantés en des terres où il ne fait pas bon vivre. Ici la joie domine avec ce bon et bedonnant Perlin, premier de la dynastie des Pinpin. Gentiment surnommé le Roy Pin D’Epice. Le sympathique personnage glousse d’aise à entendre cette expression et claque des doigts pour que son fidèle Sil Teplai file vers les cuisines et lui rapporte sa friandise préférée….Vous l’avez deviné…une tranche de pain d’épice. Attention, celui-ci est vraiment spécial…

      La richesse de ce si minuscule territoire ne vient en fait que de cette délicieuse gourmandise. En aucun autre coin de la toute ronde planète on en fabrique d’aussi succulent. Merveille sublime qui se vend si bien que le mot pauvreté n’existe plus sur les dictionnaires locaux. Alors bien évidemment que la recette qui remplit d’aise les caisses de l’état est gardée secrète. Les Epiciens connaissent la sentence punissant l’éventuel traitre ; l’exclusion ou la privation de pain d’épice pour la vie ! Ils se frottent la bedaine de contentement en pensant à principale loi du Royaume.    

     Tous les Epiciens naissent libres et égaux dans la consommation du Pain et la dégustation du miel.

      Monarque inclus, Sil Teplai également et monsieur le ministre de l’économie Portemo Ney lui aussi. Du plus petit des citoyens jusqu’au plus élevé dans la hiérarchie, le droit à la gloutonnerie est accordé. À tel point que l’embonpoint déambule dans les rues sans se faire remarquer le moins du monde. Le nonchalant possédant une taille de haricot fait naître un peu de tristesse. Tout le monde pense qu’il est malade et offre aussitôt un bon gros morceau de pain d’épice.

         Il va de soi qu’en ces terres, l’abeille est reine. On l’appelle fréquemment « Source de vie » Cet insecte travailleur infatigable est protégé et vénéré, ceux qui récoltent le miel, l’or des ruches, reçoivent un amour permanent de tous les Epiciens et n’ont jamais de mal pour trouver qui une épouse, qui un mari.

      Pipo, encore trop jeune pour voler en noces, possède deux ruches. Les connaisseurs, fins palais  fins gourmets, affirment que les abeilles qui les peuplent produisent un nectar…hummmm, à nul autre semblable ! Pour preuve, son miel est aujourd’hui exclusivement réservé pour fabriquer le Pain d’Epice Royal, celui réservé à sa Majesté Perlin Pinpin. Le petit garçon habite loin là-haut dans la montagne, très près de la frontière avec l’est du sud-ouest du pays  voisin, la Vagoland….Un endroit horriblement laid et qui, comble de malheur, produit un miel dont personne ne veut. Les abeilles y sont méchantes, peu productives, et tous les abominables produits chimiques dont on pulvérise à outrance champs, vergers et potagers, les rendent malades de surcroit. Ahhhh, ce surcroit qui remplit les hôpitaux et si difficile à combattre !

         Mais peu importe pour le Roy d’à côté de ne pas avoir du bon pain d’épice, seuls les objets en or l’intéressent. Plus ils sont petits et minutieux, plus sa majesté s’extasie, se pâme devant leur beauté, leur finesse. Sans jamais oublier leur valeur bien sûr ! Son cireur de bottes préféré vient de lancer un concours :

        Il sera donné un poste important dans l’administration du Royaume à celui qui  rapportera le plus bel insecte d’or !

        Attention. Poste transmissible sur plusieurs générations !

        Le méchant Acid Scorbik rêve depuis toujours d’être fonctionnaire. Un proche cousin lui chante en permanence les vertus d’une telle situation. Il travaille dans un bureau comme coinceur de bulles pour un hebdomadaire illustré du gouvernement. Destiné sans doute à gaver de mensonges les petits nenfants et leur faire oublier combien leur pain d’épice est de piètre qualité. Acid passe ses weekends, c'est-à-dire du mercredi matin jusqu’au lundi soir, à espionner les deux ruches et il a appris de plus que le grand frère de Pipo est un joailler de renommé. Particularité, cet artisant excelle dans la fabrication des bijoux miniatures…Mais s’est toujours refuser à travailler pour le Roy de Vagoland.

        L’abominable Scorbik devrait là, trouver un moyen de gagner le concours…Il va kidnapper la petite sœur de Pipo et demandera pour sa rançon…une abeille en or !

       Une nuit, alors que monsieur Lesoleil s’était couché pour aller se reposer, que madame Lalune ne s’était pas encore réveillée, Acid franchi la frontière. Un grand sac de jute plié dans son cabas et de la mauvaise herbe qui fait dormir quand on la fait bruler, Marijanne la sorcière lui en ayant vendu une bonne poignée.

       Malin le vilain. Il vint au vent avec l’herbe fumante dans un petit récipient de métal.

      Et toute la maisonnée plongea bientôt dans un sommeil si profondément que personne n’entendit le malintentionné forcer la serrure et renter. Le papa de Pipo, la maman de Pipo, Pipon le chien de papa, Belle, la sœur de Pipo et Bêbête sa belette  apprivoisée enfin Pipo lui-même avec son chat Pompon  ronronnant sur sa couette, dormirent…mais dormirent ! 

       Hop, Belle dans le sac ! Hop sur l’épaule et vite, vite repasser la frontière. Le diabolique plan se déroula à merveille…Hé hé hé…comme sur des roulettes ! Acid allait devenir fonctionnaire, coinceur de bulles d’ici peu, comme son cousin.

       Ses forces décuplées par la vue d’un avenir prospère Acid revint dans sa maison. Il se dit que dans peu de temps il allait pouvoir s’en acheter une plus grande, une que les termites ne pourraient pas manger, car la sienne tenait encore debout par miracle et bouts de ficelle, sa porte et ses volets étaient si pourris qu’ils ne tarderaient pas pour un jour tomber en poussière. Il installa sa prisonnière, dormit quelques heures puis repassa la frontière et s’en alla trouver Pipo…

         Un Pipo non loin de ses ruches, pleurant la disparition de sa petite sœur. Pipon qui l’accompagnait se mit à gronder ; mais il n(était pas méchant et jamais personne ne lui avait enseigné que l’on pouvait mordre.

               -Salut Pipo, je suis Acid Scorbik, ton voisin de Vagoland. J’ai un marché à te proposer. Tu retrouveras Belle si tu me donnes une de tes abeilles, mais il faudra qu’elle soit en or ! Peut-être que ton frère le joailler  fera quelque chose pour toi…

                -Misérable ! Comment pourra-t-il faire si minutieux ?

               -Ce n’est pas mon problème ! Au revoir, il te reste jusqu’à la prochaine lune. Sinon, je vendrais ta sœur pour servir d’esclave à mon Roy.

             Les pleurs de Pipo redoublèrent mais le hasard fait parfois bien les choses. Merlin le magicien, en chemin de visite de son ami le Roy Perlin Pinpin, passait non loin et se détourna pour voir combien la peine était grande. Et si sa magie pouvait la soulager. Quand le petit garçon lui eut conté ses déboires, Merlin sortit une fiole du grand fourretout qu’il portait en bandoulière et prononça ces mots :

                   -Tu verseras une seule goutte sur l’abeille que tu auras choisie et elle deviendra d’un or absolument pur. Attention, jamais cet insecte ne devra recevoir un rayon de madame Lalune pleine sinon la magie disparaitra !

                    Tu me rendras le flacon quand je repasserai, d’ici une petite semaine je pense.

         Pipo remercia chaleureusement Merlin et voulu choisir une abeille. Toutes étaient fort affairées et connaissaient bien leur maitre.  Qui peut dire qu’une abeille ne comprend pas le langage des humains ?….A moins que celles-ci soient vraiment particulières ! Des milliers de petites voix parvinrent aux oreilles du garçonnet.

                   -Moi ! Moi ! Moi ! Je suis volontaire. Je veux t’aider à sauver Belle. Moi ! Moi !

       Pipo tellement ému fit un mauvais geste et le tout liquide magique se répandit sur la ruche. QUI SE TRANSFORMA AUSSITÔT EN OR ! Et bien, si avec ça l’affreux Acid ne lui ramenait pas sa petite sœur !

      Le voisin de Vagoland ne put soulever la ruche ! L’or n’est pas seulement un métal précieux….il est aussi très très lourd. Il s’en alla chercher des amis. Tous comme lui, méchants, bandits, souvent voleurs qui se voyèrent à leur tour riches, et de plus coinceurs de bulle à vie ! Raccompagnée à la frontière, Belle retrouva bien vite et avec grande émotion Bêbête sa belette, Papa et son chien Pipon, Pipo son frère avec le chat Pompon enfin Maman.

       Que d’embrassades, de pleurs de joie et que le Pain d’Epice était bon !

 

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      Cette bien triste histoire fut oubliée, enfouie dans un tiroir que nul n’avait envie d’ouvrir…sauf en Vagoland !

      Le cireur de bottes royales ne tint pas sa promesse et les méchants amis d’Acid se réunirent pour se partager l’or de la ruche. Personne n’était content, tout le monde en voulait davantage et ils se battirent à grands coups de poings. A tel point que l’un d’entre eux en reculant, pulvérisa la porte que les termites avaient déjà bien mangée.
       Madame Lalune à son plein entra dans la baraque et aussitôt toutes les abeilles redevinrent normales. De braves insectes qui produisent du bon miel. Mais aussi qui piquent. Qui piquent sans collégramme, qui piquent sans bouréboure et sans ratatam. Et cela fit maaaaal ! La reine des abeilles ne voulant pas devenir Vagolandienne, les ouvrières escortées des soldats pour sa sécurité, la rapportèrent dans le beau pays des Epiciens où Pipo lui construisit une nouvelle ruche toute neuve.

      Le Roy de Vagoland lui aussi piqué par l’abeille que son cireur lui avait offert fit condamner ce serviteur incapable: Il dut transporter toutes les pierres que les coinceurs de bulles lui désignèrent.

                  Beaucoup de pierres …et toutes très grosses !

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